Sunday, December 14, 2008

La paix d'Aïn-el-Mraïsseh.


Une des dernières photos du splendide horizon dégagé d’Aïn-el-Mraïsseh avant l’invasion de la balustrade Disneyland et des Faucilles noires de la ‘’culture de la vie’’.

* * * *

Ceux qui connaissent Dr. Strangelove, le chef-d’œuvre cinématographique de Stanley Kubrick, s’en souviennent sans doute des cruciales dernières minutes lorsque la bombe H chevauchée par le Major ‘’Kong’’ de l’US Air Force percute le sol Russe déclenchant du même coup l’infernale Machine Soviétique de la fin des temps.

Je n’oublierais jamais l’horrible sensation d’irrémissible qui me prit a la gorge devant le ballet apocalyptique des champignons nucléaires qui se succédaient a l’écran en un ralenti silencieux et démoniaque, dans une imparable réaction en chaîne ponctuée par la sirupeuse mélodie nostalgique de ‘’we’ll meet again’’.

C’était en 1964.

A cette époque-là, la guerre froide battait son plein, et la hantise de l’holocauste nucléaire pesait sur l’inconscient de chaque habitant de la planète.

Avec presque un demi-siècle d’intervalle, je retrouvais la même pénible impression lorsque les pneumatiques de l’appareil présidentiel Syrien venu embarquer Michel Naïm Aoun vers une destinée qui n’a de connu que la destination géographique, touchèrent la piste d’atterrissage à l’aéroport de Beyrouth.

La mort dans l’âme, j’observais la délirante chorégraphie Baassiste montée a l’échelle nationale, cornaquer le ‘’pèlerinage’’ du général marron jusqu’au sépulcre de Saint Maron, et le déluge sans précédent d’honneurs qui lui fut déversé, et dont le point culminant advint a la Mosquée Damasquine d'Al Oumawi avec le Mufti de la nation ceignant notre corbeau national tel un nouveau Saladin de l’Abaya (manteau) des Omeyades, dans la plus pure tradition du renard de La Fontaine, a moins qu’il ne s’agisse là d’un écervelé dindon bien dodu qu’on se doit de bien engraisser en vue de la broche…ou de la farce.

Qu’un mégalo irresponsable choisisse sa voie est son affaire ; mais qu’il entraîne dans son sillage une tranche majeure de Chrétiens mystifiés, sans parler du reste des Libanais en est une autre…

Ces Libanais dont le tiers au bas mot ne reconnait aujourd’hui d’autorité que celle de l’absolutisme suprême du Faquih, lui vouant une obédience fanatique et inconditionnelle, allant jusqu'à l’accomplissement d’un Harakiri collectif si une Fatwa de sa Sainteté Ali Husseini Khămene’i l’exige, adviendrait-elle suite a une révélation qui lui aurait été dévoilée au cours d’un songe d’une nuit d’été Persane.

De l’autre versant se profilent les ânes bâtés du 14 Brumaire, qui ont sacrifié la prodigieuse aubaine d’une conjonction à l’échelle planétaire qui ne pointe que de siècle en siècle sur l’autel de leur médiocrité, font le triste bilan d’un état désagrégé et exsangue malgré tous les panneaux bêtifiants exécutés à prix d’or par les Andy Warhol du Dimanche, les tonnes de pétitions bidon partis alimenter les braseros de la garde du Grand Sérail, les moyens médiatiques mercenaires et éventés, et moult procession a fleurs, calicots, banderoles, ballons ou cierges bénis, en mémoire de ceux qui sont tombés ou de ceux qui sont destinés a l’être.

Ave Marikka, Morituri Te Salutant

Ou de la pitoyable utopie (ou fumisterie) d’une ‘’table de dialogue national’’ ; inutile ersatz d’un parlement marginalisé et d’une nation vidée de sa substance.

Ceci dit, j’avoue ne pas trop saisir le fond du différend entre les Libanais des deux ‘’camps’’, surtout lorsque certains de leurs ‘’théoriciens’’ ramènent cette dissension a des niveaux ‘’culturels’’ (culture de la vie contre culture de la mort) !!??

Qu’on le veuille ou non, entre l’Iran (sauvage et obscurantiste) et l’Arabie Saoudite (sage et modérée) les analogies sont beaucoup plus fondamentales que les dissemblances puisque tous deux sont Musulmans, riches et pétroliers, et que leurs deux ‘’cultures’’ proscrivent a l’unisson la fine fleur de la pensée humaine, a commencer par Darwin, Marx et Freud, a la tête d’une longue liste dont le plus récent ajout se trouve n’être autre que l’illustre Mickey Mouse.

Heureusement que le savoir universel semble n’avoir pas été complètement banni de sous nos cieux puisque la ligne de conduite de nos ‘’dirigeants’’ dévoile une admiration indubitable pour la pensée de Carl Schmidt ; sinon comment expliquer la réduction de notre constitution et l’ensemble de nos lois aux dédales des archives poussiéreuses, définitivement remplacées par un chapelet continu de résolutions décrétées « Exceptionnellement et pour une seule fois » !

