Wednesday, December 19, 2007

Votre volonté ne sera pas faite sur terre, comme au ciel.



Après chaque assassinat politique perpétré au Liban, les détracteurs de Michel Aoun se précipitent sur l’occasion pour l’affubler directement ou indirectement de la responsabilité du crime, sans pour cela oublier d’implorer honteusement la sympathie de la masse ignare en exploitant sans vergogne la dernière goutte de sang du ‘’chahid’’, pour consolider leur position vacillante au sein d’une autorité fantoche et usurpée.

C’est la politique du croque-mort ; à ajouter désormais au glossaire usuel des désignations déjà en vigueur telles : la politique d’entente, de dissuasion, de rapprochement, etc.

Mais le plus offensant pour l’intelligence demeure leur culpabilisation du Général ‘’pour l’engendrement d’une situation qui favorise le meurtre et paralyse l’activité politique dans le pays’’, tout en l’acquittant de toute implication ‘’technique’’ dans lesdits meurtres.

A en croire que l’aura maléfique du Général orange, bravant le temps et l’espace, à agi depuis son exil de France, pour fomenter l’attentat manqué sur Marwan Hamadé ou celui réussi contre Rafic Hariri, qui déclencha le mécanisme infernal de la tourmente qui ravage désormais notre pays.

Dans la même ligne de pensée, et outre leur responsabilité pour l’anéantissement de toute cohésion sur la scène politique Libanaise, les ‘’Aounistes’’ sont systématiquement accusés de stupidité politique, de superficialité et d’irresponsabilité. Quant à leur chef, un matraquage médiatique incessant, œuvre inlassablement pour éroder sa popularité et l’exposer au public Libanais ainsi qu’au reste du monde sous les traits d’un idiot berné voire d’un aliéné dangereux.

La haine nous affirme-t-on est le catalyseur principal qui fait fonctionner le courant Aouniste.

Est-ce la raison pour laquelle les voyous Chrétiens du 14 Brumaire lapidèrent sur ordre de leurs chefs, la délégation officielle du Tayyar venue à l’église pour participer aux obsèques de Gibran Tureni ?

Ou lorsqu’ils saccagèrent en une vaste razzia synchronisée et comme préparée à l’avance tous les bureaux du Tayyar se trouvant en zone Chrétienne, une demi-heure seulement après l’assassinat de Pierre Gemayel ?

Serait-ce la raison pour laquelle le ‘’Cheikh Amine’’ au palmarès peu ragoûtant, refusa dans un geste inexplicable, d’une grossièreté et d’une rudesse sans précédent dans les annales de la civilité Libanaise, de recevoir les condoléances du général Aoun pour la mort de son fils, alors que les portes de sa demeure de Bikfaya demeurèrent grandes ouvertes devant la délégation officielle du PSNS responsables de l’assassinat de son frère et premiers suspects dans l’assassinat de son fils ?

Quel est donc le péché impardonnable commis par ce Général paria, dont les politiciens Chrétiens du 14 Brumaire ont juré la perte bien plus âprement encore que leurs homologues Musulmans ?

C’est tout simplement celui de les avoir TOUS battus ‘’à la régulière’’ dans les élections législatives qui advinrent dans les zones à 100% Chrétiennes en 2005, les renvoyant ainsi valser une ordure après l’autre, dans la poubelle béante de la médiocrité et de l’oubli. .

Aussi d’avoir couvert de ridicule leurs acolytes dans les autres départements mixtes crées artificiellement par Ghazi Kanaan, où ils ne durent leur salut qu’aux voix des Musulmans majoritaires venus in extremis à leur rescousse.

Un dicton Arabe bien connu cite : « Couper ses sources de revenu à un homme équivaut à lui trancher la tête »

C’est exactement ce que le Général fit sans vraiment le vouloir, à tous ceux pour qui les postes de service public n’ont jamais étés que mine d’or et source de pouvoir arbitraire et d’intérêt personnel.

Il est aussi fréquent d’entendre ou de lire dans les divers canaux médiatiques, de ‘’doctes’’ analystes reprocher au Tayyar ses visées puériles et sommaires ainsi que son activité partisane empreinte d’amateurisme et de légèreté.

Mais jamais leurs voix ou leurs plumes d’hypocrites ‘’objectifs’’ n’a eu l’honnêteté de mentionner le courage, la sincérité et le patriotisme authentique de ce groupe volontaire combattant farouchement pour un Liban meilleur.

Peut-être ont-ils vu cela dans les fumisteries criminelles d’un PSNS ou dans le Druzisme féodal et sanglant d’un PPS ; à moins que cela ne soit dans le Fascisme primaire des PL et de leurs descendants Néo SS en l’occurrence les FL.

A moins que cela ne soit l’ogre Libano/Israélo/Wahhabite qui voit le Liban ‘’Futur’’ sous forme de : « Lebanon S.A.R.L. »

* * * *

Dans le bleu intense du ciel Beyrouthin, deux fines trainées blanches dans la stratosphère suivaient deux jets Israéliens venus en cette radieuse journée du Lundi.17. 2007 planer en toute quiétude au dessus du parlement Libanais, porteurs d’un double message, menaçant pour d’uns, réconfortant pour d’autres…

Devant les invectives des journalistes et leurs appels aux députés de la nation qui descendaient de leurs rutilantes voitures blindées entourés de leurs gorilles de regarder le ciel, il était intéressant d’observer la réaction de certains qui le firent, alors que d’autres s’empressèrent de gravir les escaliers du parlement, l’oreille sourde, la tête basse, et le regard obstinément fixé sur les marches.

N’ayez point d’illusions chères vieilles crapules, il ne sera PAS fait sur terre comme au ciel ; malgré le soutien moral des F-16 Bibliques, et celui sans précédent du trio Welsh/Abrams/Rice (en l’occurrence le Ku-Klux-Klan, le Yiddish et Sapphô-la-vilaine), accourus à votre rescousse sur l’air célèbre composé par Ennio Morricone pour le Western-Spaghetti de Sergio Leone.

Le Tayyar n’est plus un parti politique dont Aoun en est le chef ; c’est un message, une espérance et une chanson sur les lèvres et dans les cœurs des hommes, femmes et enfants du Liban libre.

Aoun peut partir ou mourir à tout instant ; cela n’a guère plus d’importance ; mais essayez donc de tuer la chanson !

Et c’est mû par la pure méchanceté que je retourne avec délectation le couteau dans votre plaie putride, vous rappelant l’autre sommet qui se dresse infranchissable devant votre petitesse larbinissime :

Le Hizbollah !

Comment allez-vous faire pour gravir cette montagne mes cocos ?

Ibrahim Tyan.

* Visitez : « Les carnets du Beyrouthin ».

Wednesday, December 12, 2007

Laissez toute espérance.



Laissez toute espérance en entrant dans l’Enfer.

_ Dante Alighieri / Canto Inferno III.
(La Divine comédie).

* * * *

En 1609, le roi James Premier d’Angleterre, souleva le couvercle de la boite de Pandore en découvrant la facilité déconcertante avec laquelle on peut semer la division parmi les rangs d’une population unie, rien qu’en attisant ses différends religieux. Le malheureux peuple Irlandais en fit la triste expérience durant quatre longs siècles de sang et de douleur.

Extrait de l’article intitulé « Les racines du mal »
Paru sur ce blog le 22 Avril 2007

* * * *

Tout le long de son histoire contemporaine, mais surtout depuis 1958, le Liban se traîna de crise en crise, de conflit en conflit et de guerre en guerre, avec des périodes d’accalmie relative inexorablement suivies par une recrudescence des hostilités toujours plus vicieuse et plus dévastatrice. .

Ce fait est dû à la constitution même du pays divisé en deux communautés majeures, Chrétienne et Musulmane.

Qu’on le veuille ou non, tout le mal dérive de là ; et ce blog (pourtant laïc et libéral à souhait) le constate avec une profonde amertume et regret. Mais cela n’est pas une raison pour mâcher ses mots ou chercher midi à quatorze heure.

Pour l’orthodoxe Hébreu, la loi Mosaïque est un code juridique intouchable issu directement de Yahvé pour gérer tous les aspects de son activité civique et personnelle, notamment : l'administration civile, le système judiciaire, le système militaire, le droit criminel, le mariage, les relations parents-enfants, les lois relatives à l'héritage, les biens immobiliers, la conduite et les devoirs individuels, les lois sanitaires et diététiques ; et cela souvent en contradiction importante avec les codes, lois et statuts civils et personnels d’un milieu moderne laïc et égalitaire au sein duquel, l’Israelite pratiquant pourrait être emmené à vivre.

Sans trop s’étendre sur le sujet, disons simplement que les Juifs, pourtant réputés d’habiles et malléables opportunistes, se transforment comme par enchantement en de monolithes bornés et immuables dès qu’ils butent sur le mur des commandements de ‘’ l’Eternel’’.

D’où leur échec durant des siècles à s’intégrer aux diverses communautés au sein desquels ils résidèrent, et leur cantonnement caractéristique dans de ghettos hermétiques cernés de toute part par l’hostilité générale ; jusqu’au jour où ils parvinrent, armés de preuves futiles et séculaires, à usurper à ses propriétaires légitimes un lopin de terre dans le Moyen-Orient, où une bonne partie d’entre eux demeurent cantonnés jusqu’à ce jour par la force unique de l’épée et de la protection du monde Occidental (secrètement soulagé de s’y être débarrassé), entourés de peuplades numériquement supérieures et foncièrement belligérantes.

Tel est le résultat inévitable lorsque l’enseignement ‘’Divin’’ s’éloigne de sa nature essentiellement éthique et morale à portée intemporelle et universelle pour se mêler aux étroites et circonstancielles législations ‘’terrestres’’ engendrant des décrets possiblement acceptables du temps de leur issue, mais rapidement dépassés par les changements drastiques que le cours irréversible du progrès imprime aux hommes et aux sociétés, et ceci pour l’insoluble dilemme des ‘’fidèles’’ pris entre le feu d’une législation ‘’Divine’’ rendue invraisemblable par la réalité même des choses et l’impossibilité de l’abolir ou de l’amender.

Dans un contexte comparable, l’Islam dont le code juridique reproduit presqu’intégralement les mêmes principes que son prédécesseur Judaïque, continue à faire face aux mêmes difficultés concernant l’intégration ou la coexistence de ses adeptes avec toute autre communauté possédant des lois et des statuts civiques et personnels différents.

Arrivé à ce point, il serait vital de préciser que ce que je viens d’émettre n’est nullement cité dans un esprit d’HOSTILITÉ ou de REPROCHE de ma part envers mes concitoyens Mahométans dont certains sont parmi mes amis les plus intimes, mais par simple CONSTATATION d’un fait regrettable certes, mais qu’il serait encore plus regrettable d’ignorer.

Pour mesurer la profondeur du gouffre qui sépare les deux communautés, il suffit de feuilleter rapidement les closes de la loi concernant le statut personnel du citoyen Libanais pour constater qu’il est formellement INTERDIT à un Musulman de coucher un Chrétien sur son testament et qu’un Chrétien bigame serait passible de prison alors que la même loi protège le Musulman polygame.

Alors je me gausse de ceux qui, à l’exemple de l’inénarrable Carlos Eddé, soutiennent des balivernes telles l’abolition du confessionnalisme politique ou de la laïcisation comme solution radicale au problème Libanais.

On se doit d’établir une loi spéciale pour châtier exemplairement ces ahuris qui abusent les âmes naïves et les natures crédules de leurs divagations insensées.

Des divergences fondamentales et organiques dans la conception de facteurs essentiels tels la liberté individuelle, les droits civiques, la structure de l’état et de l’idée même du Bien et du Mal, formaient déjà en eux-mêmes un mélange hautement volatil auquel vinrent s’ajouter les menées criminelles des scélérats qui se sont succédés au pouvoir au Liban, et qui attisèrent la méfiance déjà existante entre les deux communautés en vue d’y consolider leur position privilégiée et de sauvegarder leurs intérêts personnels.

En résultat de cette politique de division et de discorde, le Musulman à été graduellement emmené à considérer la présence de la civilisation Chrétienne dans son pays comme un AFFRONT, et le Chrétien comme une MENACE, la pensée Islamique.

Il existe certes d’innombrables autres facteurs issus tant de l’intérieur que de l’extérieur qui contribuèrent à la détérioration et l’empoisonnement des relations entre les Libanais ; mais le virus originel qui avait dejà annihilé le système immunitaire du pays et ouvert la porte aux germes, microbes et autres misères qui par la suite vinrent s’y engouffrer, demeure le différend religieux et son exploitation ignoble par les dirigeants Libanais.

Dernièrement, trois événements caractéristiques qui advinrent au Liban méritent leur place dans le présent exposé :

_ En Février 2006, les Sunnites fondamentalistes saccagèrent et brûlèrent le quartier de Tabariss dans la région Chrétienne d’Achrafieh suite à la publication au Danemark de bandes dessinées portant atteinte au prophète Muhammad.

_ En Juin 2006, suite à la diffusion à la TV d’un épisode satirique s’en prenant à Sayyed Hassan Nasrallah dans le cadre d’une émission bien connue, les hordes Chiites en colère déferlèrent de la banlieue sud de la capitale jusqu’au centre-ville et les confins d’Achrafieh, barrant les routes et brûlant des pneus. Un conflit généralisé fut évité de justesse.

_ En 2007, le gouvernement de Fouad Sanioura abolit le congé national du Vendredi Saint ; s’en suivit une réaction vigoureuse de la part des Chrétiens, menaçant d’avoir recours à l’insurrection civile si le gouvernement ne revenait pas sur sa décision. Ce qu’il s’empressa de faire.

Entretemps, le contenu d’un paquet standard de pain est passé de la sempiternelle et sacro-sainte DOUZAINE à HUIT pains seulement.
Cette réduction qui touche pourtant à l’aliment de base par excellence du peuple Libanais n’a suscité nulle part la moindre réaction !


Dans un tout autre pays, un événement pareil aurait suffi pour déclencher une révolte déferlante qui aurait balayé tout sur son passage.

Mais qui va faire la révolution au Liban ?

Serait-ce l’illuminé ceinturé de C4 qui veut crever pour Allah, ou le Cro-Magnon Fasciste tatoué de la croix-poignard ? A moins que cela ne soient les traitres larbins prêts à vendre leur cul au plus payant !

Sans chercher à en expliquer les causes (trop long…), une nécrose générale ronge le peuple Libanais désormais composé en majorité de minables résignés, de loques apathiques ou de brutes insensibles.

Alors ma révolution, je la fais sur les pages de ce blog ; mais cela ne m’est d’aucune consolation.

Ibrahim Tyan.

* Visitez « Les carnets du Beyrouthin »

Tuesday, December 4, 2007

L'ORACLE A PARLÉ.



« …Le plus risible étant le spectacle de ces anciens bagnards (littéralement) et de ces criminels de guerre, qui se sont soudain découverts une érudition en matière de droit constitutionnel et se sont métamorphosés en de doctes juristes et législateurs pour s’évertuer à expliquer au pauvre bougre d’ignorant que je suis, le danger mortel que représente la proposition du General Aoun pour la survie et la continuité de notre ‘’prestigieuse démocratie’’.

Mais le plus tordant, hilarant, désopilant boyautant, navrant, attristant, poignant, pathétique et imparablement grotesque reste le suivant :

Je vous parie ce que j’ai de plus cher (en l’occurrence mes bijoux de famille) contre un gramme de Guano, qu’il suffit d’un bref contrordre (téléphonique) du gouverneur Jeffrey Feltman pour faire dramatiquement changer de discours à tout ce ramassis de zbélé de racaille.

L’on verra alors toute cette chorale mercenaire effectuer brutalement un virage-épingle à 180 degrés, pour se transformer comme par magie, en de chantres infatigables pour louer jour et nuit les bienfaits innombrables du suffrage universel.

Et qu'en savez-vous ! S'il le leur est demandé, ils iraient même jusqu’à clamer à l’unisson :

Ma badna gheir il Imad
Raïs il joumhourié


_ Extrait de l’article « La voix de son Maître ».
Publié sur ce blog le : 11 Mai 2007.

* * * *

Ça y est l’oracle à parlé.

Comme au temps de Moise, dévalant les pentes du mont Sinaï pour porter la bonne parole de Yahvé à son peuple, l’Eternel parla aux Libanais du haut du mont Rushmore par l’entremise de deux de ses plus humbles serviteurs, en l’occurrence : Elias Atallah et Ammar Houri (un Chrétien et un Musulman ; how convenient Mr. Embassador.)


Que tes volontés soient faites ô tout puissant, mais DIEU ce qu’elles peuvent être chiantes.

Surtout pour ceux parmi les Chrétiens du 14 Brumaire qui se sont évertués pendant deux longues années à braire à tout vent qu’ils n’accepteraient JAMAIS un président qui ne serait pas de leur clique du 14 Mars, durent-ils pour cela recourir à des élections présidentielles anticonstitutionnelles et extra parlementaires au risque de mettre le pays entier à feu et à sang.

La vie est une sale pute, mais elle comporte parfois des moments de plaisir intense ; tel le spectacle inénarrables des greules de ces crapules Chrétiennes qui ont dépassé en fourberie et en servilisme tout ce que ce pays à connu auparavant (et il en a connu…) ; ces candidats à la présidence qui se sont évertués à scier la branche sur laquelle leur communauté et eux-mêmes étaient assis, comme pour dire à leurs nouveaux maîtres : Prenez-moi s’il vous plait ! Ne voyez-vous donc pas que je suis encore le plus traître de tous. ?

Que dire de ces hypocrites ordures qui nous ont rasés pendant des années, nous affirmant que JAMAIS Ô GRAND JAMAIS ils n’accepteraient d’un militaire au pouvoir.

Et le général Souleiman c’est quoi alors ? Un serrurier ?

Et je t’en vois de pâlots qui essaient de ravaler dignement leur dépit, et des verdâtres qui ne le peuvent pas, alors ils boycottent leurs camardes d’hier prétextant l’outrage devant le viol de la constitution.

VILS SALAUDS !

Et je ne parle pas des ‘’autres’’, ni de leurs promesses de guerre civile en cas de l’accès d’un non-QuatorzeMarsiste à la présidence ni des mains coupées plutôt que d’apporter le moindre amendement à la constitution.

TOZ, TOZ, ET TRIPLE TOZ.

Bouclez-la donc fripouilles, vous n’osez même pas péter sans la permission de vos maîtres !!!

* * * *

« …Enfin pour ceux qui se demandent pourquoi j’ai fini deux paragraphes de ce texte par l’expression amputée de « car après… », J’explique que ceux qui croient aujourd’hui qu’ils ont assuré leur avenir et leur part du magot en trahissant leur pays et leurs compatriotes vont à l'encontre de deux vérités fondamentales :

1) Malheur aux faibles qui s'associent aux forts.
2) Israël et le Tagoth International NE PARTAGENT PAS !

_ Extrait de l’article « Marché de dupes ».
Publié sur ce blog le 14 Avril 2007.

* * * *

Il y a à peine deux mois, GW Bush en personne annonça à la valetaille du 14 Brumaire qu’ils disposaient jusqu’à la fin de cette année comme date limite pour la privatisation du secteur de téléphone cellulaire sinon… !

Ce sont là les prémices de l’orage que ces abrutis se sont attirés sur eux-mêmes et le Liban.

Un Liban qui ne peut vivre que dans le cadre d’un équilibre subtil et délicat que ces criminels ont définitivement rompu par leur cupidité et leur voracité sans bornes.

Le pays de l’esprit et de la lumière est devenu un bouge de crapules et d’argent qui ne peut engendrer que de l’argent et encore plus d’argent, donc encore plus de crime, de convoitise et d’arriération.

L’exemple parfait du régime où les riches seront toujours plus riches et les pauvres, plus pauvres que jamais.

Et ce n’est pas le général Souleiman (malgré l’estime que j’ai pour l’homme) qui va changer cet état de choses.

Déjà, la bataille pour la formation d’un gouvernement d’entente nationale et la nomination d’un nouveau premier ministre pointe à l’horizon.

Sans parler de celle de l’établissement d’un conseil constitutionnel à la place de celui assassiné par les soins de la clique Hariri-Joumblatt, et que leurs alliés Chrétiens, pourtant tous d’’’éminents’’ juristes et hommes de droit ont passé sous silence.

Puis de la passation d’une loi électorale juste et équitable qui permettrait enfin aux Libanais d’élire leurs représentants authentiques.

Et je ne parle pas de la catastrophe économique et des $ 50.000.000.000 de dette nationale, ni de la menace occulte des milices armées palestiniennes, djihadistes, ou appartenant à divers partis confessionnels Libanais ; mais surtout de la fissure incommensurable qui sépare désormais les Libanais entre eux.

A ceux qui voient dans la ‘’solution’’ qui s’annonce une fin pour nos malheurs, même si elle est la résultante d’un vague accord entre les Etats-Unis et le régime Syrien avec l’aval obligatoire de l’état Hébreu, j’emprunte pour leur répondre cette phrase inspirée de l’évangile :

Chaque arbre se reconnaît à son propre fruit.
On ne cueille pas de figues sur des épines, ni ne vendange de raisin sur des ronces.

Ibrahim Tyan.

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Wednesday, November 28, 2007

Le banc des fantômes.



…Il est vrai que parfois
Près du soir les oiseaux
Ressemblent à des vagues
Et les vagues aux oiseaux
Et les hommes aux rires
Et les rires aux sanglots

Il est vrai que souvent
La mer se désenchante
Je veux dire en cela
Qu'elle chante d'autres chants
Que ceux que la mer chante
Dans les livres d’enfants…


Jacques Brel. / La ville s’endormait.


Lorsque le grand Jacques écrivit ces lignes, le cancer lui avait déjà rongé un poumon et menaçait de lui corroder l’autre. Chez l’homme, l’étincelle moribonde de la vie biologique finit par s’éteindre, mais le rayonnement de l’esprit lui subsista, traversant l’espace et le temps bien après son départ, pour illuminer en cette soirée d’automne, ces modestes pages d’un illustre inconnu dans un pays lointain, au cours d’un autre siècle.

Cela s’appelle l’immortalité.

Il est des morts plus vivants que les vivants, et des vivants encore plus morts qu’une motte d’excréments qui fut jadis un rat, qui finit une nuit, en festin pour un chat.

Assis sur mon banc de pierre sous les palmiers d’Aïn-el-Mraïsseh avec le grand Jacques à mes côtés, je respectais le silence de mon vieux compagnon ébloui devant tant d’azur intense et de parfum enivrant émanant de cette Méditerranée ancestrale dont les vagues languissantes striées de diamant et de pourpre, reflétaient la symphonie céleste qui se déroulait dans les cieux au-dessus d’elle, comme un prélude grandiose pour l’apparition dans son berceau d’écume et d’argent, de la coquille dorée abritant la Venus endormie.

Avec la mer du Nord pour dernier terrain vague
Et des vagues de dunes pour arrêter les vagues
Et de vagues rochers que les marées dépassent
Et qui ont à jamais le cœur à marée basse
Avec infiniment de brumes à venir…


Devant cette explosion luxuriante de beauté, de tendresse, de richesse et de générosité qui se déroule devant tes yeux, combien tu dois te sentir loin de ta cruelle mer du Nord, vieux compagnon.

Et combien doivent se ronger de regret, Vermeer, Van Gogh et Turner accoudés devant nous à la balustrade, pour avoir raté quand ils le pouvaient encore, l’occasion de reproduire sur leurs toiles cette luminosité incroyable ; eux qui ont passé leur existence dans la recherche éperdue de la lumière.

Tu vois mon cher Jacques le beau pays qui est le mien ?

J’aurais aimé te faire faire la connaissance de mon autre ami Abou Ragheb que tu aurais sans doute aimé, mais il est parti à l’autre bout du monde et je ne sais pas si je ne le reverrais jamais de mon vivant.

Mais d’où vient-elle donc cette belle mélodie que nous rapporte la douce brise de Novembre ?

_ Dis-donc Jacques, le mec qui arrive de là bas, ne serait-il pas… ?

Mais je vois à ton léger sourire que tu as reconnu l’ami Charles.

La mer
Au ciel d'été confond
Ses blancs moutons
Avec les anges si purs
La mer bergère d'azur
Infinie.


Divinement bien dit, et en toute simplicité !

Tu vois mon Jacques, les intellos ont la fâcheuse habitude de s’embrouiller d’un bagage un peu trop encombrant qu’ils ne savent pas toujours larguer au bon moment.

Ceci dit, moi je les aime bien, et partage avec eux leur passion pour le jazz, le Western et la bandes dessinée.

Me vient notamment à la mémoire un personnage de bande dessinée des années 1960 qui est le grand Vizir Iznogoud qui nourrissait l’ambition secrète de devenir Calife à la place du Calife.

Ce qui m’avait surtout fait rigoler à l’époque était la ressemblance physique et morale indéniable que je trouvais entre le Vizir Iznogoud et son Calife Haroun el Poussah, avec le PM Rachid Karamé et le Président Charles Helou.

Depuis, la race d’Iznogoud à fleuri sur nos entiers, de sorte que nous avons aujourd’hui :

_ Un Sayyed Hassan qui veut être Imam à la place de l’Imam.
_ Un Sanioura qui veut être président à la place du président.
_ Un Général qui veut être Patriarche à la place du Patriarche.
_ et un Hakim qui veut être Général à la place du Général.


Quant à moi mon grand Jacques, j’ai trouvé que ce qu’il me restait encore de mieux à foutre était de faire comme tes marins d’Amsterdam qui :

Se plantent le nez au ciel
Se mouchent dans les étoiles
Et ils pissent comme je pleure
Sur les femmes infidèles.


…et sur toutes les ordures qui aujourd’hui dans nos journaux, ont tous leur photo.


Ibrahim Tyan.

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Sunday, November 25, 2007

Ces ''Chrétins''...



L’étonnant est qu’après des décennies d’inconscience, d’erreurs grossières de jugement, de politique suicidaire et de lutte fratricide, les Chrétiens du Liban semblent aujourd’hui pris au dépourvu par ce qui leur arrive.

Alignés derrière un paranoïaque mégalomane et irraisonné qui voit tout en orange, ou d’un psychopathe dangereux rongé par la rancœur et qui vit encore à l’heure du « Majless-el-Harbi », sans parler de la clique restante d’opportunistes véreux, les voilà aujourd’hui scindés en deux factions secondaires vassalisées respectivement aux deux forces principales Sunnite ou Chiite au sein de la nation.

Navrante fin pour ces fondateurs véritables du Liban, qui ont fait jadis sa force, son unicité et sa raison d’être.

Leur plus haute autorité civile vient de partir laissant le siège vacant, la place déserte, la porte béante et la succession incertaine.

Ses bravacheries Matamoresques se sont soldées par un dernier message vague et ambigu à la nation, qu’il laissa le soin de lire à son chambellan essuie-tout personnel, et dans lequel il renvoyait la boule de feu vers le commandant en chef de l’armée, qui s’empressa de la rendre civilement à l’expéditeur.

Leur plus haute autorité religieuse, aujourd’hui plus vacillante que jamais, brille par son incertitude, son hésitation, ses contradictions et sa couardise. En un seul mot : par son incompétence.

Les émissaires Européens sont retournés chez eux, le Américains font semblant de regarder ailleurs et les frères Arabes nous aspergent de leurs habituels sages conseils et soutien verbal.

Entretemps une grande page de l’histoire vient d’être tournée, et quoiqu’il advienne dorénavant, la position du Christianisme au Liban et dans tout le Levant ne sera jamais plus le même.

Des uns parlent de complot Américano-Sioniste, d’autres de machination Wahhabite ou Syro-Iranienne, ou encore d’un état de statu quo rendu nécessaire dans l’attente des résultats qui émergeront du congrès d’Annapolis ; (cette dernière perspective me fait frémir, le Liban ne s’étant pas encore remis des séquelles des accords de Camp David en 1978…)

Il demeure qu’une chose est certaine : Des circonstances exceptionnelles requièrent des hommes exceptionnels.

Chez les Chrétiens du Liban, cette conjonction ne s’est pas faite.

Tels les Byzantins se querellant sur la nature du sexe des anges en 1453 alors qu'au dehors les troupes de Mehmet II s'apprêtaient à forcer les remparts de Constantinople, les Chrétiens Libanais semblent aujourd'hui plus résolus que jamais à s’entre égorger jusqu’au dernier, sur leur rafiot qui coule.

Ibrahim Tyan.

* Sur le même thème, revoir ''Nationalistes souverains ou Pharisiens et Publicains?''

* Visitez « Les carnets du Beyrouthin ».

Wednesday, November 21, 2007

PARABOLE.



Dans une forêt vierge vivaient trois taureaux qu’une grande fraternité unissait. L’un d’eux était blanc comme neige, l’autre roux comme du feu et le troisième noir comme la nuit.

Ensembles ils partaient brouter l’herbe tendre des prés et se désaltérer à l’onde pure des ruisseaux dans la plus parfaite des harmonies, et ensembles ils rentraient au gîte, veillant sur la tranquillité de l’un l’autre, avec toute la sollicitude de l’authentique solidarité.

Un lion qui vivait non loin de là, se morfondait de dépit au spectacle de ces bêtes splendides qu’il aurait tant aimé se mettre sous la dent, si ce n’était leur union farouche qui les rendait invincibles même pour notre fauve, tout lion qu’il était

Ne lui restait donc que la ruse.

Un jour donc, profitant de l’absence du taureau blanc parti s’abreuver, le lion prit de part ses deux compagnons et leur tint ce discours :

_ Honorés camarades ; leur dit-il. _ Un péril funeste nous guette à tous. L’homme, cette créature abjecte et malfaisante, vient d’investir la douce tranquillité de notre vierge domaine, et n’aura de répit avant d’avoir brandi nos peaux écorchées sur les pointes de ses piques.

_ Diable, gémirent les deux bœufs atterrés ; _ que faire pour échapper à un sort si cruel ?

_ Face à ses flèches, mousquets et hallebardes ; ses cavaliers, rabatteurs et meutes féroces ; sa fourberie et sa cruauté sans limites, notre unique salut réside dans la dissimulation et la dérobade, répondit le lion ; _ je le sais d’après mon père, qui le tient de ses ancêtres.

_ Pour nous trois, continua-t-il, _ la chose est possible puisque les teintes dont la nature à agrémenté nos pelages nous permettent aisément de nous confondre avec elle ; ce qui ne va pas de même pour notre pauvre camarade blanc dont la parure éclatante le rends si repérable de nuit comme de jour ; ce qui attirera immanquablement l’homme vers son lieu de refuge, donc au vôtre, et de là au mien.

_ Débarrassons-nous donc de lui avant qu’il ne nous mène à notre perte, s’exclamèrent en chœur les deux compères, égarés par le discours terrible du prédateur.

_ Sachant combien cette pénible mais nécessaire démarche vous est haïssable, susurra le perfide félin, laissez moi donc le soin de l’accomplir moi-même pour notre bien à tous. Tout ce qu’il vous sera demandé de faire est de ne point céder à la compassion si jamais les appels au secours de votre compagnon parviennent jusqu’à vos oreilles.

C’est ainsi que le taureau blanc finit dans l’estomac du lion, et ses mugissements de détresse ne ramenèrent que leur écho.

Un temps passa avant que le lion ne revienne à la charge, prenant à part le taureau noir.

_ Ami, lui dit-il ; nous devons d’être encore en vie au sacrifice nécessaire de notre regretté compagnon blanc ; cependant tout danger est encore loin d’être écarté. Vois-tu, toi et moi sommes des bêtes furtives et silencieuses ; ce que je ne peux affirmer pour notre cher compagnon roux que la nature à doté d’un tempérament jovial et bruyant. S’il mange, boit ou dort, ce n’est que mugissements, beuglements et ronflements sonores. L’as-tu entendu piaffer ou roter ? On l’entendrait à dix lieus de la ronde, et l’homme et ses chiens ont l’oreille fine…

Ce discours eût vite fait de faire subir au taureau roux le même sort que son compagnon blanc.

Demeuré seul et sans amis, le taureau noir vécut encore quelque temps, avant que les mâchoires du lion affamé ne vinrent se refermer sur sa propre gorge, cette fois-ci sans discours ni préliminaires.

Avant de rendre l’âme, le taureau noir agonisant exhala dans un dernier éclair de lucidité tardive :

_ Ma dernière heure n’a point sonné aujourd’hui gémit-il, je mourus le jour où j'ai laissé dévorer le taureau blanc.

Ibrahim Tyan.

Note : Certaines sources attribuent l’origine de ce conte à l’Imam Ali Bin Abi Taleb. On peut le retrouver également dans Les recueils Arabes historiques suivants : مجمع الأمثال للميداني والمستقصى في أمثال العرب للزمخشري

Il n’est cependant pas exclu que les racines de cette fable ne remontent à des origines beaucoup plus lointaines appartenant au patrimoine Parsi ou même Hindou.

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Saturday, November 17, 2007

Novembre à Beyrouth.



Novembre à Beyrouth fait partie de ces cadeaux merveilleux que Mère-Nature accorde bénévolement à tout Libanais, pourvu qu’il soit béni d’yeux pour voir, de sens pour sentir, et de la sagesse nécessaire pour savourer une telle aubaine, dans la gratitude et l’humilité.

Indifférent à nos imbécilités navrantes et nos égarements funestes, le soleil continue de filer une histoire d’amour immémoriale avec notre beau pays, aussi constante et immuable que mon acharnement à cliquer systématiquement l’icône ‘’Save’’ sur l'écran de mon PC après l’écriture de chaque ligne, histoire de conserver intacts les fruits de mes pensées, avant qu’une aussi soudaine que malencontreuse coupure d’électricité ne vienne les éparpiller dans les abysses du cyberespace.

Ainsi va la vie de ces Libanais, jugés quantité tellement négligeable par la compagnie d’Electricité du Liban, qu’elle n’a daigné en aucun jour leur établir le moindre programme intelligible pour le rationnement du courant ; de telle manière que l’électricité risque de leur être coupée à toute heure, pour une période indéterminée, et ceci en un nombre de fois inconnu au cours d'une même journée.

Inconscients de leurs droits vitaux les plus légitimes et les plus fondamentaux, les Libanais continuent de ‘’militer’’ pour des lubies et des chimères, sacrifiant le précieux pour le futile et l’irremplaçable pour l’inutile, la vain, et la poursuite de vent.

* * * *

…et quand il eut passé le pont, les fantômes vinrent à sa rencontre.

_ Abraham [Bram] Stoker, Dracula.

Cette phrase tirée du célèbre roman ‘’Gothique’’ du XIXème me revint soudainement alors que je passais en cette radieuse matinée de Novembre la place des Martyrs allant vers Bab-Idriss, avec pour destination finale le ciel, le soleil, et la Méditerranée d’Aïn-el-Mraïsseh.

Après le brouhaha de Dora, les embouteillages de Bourj-Hammoud et les quartiers denses de Mar Mikhael, le vide et le silence de la place des Martyrs avaient de quoi jeter dans l’âme un trouble indéfinissable.

Cela faisait bien deux bons mois que je ne m’étais aventuré en ces parages, et le changement qui y était advenu durant cette courte période n’en paraissait que plus flagrant.

Devant l’immeuble de la municipalité de Beyrouth, une double rangée protectrice de blocs en béton s’étalant presque jusqu’à Bab-Idriss avait fait son apparition, ainsi que des fils barbelés à l’embouchure de la rue des Banques et celle de Maarad. A ma gauche, les nouveaux cafés-trottoir du ‘’Downtown’’ étaient presque tous fermés, et ceux plus rares à ma droite affichaient des tables quasi vides. Partout n’étaient que véhicules militaires, bandes jaunes d’interdiction et patrouilles armées.

Mais ce qui me frappa le plus au fur et à mesure que j’avançais, était l’absence notable de vie dans ces parages sensés abriter les ruches les plus actives de la nouvelle élite Libanaise. Les passants étaient rares, la circulation presque nulle, et ce silence insolite en beau milieu de semaine, semblable à celui d’une paresseuse matinée du Dimanche, la sérénité en moins….

Arrivé au croisement de chemins où se tenait la carcasse calcinée de ce qui fut un jour le ‘’Holiday Inn’’, je jetais un coup d’œil à travers la route qui descendait vers la mer, vers ce nouvel Alcatraz de luxe : ‘’le Phœnicia’’, où se trouvaient séquestrés derrière une nouvelle forêt de blocs en béton, de véhicules blindés et de sentinelles équipées comme pour la reconquête de Jérusalem, une quarantaine de repris de justice, logés aux frais de sa gracieuse majesté Wahhabite.

Une mouche bleue n’y aurait pas passé ; mais les putes de luxe aux dernières heures de la nuit étaient une autre histoire…

Je continuais donc mon petit bonhomme de chemin, ricanant sous cape de cet étalage impressionnant d’armement ultramoderne et de guerriers farouches dont la bravoure devant l'ennemi lors de la désormais illustre ‘’Marjeeyoun tea party’’ en 2006, est restée légendaire.

* * * *

Depuis le départ de mon cher Abou Ragheb parti pour le pays des Kangourous¹, et la fermeture définitive de son kiosque par son neveu Moussa qui ne fit pas long feu après lui, je prenais mon café à Aïn-el-Mraïsseh un peu au hasard, là où j’en trouvais.

Dernièrement, j’avais jeté mon dévolu sur une demi douzaine de cafés sommaires qui bordaient les deux côtés de la rue qui menait au ‘’Hard Rock Café’’. Telle fut ma surprise de retrouver cette artère d’habitude si grouillante de trafic et de monde, aujourd’hui fermée, vide et morne, écrasée par un silence lourd et oppressant.

Je finis par dénicher un café à moitié ouvert, dont les sièges empilés les uns sur les autres dans un recoin, m’apprirent que j’étais arrivé in extremis alors qu’il n’était que 4 heures de l’après-midi.

Boire une longue rasade d’eau fraîche à même le goulot après des heures de soif et de soleil, siffler une première gorgée d’espresso tout chaud et tirer une première bouffée de cigarette, sont des petites joies intenses que ne dédaigne aucunement l’épicurien aguerri qui à expérimenté les plaisirs les plus raffinés que l’existence puisse offrir ; et le banc de pierre face à la Méditerranée qui accueillit sans broncher mes vieux os fatigués est une place de choix que je ne troquerais, même contre un siège au paradis.

Le paradis c’est quoi au fait, sinon ces rares et précieux moments furtifs de félicité complète où l’on oublie tout pour ne penser plus à rien, sauf à se gaver de beauté, d’extase et de bonheur.

Un coucher de soleil grandiose dans un ciel de Novembre pur comme du cristal sur une mer douce et calme comme l'éternité.

En cette saison, les nuits tombent brusquement sans prévenir. C’est ainsi qu’après le bain de jouvence fait d’or solaire et de lumière qui me raviva le corps et me purifia l’esprit, l’ombre gagna furtivement ma place et l’air frisquet de la nuit me rappela qu’il était temps d’enfiler mon coupe-vent noué autour de ma ceinture.

C’est alors que je découvris que j’étais pratiquement seul sur mon banc de pierre au milieu de cette longue avenue déserte et obscure où l’on n’entendait que le chuintement des vagues désormais invisibles, dans une ville qui avait peur.

Une scène me revint d’un documentaire extraordinaire tourné par le grand Luis Buñuel intitulé : « Las Hurdes, tierra sin pan » (Terre sans pain) où l’on vit un enfant traversant une rue déserte traînant derrière lui un linceul blanc...

Lentement, je rebroussais chemin vers le parking de l’hôtel Vendôme où je pouvais encore me trouver un taxi qui me ramènera chez moi.

Ibrahim Tyan.

¹) Voir : Allah ma’ak ya Hajj et bon vent.

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Thursday, November 8, 2007

Sofia Orthi.



Sofia Orthi, du Grec : ''Écoutons la Sagesse'', aussi : ''Alignons nous devant la sagesse''.
_ Formule répétée durant la messe Chrétienne selon le rite Byzantin.



_ Scène I

Parmi les premiers visiteurs du président Chéhab récemment élu en 1958, fut l’ambassadeur d’Iran qui lui remit de la part du Chah un cheque de $ : 80.000, lui dévoilant par la même occasion qu’il s’agissait là d’une cotisation mensuelle régulièrement versée par l’Iran depuis nombre d’années au président de la république Libanaise, suivant les termes d’un accord tripartite établi entre le Chah d’Iran, le président Chamoun et la CIA, pour le renforcement des FSI et du système Libanais de contre-espionnage, dans le cadre de la lutte générale au Moyen-Orient contre la montée du communisme.

Fouad Chéhab accepta le cheque, mais demanda aux renseignements de l’armée qu’une enquête discrète soit ouverte sur-le-champ pour tirer cette affaire au clair.

Entretemps le lecteur averti aurait déjà conclu de lui-même que le résultat de cette enquête confirma que les FSI et le Deuxième Bureau Libanais de renseignements ne reçurent jamais un sou vaillant de cette subvention.

Par contre j’en connais une importante figure politique, issue d’une modeste famille montagnarde traditionnellement fauchée, qui s’était fait bâtir à la même époque une villa de rêve au ras des vagues, avec un port intérieur façon films de James Bond, pour amarrer son yacht presque devant la porte de sa chambre à coucher.

_ Scène II

Selon une étude de l’UNRWA publiée en 2005, le nombre de refugiés Palestiniens résidents au Liban serait estimé à 400.582. La Syrie en hébergerait 424.650, les Etats-Unis entre 150.000 et 200.000, et quelque 50.000 à 80.000 en Egypte.

Mais pour commencer, pourquoi Béchara eL Khoury et Riyad Bey el Solh avaient-ils accepté en 1948 cette distribution inéquitable qui chargeait le Liban d’un fardeau bien au-dessus de sa taille et de ses capacités ?

Est-il vrai que le silence des dirigeants Libanais de l’époque fut monnayé à un prix tel, que leurs arrières petits fils continuent aujourd’hui à en mener une vie de Pacha entre Paris et Las Vegas ?

_ Scène III

Durant les années 1950, Ahmad Bey el Assaad, en ce temps là un des Barons Chiites les plus éminents du Sud Liban, eut pour son rejeton Kamel Bey destiné à prendre un jour sa relève, un mot que je qualifierais d’outrageusement savoureux.

_ Fils, lui dit-il ; je n’ai pas grande richesse à te léguer, mais je te laisse en héritage quelque 500.000 ânes bien dociles desquels tu pourras faire ce que tu voudras.

_ Scène IV

Quelles étaient les raisons véritables qui poussèrent Saëb Bey Salam à fomenter un soulèvement armé à Beyrouth en 1958 ? Etait-ce pour empêcher l’adhérence du Liban au ‘’pacte de Bagdad’’, ou pour en faire du pays, (en ce temps là enviablement stable et prospère), un satellite de la RAU ?

Et pourquoi Kamal Bey Joumblatt, de sa montagne du Chouf prit-il part active à ce soulèvement, malgré son dédain prononcé, [lui qui se targuait de gauchisme et de progressisme], pour Saëb Salam, Gamal Abdel Nasser et tout ce nationalisme Arabe de pacotille ?

Enfin pourquoi Rachid Effendi Karamé, homme de l’Arabie Saoudite et conformiste-type, s’est joint dans le Nord à cette guérilla armée dont les deux autres têtes représentaient respectivement le Nassérisme révolutionnaire et le gauchisme radical, tous deux ennemis jurés de royaume Wahhabite ?

_ Scène V

Pourquoi Kamal Bey Joumblatt s’allia en 1975 avec le refugié Yasser Arafat contre ses compatriotes Libanais, et qu’espérait-il en récolter en mettant avec l’aide du Palestinien son propre pays à feu et à sang ?

_ Scène VI

Qu’attendait donc le Cheikh Bachir Gemayel de la part de ces Libanais qui avaient pourtant vu leurs villages rasés, leurs récoltes brûlées et leurs enfants écrasés par les mêmes chars Israéliens qui le portèrent au pouvoir en 1982 ?

Est-t-il concevable que Le champion des Chrétiens ait poussé la candeur politique jusqu’à croire qu’il pouvait être si lourdement redevable aux Israéliens, sans en devenir pour autant leur vassal ?

Aujourd’hui les Chrétiens Libanais en pleine crise existentielle se détournent de leurs véritables hommes de valeur pour idolâtrer la mémoire de leur Cheikh martyr, qui n’avait jamais hésité de son vivant à expédier vers un monde meilleur tout Chrétien dont les vues ne concordaient pas avec les siennes.

Digne héritier du manichéisme phalangiste paternel, le jeune Chef y ajouta le meurtre comme solution radicale à tout antagonisme ou concurrence politique. Le massacre de ses alliés PNL à Safra, des Arméniens de Bourj Hammoud ou celui de la famille Frangié à Ehden, restent des exemples éloquents parmi tant d’autres.

Epilogue.

Tout comme fut le cas pour un John F Kennedy, une mort violente et prématurée vint conférer chez l’imaginaire populaire, une aura mystique autour de l’image de Bachir Gemayel, parti bien à propos avant que l’érosion implacable du pouvoir ne vienne exposer au grand jour son indubitable médiocrité.

* * * *

Science sans conscience n’est que ruine de l’âme.
_ Rabelais.

Qui peut-ce être ? Qu'est-il devenu ? Où est-il ? Où se cache-t-il ? Que ferai-je pour le trouver ? Où courir ? Où ne pas courir ?
_ Molière, l’Avare, Acte IV scène 7

Une première interrogation après considération du rapide rembobinage historique effectué ci-dessus pourrait bien être : Que fait donc courir de la sorte les Libanais ?

Après avoir expérimenté la stabilité, la floraison, la guerre civile et le chaos. La souveraineté et l’occupation. L’aisance et la pauvreté. La victoire et la défaite. La révolte et la soumission. L’ordre et l’anarchie. L’intégrité et la corruption. Le nationalisme, le socialisme, le capitalisme, Le fondamentalisme et l’anarchie. La fidélité et la traîtrise. L’espérance et le désespoir, les Libanais en sont toujours au même point qu’hier et semblent se mouvoir aujourd’hui au sein d’une sorte de ‘’remake’’ des mêmes scènes citées au début de cet article.

Seuls ont changé les dates et certains acteurs

La quête du bonheur, objectif fondamental de l’humanité à toujours prouvé être une sorte d’utopie. Ceci est dû au fait de le rattacher à des sources qui lui sont étrangères telles la richesse, le succès, le pouvoir, etc.

En 1960, le président Fouad Chéhab élu deux ans auparavant, exprima le désir de démissionner de son poste, estimant qu’il avait accompli sa mission en ramenant le Liban à des conditions normales après l’insurrection civile de 1958. Seule la pression populaire le fit changer d’avis.

En 1964, une forte majorité parlementaire proposa d’amender la constitution afin de permettre à Chéhab de se représenter pour un second mandat assuré. Ce dernier refusa catégoriquement.

Le plus grand président que le Liban ait jamais connu n’était pourtant point un foudre d’intelligence, ni une ‘’bête de politique’’ et certainement pas un leader charismatique. Mais sa modestie, sa discrétion et son intégrité légendaire cachaient une qualité encore plus précieuse parce que rarissime : La Sagesse.

Deux philosophes peuvent bien se contredire ; deux hommes de science, avoir deux théories différentes concernant un même sujet ; mais deux sages ne peuvent qu’être toujours en harmonie.

L’intelligence, la science et la culture, si essentielles pour le développement, la progression et la continuité du genre Humain demeureront incomplètes sans l’apport de la Sagesse que beaucoup confondent avec les trois attributs déjà cités.

L’omniscience, la juste appréciation des choses, le discernement parfait entre le bien et le mal fondé sur la raison et l’expérience ainsi que la bonté infinie en sont quelques facettes.

Qu’importe si mon discours soulève le sourire narquois de certains esprits qui se croient Cartésiens et qui n’en sont finalement que déshydratés, je continue à croire fermement que le grand drame de la majorité des Libanais et de la totalité de leurs dirigeants est leur manque tragique en sagesse.

Tel Diogène arpentant avec sa lampe les ruelles d’Athènes à la recherche d'un homme,

Je cherche dans mon pays, un sage.

Ibrahim Tyan.

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Thursday, November 1, 2007

Paradise café.





Les deux photos d’en tête représentent respectivement une partie de la place des Canons d’il y a très longtemps et l’immeuble de la préfecture de police, rasé depuis par les bulldozers de la rapacité. (Cliquer pour agrandir)

* * * *

Le texte qui suivra fait en quelque sorte suite à deux articles déjà parus sur ce site et qui sont :

_ Ombres et visages.
_ Main basse sur la ville.

* * * *

En traversant la rue des banques pour descendre de la place de Riyad el Solh dans l’ancien Beyrouth d’avant-guerre vers la région de Bab-idriss, puis en empruntant de là, la vieille route du tramway pour se rendre à la place des Martyrs pour ensuite remonter jusqu’à la place Debbas située aux confins des trois rues de Monot, Damas et Bechara–el-khoury, on aurait fait le tour de l’essentiel des quelque 400 ha, qui formaient le centre de la vieille ville de Beyrouth.

Mais le milieu du centre et le cœur battant de cette ville était incontestablement la place des Martyrs, appelée aussi place des Canons ou encore plus communément la place du ‘’Bourj’’ et peut-être « Place de la Liberté » dans un avenir plus ou moins proche ; perspective dont la seule idée suffit pour me donner froid dans le dos.

Avant de devenir un espace-symbole de la domination d’une oligarchie au pouvoir qui s’en empara sans scrupules, l’extorquant sauvagement à ses propriétaires légitimes pour en faire un territoire hostile en discontinuité morphologique brutale avec le restant de la ville, la place des Martyrs d’avant-guerre conservait encore ce parfum rare et exquis qui caractérise tous les lieux préservés d’une modernité exclusivement argentifère.

De jour, telle une ruche d’abeilles en effervescence, la place fourmillait de voitures, de bus et de gens. Les appels incessants des chauffeurs de taxis-services en partance pour Aley, Bhamdoun, Zahlé, Saïda ou Tripoli, se mêlaient aux klaxons de la circulation dense, aux cris des vendeurs de galettes chaudes [kaak], du cliquetis caractéristique des tasses des porteurs de café Arabe à la cardamome et du tintement cuivré des petites cymbales des vendeurs de boissons fraîches telles la limonade, le Souss, le Jellab et le Tamarin servis dans de grands verres avec de la glace pilée. Les coups de sifflets stridents des agents de circulation contrastaient avec leur visible résignation devant la vanité de leurs efforts pour instaurer un peu d’ordre et de discipline dans cet imbroglio aussi inextricable que pittoresque.

Deux cents ans d’histoire, d’architecture et de civilisation étaient résumés à travers les immeubles, les édifices et même les pavés de cette place où chaque recoin recelait ses propres contes et souvenirs. Mais c’était surtout la Méditerranée, invisible mais omniprésente qui conférait à cet endroit un aura imperceptible, telle une vibration subtile et indétectable dont la magie intoxicante se reflétait sur les êtres et les choses.

L’appel du muezzin de la mosquée Al-Omari rejoignait les carillons des clochers de la cathédrale de Saint-Georges pour se mêler aux cris des colporteurs ambulants et du fracas des pions du Trictrac [Tawlé] que les joueurs dans les cafés abattaient énergiquement à chaque coup gagnant.

Deux détails sautaient tout de suite aux yeux de l’observateur des cafés de la place des canons : leur ancienneté et leur vastitude. Que cela soit le célébrissime ‘’kahwet-el-kezaz’’ [l’authentique] ou café du ‘’Hijaz’’ de son nom véritable, qui se trouvait à l’emplacement de l’actuelle mosquée Mohammad el Amin, ou du ‘’café de la République’’ dont le nom fut prémonitoire pour deux jeunes avocats débutants qui s’y retrouvaient souvent et dont les noms étaient respectivement Me. Camille Chamoun et Me. Charles Helou, ou encore du café ‘’Al Fardauss’’ situé au second étage d’un immeuble presque bicentenaire et sur lequel nous reviendrons ultérieurement. Chacun de ces cafés était un monument historique en lui-même affichant un pedigree impressionnant de personnalités Libanaises, Arabes et étrangères illustres qui le fréquentèrent, et d’événements mémorables qui furent décidés sur ses tables et à l’abri de ses murs.

Les Beyrouthins indécrottables commencèrent par considérer avec méfiance l’établissement en 1960 du café moderne ‘’La Ronda’’ sur la place des Canons, et qui détonnait avec ses vénérables homologues centenaires par l’absence du narguilé et du jeu de Trictrac, mais aussi par ses tables en formica noir, ses sièges en chrome et plastique rouge, ses grandes baies vitrées et son esthétique résolument futuriste. Mais lorsque les regrettés, Selim el Lawzi, Nizar Kabbani, Nasri Chamseddine et Gary Garabedian y établirent avec d'autres leurs quartiers généraux, le public suivit et ‘’La Ronda’’ rentra dans la ronde.

Jadis, la place des canons fusionnait dans son creuset tous les éléments du tissu organique et social Beyrouthin et Libanais. Le passé et le présent s’y mêlaient intimement, Le commerce, les arts et les plaisirs, L’élite, l’aristocratie et la haute bourgeoisie, la plèbe, la pègre et la prostitution s’y côtoyaient pour former cette fantastique sédimentation incroyablement fertile qui fit de Beyrouth La Perle du Levant et le dernier survivant des paradis Méditerranéens.

Lors d’un de ses pèlerinages à Beyrouth vers les débuts du XXème, le célèbre Ahmad Chawki, gloire de l’Egypte et ‘’Prince’’ élu des poètes de son temps, également fin gourmet et connaisseur en la matière, fut tellement subjugué par les affriolantes merveilles auxquelles il goûta à la place des canons chez ‘’Bohsali’, qu’il en composa sur le champ un quatrain qu’il dédia gracieusement au célèbre pâtissier Beyrouthin.

Ce quatrain existait encore en 1975, gravé sur le marbre chez ‘’Saadeddine Bohsali &fils’’ à la place du Bourj et qui citait notamment qu’à son heure venue, le poète avait choisi de n’emporter avec lui que deux souvenirs : Le goût des lèvres de sa bien-aimée, et celui du ‘’baklawa’’ de Bohsali.

Exquis, non ?

La nuit, une sorte d’envoûtement s'emparait de la ville. A partir du coucher du soleil, les bruits de la journée cédaient progressivement la place à la musique, car la place des Martyrs avait aussi ses cabarets bien à elle ; certes moins raffinés que ceux de Zeitouné ou de la rue de Phénicie, mais non moins illustres et bien plus achalandés en beautés naturelles et authentiques venues de tous les coins du Levant et du bassin Méditerranéen. Les voix féminines de l’Orient issues des lieux de plaisirs nocturnes tels le ‘’Nadi el Chark’’ ou le ‘’Parisiana’’, virevoltaient au son de la flûte et du tambourin dans les rues, alors que dans les ruelles ‘’chaudes’’ derrière l’immeuble imposant de la préfecture de police, des enseignes en néon portant chacune le nom d’une fille s’illuminaient l’une après l’autre.

C’était à l’entrée d’une de ces ruelles que se tenait une modeste gargote qui ne payait guère de mine. Pourtant il fallait se mettre en rang et attendre patiemment son tour pour y trouver une place vacante; car le méchoui, le kafta et le hoummous qu’on y servait étaient sans exagération les meilleurs au monde, je parle évidemment du ‘’Kobrosli’’ qui laissait tous les autres restaurateurs de Beyrouth, y compris le fameux et sophistiqué ‘’Ajami’’ loin derrière lui. C’est là qu'assis à une méchante table, je me suis retrouvé quelquefois avec une personnalité éminente d’un côté et de l’autre le truand le plus notoire.

Al FARDAUSS.

Imaginez un local immense éclairé de jour et de nuit par d’innombrables châssis de néon, suspendus au plafond par des chaines en cuivre ; telle est ma première description du café ‘’Al Fardauss’’ [en Français : Le Paradis] situé au deuxième étage d’un immeuble presque bicentenaire à l’ouest de la place des canons face à la statue des Martyrs.

Fidèle à la tradition des cafés de la place, les dimensions du ‘’Fardaus’’ étaient tout simplement inimaginables par rapport aux critères d’aujourd’hui. Dans l’immense salle principale destinée aux joueurs de Trictrac, de dames et d’échecs ainsi qu’au narguilé, d’innombrables rangées de magnifiques tables à la surface polie en marbre blanc reposant sur un socle en fer forgé étaient disposées avec leurs sièges en rotin noir cannés de beige à une distance respectable les unes des autres. Un autre signe d’une époque révolue où la gestion carotteuse et mercantile n’avait pas encore pris le dessus sur le confort du client et son bien-être.

Dans une salle contigüe aux dimensions plus ‘’modestes’’, s’étalaient une douzaine d’énormes tables de billard alignées en deux rangées parallèles avec un plafonnier suspendu au-dessus de chaque table. On pouvait en cliquant les touches de compteurs mécaniques en cuivre encastrés dans le mur derrière chaque table marquer les scores respectifs des joueurs.

Pour les joueurs de cartes, le ‘’Fardauss’’ disposerait d’une troisième salle aux tables rondes tapissées de feutre vert, éclairée par de superbes luminaires en verre plombé et coloré dans le plus pur style Tiffany.

Le terme « Baroque » n’est pas assez fort pour décrire l’impression générale que dégageait l'endroit ; et quoique les arcades et les colonnades de la grande salle fussent de style Ottoman, le carrelage en marbre blanc bordé de noir et les fresques murales étaient du plus pur style florentin tandis que la salle des jeux de cartes rappelait curieusement l’Angleterre Victorienne. Le tout, légèrement fatigué, un peu vieillot, mais délicieusement romantique et art déco par endroits, ressemblait à un croisement entre un saloon du Far-West, une ancienne maison close de luxe et une brasserie Parisienne du début du XXème. Un décor digne d’un Toulouse - Lautrec ou d’un Dostoïevski.

Mais l’atout principal de l’endroit était le personnel. Une véritable petite armée de serveurs vifs et dégourdis sous le haut commandement de leur chef suprême : Hamdi ; un vieux dur à cuire d’ancien Beyrouthin, court sur pattes, râblé, la tête chauve et le visage rougeaud orné d’une superbe moustache blanche, toujours sapé impeccablement d'un gilet noir, d'une chemise blanche et d’un long tablier blanc à la Française qui lui recouvrait le bas du corps. Détail amusant, Hamdi, comme tous les authentiques cafetiers Beyrouthins de son temps, se mettait un point d’honneur à transmettre de sa voix de stentor les commandes des clients en Turc. Que de fois ne l’ais-je entendu brailler à un garçon en pointant du doigt le narguilé d’un client qui menaçait de s’éteindre : Nari-Kiiiii !

Un autre point fort de ce café était ses balcons immenses qui offraient une vue panoramique imprenable sur l’ensemble de la place des Canons. C’est là que j’aimais m’asseoir au cours des soirées d’été, seul de préférence sauf un bon narguilé Ajami et deux doigts de Scotch (à renouveler) additionnés d’un doigt d’eau fraiche et de trois glaçons.

Au beau milieu de la place, la statue des Martyrs scintillait comme un diamant sous les faisceaux de projecteurs venus des quatre coins du site splendide tout en marches de marbre qui lui servait de socle.

Une caressante voix féminine émana de l’horloge parlante à fleurs et me parvint avec la brise nocturne jusqu’à mon balcon au ‘’Paradis’’ pour m’annoncer en trois langues différentes qu’il était minuit.

Et comme à chaque midi et minuit, l’annonce était suivie de l’hymne national.

A cette époque, on y croyait !

A l’ombre de mon Beyrouth adoré, tel Souleiman le Magnifique au pinacle de sa gloire, je dégustais à petites gorgées de bonheur, les délices d’un moment que je croyais eternel, indifférent aux tourments qui agitaient le monde extérieur, inconscient des ailes du malheur qui se déployaient déjà au-dessus de mon pays.

* * * *

Debout sous le soleil de Novembre au milieu du centre de Beyrouth désormais délimité par le campement du Hizbollah sur la place Riyad el Solh, des barrages de l’armée à l’ouest de la place des Canons et du bivouac du Tayyar du côté de la place Debbas, je contemplais le cœur jadis battant de Beyrouth, désormais réduit à un espace d’envies et de jalousies qui ne réponds plus qu’à la voracité d’une classe sociale limitée, stratégiquement positionnée dans une conjonction historique particulière et éphémère.

Le centre ville, reconstruit en rupture délibérée de tout lien avec la ville et le pays qui l’entoure, ce ghetto doré incrusté au cœur d’une cité qu’il ne reconnaît plus comme son prolongement naturel, et qui se refuse désormais d’en être le centre qui vit d’elle et qui la fait vivre, est une invitation ouverte à la violence urbaine.

C’est de cet espace aujourd’hui figé et en état de siège que fusera la première étincelle qui allumera le brasier des confrontations futures entre les Libanais.

Seule une autruche en verrait autrement.

Ibrahim Tyan.


* Visitez « Les carnets du Beyrouthin ».

Thursday, October 25, 2007

La république Bouss - el - Wawa.



> Ce qu'il faut surtout pour la paix, c'est la compréhension des peuples. Les régimes, nous savons que c'est : Des choses qui passent. Mais les peuples ne passent pas.
Charles De Gaulle.
Extrait d'un Discours à Dunkerque - Septembre 1959

* * * *

La tolérance du bon roi des Français Henri IV (1553-1610) ainsi que sa conversion du Protestantisme au Catholicisme pour le bien du pays, mit fin à la guerre civile entre les Français.

Sa verve de libre-penseur humaniste apparaît dans la magnifique boutade qu’on lui attribue, lorsqu’à la veille de son couronnement à la cathédrale de Chartres, il déclara à sa maitresse Gabrielle d’Estrées : Paris vaut bien une messe.

Mais c’est surtout sa nature généreuse qui transparaît dans sa non moins fameuse citation, désarmante de justesse et de simplicité : Je veux qu'il n'y ait si pauvre paysan en mon royaume qui ne puisse mettre tous les dimanches sur sa table une poule au pot.

L’assassinat de ce monarque altruiste et tolérant en 1610 par un François Ravaillac, Catholique fervent et jésuite fanatique, se place dans la ligne évidente des choses.

* * * *

> Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est pour le peuple le plus sacré et le plus indispensable des devoirs.
Robespierre.
Extrait de : lettre à la convention nationale.

* * * *

Depuis l’aube de son indépendance, le Liban doit tout à son peuple et presque rien aux gouvernements qui s’y sont succédés. C’est uniquement grâce à son initiative personnelle que le Libanais est parvenu à accéder avant l’éclatement de la sale guerre en 1975, à un niveau économique, culturel et social tel, que les habitants des plus prestigieuses métropoles de la planète lui enviaient.

A plus forte raison ses nombreux ‘’frères’’ et certains ennemis outre-frontière.

Mais de toujours, son adversaire mortel à été (et demeure) LE SYSTÈME LIBANAIS en lui-même, défendu jalousement par les ‘’autorités’’ successives qui ‘’dirigèrent’’ le pays, et qui se ressemblaient tous, comme se ressemblent les maillons d’une unique chaîne, faite pour retenir, entraver, empêcher et étouffer tout espoir de voir le Libanais accéder un jour à un régime meilleur.

Aujourd’hui, SE. Fouad Sanioura apparaît souvent à la télévision pour étaler (modestement) sa suffisance de white collar et tenir au Libanais moyen (de plus en plus illettré) un discours fallacieux et pseudo technique digne du plus petit broker charlatan de Wall Street, où il n’est question que de banque Mondiale, de conférences Internationales pour l’aide au Liban, de balance de paiements, de taux d’intérêt et d’indice de croissance.

Indice de croissance indeed !

_ Allez donc expliquer cela à un pauvre hère qui n’arrive pas à comprendre pourquoi l’huile d’olive, le citron, la tomate, les concombres, la botte de menthe fraîche et autres ingrédients nécessaires pour la confection d’un modeste plat de ‘’Fattouche’’ lui sont désormais rendues inaccessibles.

_ Ou pourquoi en l’espace d’un mois, les prix sur les étagères des hypermarchés ont augmenté de 40%.

_ Ou encore à l’auteur de ces lignes, obligé de se fendre avec ses voisins, d’une importante somme, pour le creusement d’un puits artésien afin d’assurer l’approvisionnement de leur immeuble en eau courante, avec toutes les dépenses supplémentaires en permis, certificats, filtres, entretien et examens labo réguliers que cette démarche implique.

Ce n’est qu’en occupant une suite au Ritz qu’on verra sa douche matinale revenir à plus cher.

_ Ensuite de consacrer un autre budget pour l’achat des six grandes jarres hebdomadaires d’eau minérale, nécessaires à sa subsistance et celle des membres de sa famille.

Et de recevoir en fin de compte la facture bleue de la compagnie Libanaise des eaux, lui réclamant candidement de payer sa cotisation.
…Qu’il va payer sans doute, comme il paie celle de la compagnie d’électricité du Liban malgré le rationnement, les pannes, les misères, la facturation illogique et exorbitante du kWh, et la présence d’un générateur privé en bas de l’immeuble ; ainsi que sa taxe de TVA et toutes les autres taxes que son gouvernement juge bon de lui infliger.

En ceci il ne diffère guère du reste des Libanais, qui paient tous, rubis sur l’ongle.

Et s’ils ne comprennent pas tous le fonctionnement du système fiscal et le rôle capital qu’il joue dans la structure économique et sociale d’un état moderne, il ne leur est point nécessaire d’être des Adam Smith pour deviner que les taxes, impôts et autres prélèvements gouvernementaux, constituent au Liban une sorte de RANÇON que Le citoyen (ou plus justement dit : le ressortissant) verse aux autorités, tels à un maître-chanteur ou à une mafia, pour ne plus les avoir sur le dos et de pouvoir ainsi vaquer à ses propres occupations EN PAIX.

C’est là la seule retombée positive que le Libanais récolte en contrepartie du paiement de ses impôts ; mais c’est toujours ça de gagné.

De tout temps, le fossé à existé au Liban entre les autorités et le peuple ; mais jamais comme depuis l’avènement de SE. Rafic Hariri, où l’on vit la somme totale du peuple libanais, reléguée au rang d’entité abstraite dans les livres de compte du grand bienfaiteur.

Le souvenir est encore présent du jour où le Grand Homme rassura publiquement un Elias Hraoui saisi par un faible soubresaut de scrupules, par les mots suivants : La vie progresse, le travail progresse et le pays progresse ; soyez-en sans crainte Monsieur le Président.

De quel progrès parlait-il donc ?

De celui qui catapulta sa fortune personnelle de $. 3 milliards env. à plus de $. 16 milliards en l’espace de quelques années pardi.

* * * *

> L’argent, ah ! Fléau des humains.
Sophocle.

Comme les Chrétiens ont leur Bon Dieu, les Musulmans leur Allah et les juifs leur Yahvé, moi j’ai mon Beyrouth et Solidere ne me le remplacera jamais.

L’ancien et merveilleux cœur de Beyrouth est mort sous les bombes depuis longtemps ; mais il aurait pu se remettre à battre, plus vif et plus fort qu’avant, s’il n’avait été étouffé par l’indescriptible rapacité ignare du requin qui s’est approprié de force la perle du Levant pour en faire une sorte de ghetto de luxe sans aucun lien spatial ou temporel avec le pays qui l’entoure.

Debout au milieu de Beyrouth, devant les locaux d’An-Nahar en cette resplendissante journée d’Octobre, j’observais pensivement la statue des Martyrs.

Jadis érigée fièrement au centre de la place, je la retrouve aujourd’hui misérablement coincée dans un recoin situé entre deux avenues à circulation rapide, ce qui lui fait perdre totalement sa fonction symbolique : celle de signaler un point fort de la cité, dans une ville de plus en plus dépouillée de tout repère urbain.

Derrière moi, j’entendis les gardes de corps et autres ‘’security Guards’’ qui pullulent constamment autour de l’immeuble du Nahar et du parking adjacent rigoler grassement autour d’une rutilante Mercedes noire arrêtée devant l’entrée de l’immeuble.

Saisi de curiosité, je m’approchais mine de rien pour découvrir un de leurs ‘’collègues’’ juché derrière le volant qui se marrait comme un gaulois tandis qu’à travers les haut-parleurs de bord la pulpeuse Haïfa orgasmait : Bouss el Wawa !

Vraisemblablement notre prochain hymne national.

Ibrahim Tyan.

Ps. Pour les lecteurs qui ne parlent pas l'Arabe: Bouss-el-Wawa = Embrasse mon bobo.

* Visitez « Les carnets du Beyrouthin »

Saturday, October 20, 2007

Nationalistes Souverains ou Pharisiens et Publicains ?



L’histoire abonde en biographies d’hommes providentiels advenus à une période critique pour apporter à leur nation le soutien capital de leur valeur exceptionnelle.

Franklin D. Roosevelt pour les Etats-Unis, et Winston Churchill en Grande Bretagne en sont des exemples tirés d’un passé récent, ainsi qu’un certain Charles De Gaulle qui s’identifia de manière totale et passionnée avec la France de ses aïeux ; une passion qui ne rencontra qu’une réciprocité tardive de la part des Français.

En 1958, le Liban meurtri par une violente crise socio-politico-confessionnelle qui scinda les Libanais en deux camps antagoniques et divergents était à la recherche d’un homme providentiel au caractère et vertus congruents, pour prendre en charge le pays et entreprendre la tâche délicate de rassembler les fragments épars d’une nation que la lutte intestine avait disséminé.

Que l’accès au pouvoir par le général Fouad Chéhab en 1958 fut le fruit d’un (improbable) consensus national ou de celui (plus plausible) d’un accord entre Washington et le Caire est ici en dehors du sujet ; ce qui importe est que cet ex- militaire s’avéra être un habile modérateur qui sut composer heureusement avec la tâche délicate de recréer l’harmonie perdue au sein de la nation entre Chrétiens et Musulmans, par le truchement du dialogue et de la retenue, ainsi que de l’institution d’importantes reformes et de la création d’une administration moderne et de services publics efficaces ; ce qui engendra inévitablement une confrontation directe avec le clan des politiciens confessionnels et féodaux qui virent leur emprise sur le pouvoir s’affaiblir en résultat normal à la politique ‘’Chéhabiste’’ de rénovation et de réconciliation.

Sans entrer dans de plus amples détails, il serait cependant utile et important de signaler que la plus féroce opposition au ‘’Chéhabisme’’ réformateur vint des chefs politiques Maronites traditionnels qui se coalisèrent pour former ce qui fut connu à l’époque sous le nom de ‘’l’alliance tripartite’’ ; en l’occurrence de l’emblématique pharmacien-footballeur ( comme le cite si délicieusement AlHaqid ), en l’occurrence le Cheikh Pierre Gemayel, le charismatique ‘’tigre de la montagne’’ en la personne de l’ex président Camille Chamoun et de Raymond Eddé le ‘’Amid’’ du bloc national, dont je n’ai pu saisir jusqu’à ce jour les raisons de son ralliement à cette galère de troglodytes. Moralité : il faut plus que du courage et de l’intégrité pour faire un politicien averti.

Cette alliance tripartite, ( finalement établie entre, Chamoun, Chamoun et Chamoun ), soutenue par la masse habituelle des chrétiens Cro-Magnon éternellement à la merci du discours démagogique et mystificateur, fit tant et si bien qu’elle réussit à affaiblir considérablement le courant ‘’Chéhabiste’’ , ramenant en premier temps l’administration du pays durant le mandat de Charles (ballot) Hélou, à la douce fringale de l’anarchie corrompue et sectaire d’antan, pour aboutir à l’apothéose finale en portant au pouvoir en 1970 le Neandertal suprême en la personne de SE. Souleiman Frangié, avec pour conséquence toutes la misère et les calamités qui s’en suivirent…

* * * *

Tels Marc Antoine brandissant la toge ensanglantée de Jules César devant les Romains assemblés sur le Champ de Mars, leurs excellences, Boutros Harb, Nassib Lahoud, Nayla Mouawad et Walid Joumblatt se succédèrent sur l’estrade érigée en Mars 2005 sur la Place des Martyrs (plus connue sous le nom de SOLIDERE) pour agiter le linceul du grand bienfaiteur devant la marée humaine des Libanais, éternellement bernés et à jamais exploités, mais incurablement crédules et toujours prêts à récidiver…

En ces moments troubles (hihihi), il me faut avouer (à ma grande déconfiture) que le seul qui y voyait clair était Walid Bey !

A en croire qu’il était informé à l’avance du cyclone qui allait s’abattre sur le pays et prendre tout le monde au dépourvu.

Fin stratège et opportuniste à souhait, le Walid savait comment saisir l’occasion propice et battre le fer tant qu’il est chaud. Pour lui, la révolution (puisque c’en était une) n’avait que faire des us et coutumes du régime passé, ni de ses lois. De ce fait, la constitution d’un conseil révolutionnaire dont le premier acte serait le limogeage du chef de l’état imposé de force par l’occupant Syrien et la nomination d’un nouveau président était de priorité absolue.

Chose qui effara complètement les castrats politiques Maronites du mouvement du 14 Mars qui avaient plus ou moins usurpé à leurs titulaires véritables encore détenus ou exilés, leurs places à la tête de ‘’la révolution du cèdre’’. Cette révolution qui ne leur devait rien, et dont ils ne savaient trop qu’en faire, sauf que de s'en servir pour redorer leurs blasons personnels sérieusement ternis...

Désemparés devant la perspective de nouvelles élections présidentielles que tous briguaient mais pour lesquelles aucun n’y était préparé, ils se coalisèrent d’un commun accord (une coalition de coupe-jarrets s’observant les uns les autres du coin de l’œil) pour barrer la route au projet du Walid, et en convainquirent sa benoîte sainteté patriarcale (prétextant la sauvegarde du prestige du plus haut poste officiel Maronite) ainsi que les ambassadeurs étrangers, de la justesse de leur raisonnement.

Plus tard on verra ces ardents défenseurs du prestige Maronite porter les coups les plus meurtriers à la présidence, dégradant ainsi à jamais le lustre et l’autorité de l’ultime place de distinction encore détenue par les Chrétiens au Liban.

A y réfléchir pragmatiquement (Ah ce terme, cher à mon épicier pour justifier sa balance trafiquée), on serait tentés de regretter aujourd’hui que le desideratum de Walid bey n’ait pas été exaucé en 2005. Cela aurait peut-être évité aux Libanais bien des déboires.

La priorité fut donc portée vers de nouvelles élections législatives mais là aussi, les politiciens Maronites butèrent sur un os de taille.

Ayant farouchement milité pendant des années pour l’abrogation de la loi électorale établie par les Syriens en 2000 et qui les évinçait au profit d’alliés Libanais plus sûrs, les Chrétiens du 14 Mars se retrouvèrent, avec le renversement dramatique de la situation en 2005, en position de défenseurs acharnés de cette même loi, devenue leur seule planche de salut électoral et ceci pour une multitude de raisons parmi lesquelles leurs nouvelles alliances et leur impopularité grandissante au sein de leur communauté, n’en sont pas des moindres.

Le meilleur de l’histoire était que sa Béate Sainteté qui à donné une fois de plus dans le panneau de leur fourberie, avait entretemps issu un communiqué patriarcal pressant le gouvernement pour l’abrogation de la loi électorale de 2000 et de son remplacement par l’ancienne loi de 1960 plus équilibrée et qui permettait au citoyen l’élection de ses représentants authentiques.

Les désirs de sa Magnificence étant des ordres, une session parlementaire express fut décrétée sur le champ pour la remise en vigueur de la loi de 1960, dont la passation ne faisait aucun doute.

L’on assista alors à la scène incroyable où l’on vit les députés Chrétiens du 14 Mars se retirer l’un après l’autre de la session, muets, blafards et les yeux baissés !

La majorité nécessaire étant rompue, la loi de 1960 ne fut pas réinstaurée et l’on resta sur celle de l’an 2000 ; et sa sainteté pigeonnée en demeura comme deux ronds de flan.

Mais les chevaliers de Kornet Chehwan étaient déjà ailleurs ; et plus précisément chez l’ambassadeur Bernard Emié pour le supplier d’en parler au père Jacques, afin d’empêcher par tous les moyens le retour d’exil annoncé du général Aoun.

* * * *

Le reste étant trop récent pour s’être déjà estompé de la mémoire des Libanais pourtant réputée courte, il demeure que malgré les fautes et les péchés mortels commis par les autres communautés libanaises, c’est aux Maronites et à eux seuls qu’incombe la responsabilité de la vie ou de la mort d’un certain Liban.

Assisterions-nous aujourd’hui à leur chant de cygne ?

Du cours où vont les choses, le temps est au pessimisme.

Ibrahim Tyan.


* Visitez : « les carnets du Beyrouthin. »

Thursday, October 11, 2007

Autrefois, naguère et jadis.



Depuis l’établissement du calendrier Grégorien en 1582, il a été convenu que l’équinoxe d’automne tombe le 21, 22, 23 ou 24 Septembre de chaque année, et se distingue dans les rares pays que la nature à privilégié de quatre saisons bien définies, par un adoucissement climatique progressif qui vient marquer la fin des chaleurs d’été et préluder l’avènement des rigueurs hivernales.

Les célèbres ‘’sanglots longs…’’ de Verlaine, ‘’Les feuilles mortes’’ de Prévert, ou ‘’Le chant d’automne’’ de Baudelaire, n’en sont que des spécimens prélevés au hasard sur le vaste et merveilleux répertoire séculaire établi par les grands chantres romantiques de tous les temps, pour exalter en de lignes inoubliables, la magie trouble et mélancolique des pâles lueurs automnales.

Or il est un vieux dicton bien de chez nous qui affirme que pour jouir pleinement des saisons de l’année, il faut passer le printemps à Damas, l’hiver au Caire et l’automne à Beyrouth.

Curieusement, il n’est point question d’été dans cet aphorisme, ce qui porte à croire que l’auteur nous as délibérément laissés le champ libre durant toute cette saison, pour nous démerder comme bon nous semble ; que cela soit à Palma, ou sur la Côte d’Azur, ou encore sur la Riviera Italienne, à moins que l’enfer climatisé de Riyad ne nous tente, et ses mornes dunes poudreuses et calcinées..

Les goûts et les couleurs étant ce qu’elles sont, [et les intérêts, ce que vos savez], cette dernière option complètement impensable chez certains, pourrait bien s’avérer une destination de choix pour d’autres…

* * * *

Situé à 33° 53' 13’’ Nord et 35° 30' 47’’ Est du Levant, (terme que je préfère à celui du : « Moyen-Orient » imposé par les Anglo-Saxons), le Beyrouth d’aujourd’hui est cité dans plusieurs manuels récents de géographie parus à travers le monde, comme étant un centre financier et un port de commerce qui fut jadis un centre culturel d'une importance majeure dans l'est de la Méditerranée et les pays Arabes, et qui à été longtemps considérée, du fait de son emplacement stratégique, comme un carrefour entre trois continents (l'Asie, l'Afrique, et l'Europe), et un accès vers l'Orient !

« Qui fut jadis… », et « Qui à été longtemps considéré… »

Comme certaines expressions anodines, peuvent brûler pire qu’un fer rouge !

Tout dépend du contexte.

* * * *

JADIS…

Autrefois, la vie des Beyrouthins coulait douce et sans hâte, heureuse, indolente et avec peu de soucis. L’été, la capitale Méditerranéenne se vidait de la plupart de ses habitants car presque tout Beyrouthin possédait ou louait une seconde habitation à la montagne pour y estiver durant la saison des grandes chaleurs.

Les Beyrouthins Chrétiens choisissaient généralement les hauteurs du Metn et du Kesserwan pour y passer l’été, tandis que la préférence des Musulmans allait vers les régions d'Aley, Bhamdoun et Souk-el-Gharb dans le Mont-Liban ainsi qu’aux nombreux villages du Chouf.

Quant aux citadins les plus aguerris et dont j’en fais toujours partie, rien ni personne ne pouvait les déplacer de leur chère vieille ville ni de les éloigner des langueurs azuréennes de leur Méditerranée.

Il faut dire qu’en ces temps là, des plages sans pareil, au sable fin et doré, portant des noms indélébiles dans la mémoire Beyrouthine, notamment: le Côte d’Azur, le Saint-Michel, Le Saint-Simon, le Riviera, l’Acapulco et tant d’autres, plus belles et plus élégantes les unes que les autres, longeaient le long du littoral sud, de la région d’Ouzaï jusqu’à Jnah, se succédant comme des perles en Lapis Lazulite enchâssées dans de l’or, à faire pâlir d’envie les golfes du Bengale et les sables d’Hawaï.

Que de fois me suis-je demandé sur le sort du coquet petit chalet en bois au Saint-Michel, qui fut mien pendant des années, et dont le parquet qui grince, à connu des soirées à étonner des princes… (Salut Barbara).

En ces temps bénis à jamais révolus, la vie était bien plus clémente qu’aujourd’hui, même pour les plus démunis, et une certaine sagesse sereine caractérisait les Beyrouthins qui savaient par instinct que le secret du bonheur véritable réside dans le pain quotidien dûment gagné par le labeur dans la dignité.

Aujourd’hui, presque tous les Libanais dilapident leurs précieux jours, pourtant comptés, à s’essouffler comme des lévriers après la Porsche, la villa et le Jacuzzi.

Remarquez, c’est bien joli un grand jacuzzi, avec un bon cigare, un brut bien frappé et du Mozart en fond sonore. Et pourquoi pas tant qu’on y est, une affriolante Thaï qui vous attends toute en adoration, tenant religieusement votre peignoir-éponge ? (Sincère, aucun cynisme ici)

On ne vit qu’une fois…

Mais il se trouve aussi que c’est payer stupidement trop cher de sa peau et de sa dignité humaine, que de se dégrader jusqu’à s’avilir, trahir, mentir, voler et s’infliger un ulcère duodénal chronique, dans le seul but de s’acquérir à n’importe quel prix, ce qui ne représente finalement qu’une pute, et une cuve en céramique qui fait des bulles.

* * * *

Dans l’ancien Beyrouth, l’avènement de l’automne marquait toujours la fin de la ‘’morte saison’’ d’été et l’ouverture de la grande saison mondaine, artistique et culturelle. Les places Debbas, des Martyrs et de Riyad-el Solh qui formaient le cœur battant de la capitale redoublaient en foule et en activité. Après avoir programmé tout le long de l’été des films mineurs ou en seconde vision, les salles de cinéma majeures du centre –ville réaffichaient les nouveautés les plus récentes de la production mondiale, souvent projetées en ‘’Day and Date’’ avec Paris ou Hollywood.

L’ancienne répartition des grandes compagnies cinématographiques internationales entre les salles de cinéma Beyrouthines était bien meilleure que l’ordre chaotique imposé par les distributeurs d’aujourd’hui. Ainsi donc, le cinéphile d’antan savait à l’avance que l’ancien cinéma Empire projetait en exclusivité les films de la Columbia et de l’United Artists, le Métropole : la Paramount+ des films Arabes, le Rivoli : la Warner Bros + des films Arabes, le Capitole : la MGM, le Roxy : la 20th Century Fox, le Dunia : l’Universal, le Radio City : l’Allied Artists, la Rank Britannique et la Titanus Italienne. Un peu plus haut, vers l’avenue Bechara-el-Khoury, le Gaumont Palace programmait les films Français distribués par Gaumont, Odéon et Pathé ainsi que les films Soviétiques de la Mosfilm.

Pour les cinéphiles avertis, Beyrouth rengorgeait de ciné-clubs, mais le plus important et le plus notoire était sans doute le ciné-club de Beyrouth qui reprenait son activité au début de la saison d’automne et dont le standing exceptionnel doit beaucoup au dévouement de l’infatigable Alain Plisson.

C’est grâce à ce club que j’eus l’opportunité de faire connaissance pour la première fois avec les chefs-d’œuvre immortels du cinéma, mais aussi d’avoir rencontré et eu le privilège d’effectuer des échanges personnels avec de prestigieux cinéastes invités tels, André Delvaux (timide jusqu’à l’effacement), Georges Franju (cassant et désagréable), Alain Resnais (élégant et suave) et même André Méliès, fils et collaborateur du grand pionnier du cinéma, Georges Méliès.

* * * *

Quand je regarde ce qui se fait aujourd’hui dans le domaine théâtral au Liban, je me sens partagé entre le désespoir le plus accablant et la raillerie la plus féroce.

Où en sommes nous donc de la splendeur d’antan, lorsque Mounir Abou Debs revint de France pour insuffler au théâtre Libanais ce grand élan puissant et ambitieux ?

A la fin des années 1960, j’eus la chance de me lier d’amitié avec Mounir et de participer activement aux cours donnés dans son école privée « L‘école de théâtre moderne de Beyrouth » située dans la région de Clemenceau, (tout près du domicile Beyrouthin de Walid bey…pour ceux pour qui les bornes féodales sont plus familières que les repères culturels).

Ce n’est que progressivement que je vins à découvrir l’importance de ces lieux où un monde nouveau pour moi sur lequel régnaient Eschyle, Sophocle, Shakespeare, Stanislavski, Lee Strasberg et Peter Brook en maîtres absolus, et d’où est sortie la fine fleur de la scène Libanaise tels Raymond Gebara, Antoine et Latifa Moultaka, Roger Assaf, Jalal Khoury et Antoine Kerbage (celui qui fascina jadis les foules en interprétant ‘’ Le roi se meurt’’ d’Ionesco, et pas celui d’aujourd’hui…quoique je comprends parfaitement qu’il faut bien gagner son bifteck).

Qui se souvient aujourd’hui de l’éthérée Théodora Rassy, de l’intense Rida Khoury ou du merveilleux Hamlet que fut Michel Nabaa’ ?

Ou de la version incroyable du Mac Beth de Shakespeare (toujours préservée dans les archives de Télé-Liban) tournée dans d’immenses locaux presque vides et des extérieurs dépouillés, avec pour costumes des jeans, T-shirts et espadrilles, dans la plus pure tradition de Jersey Grotowski (le prince Igor) et de Jerome Robbins (West Side Story) et dans laquelle Mounir Abou Debs honora l’auteur de ces lignes en lui confiant l’immense responsabilité du rôle principal.

Dans toutes les manifestations internationales, de Paris à Berlin et de Moscou à Avignon, le théâtre Libanais polarisait l’attention de la critique étrangère et raflait les distinctions les plus prestigieuses, au grand désintéressement de l’état criminel, toujours trop absorbé à fouetter ses eternels chats pour s'occuper d'autre chose.

Le spectacle à l’aéroport international de Beyrouth, de la troupe de théâtre Libanaise qui rentra incognito, ignorée, démoralisée et presque la queue entre les jambes au début des années 1970, après avoir raflé le premier prix au festival international de Berlin , devant les Russes, les Américains, les Britanniques et tous les autres, avec la fantastique pièce d’avant-garde : ‘’Le Déluge’’, avait de quoi vous foutre la mort dans l’âme.

Pour une fois, et peut-être à cause du sujet qui me tient particulièrement à cœur, j’ai de la difficulté à clore cet article. Je vais donc laisser ce soin à mon très valeureux et très pur Nazim Hikmet, qui lui, déclame de vive voix, avec des mots simples, directs et presque naïfs, tout ce que le long de ce récit, je n’ai cessé de chuchoter.

Ibrahim Tyan.


Traître à la patrie

Oui, je suis traître à la patrie, si vous êtes patriotes, si vous êtes les défenseurs de cette patrie, je suis traître à la patrie,
je suis traître à la patrie

Si la patrie ce sont vos ranchs,
Si c'est tout ce qu'il y a dans vos caisses et sur vos carnets de chèques, la patrie
Si la patrie, c'est crever de faim le long des chaussées,
Si la patrie, c'est trembler de froid dehors comme un chien et se tordre de paludisme en été,
Si c'est boire notre sang écarlate dans vos usines, la patrie Si la patrie, ce sont les ongles de vos grands propriétaires terriens,
Si la patrie, c'est le catéchisme armé de lances, si la patrie, c'est la matraque de la police
Si ce sont vos crédits et vos rémunérations, la patrie
Si la patrie, ce sont les bases américaines, la bombe américaine, les canons de la flotte américaine
Si la patrie, c'est ne pas se délivrer de nos ténèbres pourries.
Alors je suis traître à la patrie.

Nazim Hikmet. (1902-1963)

* Visitez: Les carnets du Beyrouthin.