عيش كتير بتشوف كتير ... و بتضحك أكتر

A la lumière des événements drastiques qui agitent la scène mondiale actuelle, a commencer par le désastre économique dont personne n’a encore pu en mesurer avec exactitude l’étendue ni les conséquences, une nouvelle dynamique internationale engendrée par la force même du changement s’est presque spontanément créée avec des effets politiques immédiats notamment l’effondrement de la théorie des axes qui fit autorité au cours de la précédente décennie.

Ne pouvant échapper a ce nouvel état de choses, les axes Syro-Iranien et Egypto-Saoudien sont déjà en perte de vitesse sur notre scène régionale, au grand dam de nos‘’leaders’’ locaux dont les attributs couvrent tous les paramètres situés entre l’ânerie élémentaire et l’amoralité vicelarde.

Déduirons-nous pour autant une fin proche au calvaire Libanais ?

Point du tout hélas ; bien au contraire !

Cependant, il serait intéressant de noter rien que pour la constatation, qu’identiquement aux marchés Libanais ouverts sans restriction aux fournisseurs locaux et internationaux sans l’ombre d’une surveillance, la scène politique Libanaise demeure a son tour un terrain tout aussi favorable pour l’écoulement de toute ‘’marchandise idéologique’’ invendable partout ailleurs parce qu’avariée ou périmée.

* * * *

Un incroyable ciel de fin d’après-midi de Décembre couvrait Aïn-el-Mraïsseh d’un intense bleu translucide comme une immense coupole d’un introuvable cristal.

A l’horizon, la symphonie silencieuse de pourpre et de lumière déployait majestueusement ses premières mesures au-dessus de la sérénité mystique d’une Méditerranée irréelle.

Bien emmitouflé dans mon anorak, je dégustais par petites gorgées de bien-être le merveilleux contraste entre le froid coupant de Décembre et la merveilleuse luminosité à faire pâlir d’envie un flamboyant Juillet.

Mentalement je fis place sur mon banc de pierre à mon vieil ami Bachir que j’aurais aimé avoir prés de moi en ces instants magiques, face a Mare Nostrum dans toute sa splendeur, pour discuter avec lui de cette Marginalité Glorieuse de l’intellectuel face a la barbarie et la terreur, le despotisme et l'imposture...


Ibrahim Tyan.

Wednesday, November 5, 2008

Vue d'Aïn-el-Mraïsseh.



The woods are lovely, dark and deep,
But I have promises to keep,
And miles to go before I sleep,
And miles to go before I sleep.


_ Robert Lee Frost 1874-1963.

* * * *

Le phénomène souvent inexpliqué de l’emprise exercée sur certains esprits par des lieux ou des choses, a rarement été mieux transcrit que par Marcel Proust lorsqu’il retraça dans son œuvre autobiographique monumentale, l’émotion extraordinaire ressentie par l’écrivain Bergotte a la vision d’un petit pan de mur jaune sur la célèbre toile ‘’Vue de Delft’’ de Vermeer, et les conséquences bouleversantes qui lui en découlèrent.

Or il est une minuscule parcelle de la corniche d’Aïn-el-Mraïsseh, et un petit banc de pierre face a la mer, miraculeusement épargnés par les esthètes de la ‘’renaissance’’ postiche qui défigura Beyrouth dès la dernière décennie du siècle passé, et qui semblent receler un portail occulte vers une autre dimension.

Que de fois n’y ais-je ressenti les signes annonciateurs, en une variation subtile mais perceptible des vibrations de l’air, de la lumière et des sons, tout seul assis face a un bleu soudain inconnu, qui émerveilla d’autres yeux au cours d’un énigmatique autrefois.

Et la place frémissante sous la splendeur d’un soleil d’antan, vibrante d’un rythme tendre et alangui ; et les voix des rares passants au lointain qui m’arrivaient en sourdine et comme à retardement, mêlés au doux chuchotement de l’éternité azuréenne.

Instants rares et privilégiés, las, désormais tronqués et comme ébréchés, depuis que je ne me considère plus de ce Beyrouth, ni lui de moi.

Certes qu’Aïn-el-Mraïsseh ne sera pas délaissé pour autant, ni le petit carré magique dont la garde des sceaux me fut confiée par ce qui ne concerne que moi ; mais une page a été définitivement tournée, et l’image de l’adorant inconditionnel volant a la rencontre de son adorée s’est définitivement estompée, pour faire place a celle du vieil épicurien salace se rendant en pleine connaissance de cause chez une courtisane expérimentée, sachant parfaitement ce qu’il désire s’elle, et elle de lui.

Faut vivre avec son temps.

Et avec l’effrayante nullité de la plupart des personnages au pouvoir dans le monde d’aujourd’hui.

Tout en remerciant le destin pour l’échec de l’opération qui emmena l’esquimaude crétine et béotienne à délaisser son igloo de l’Alaska pour se rallier au vieillard WASP, prostatique et a moitié sénile, dans le but de réinstaurer dans le pays le plus puissant de l’histoire, un pouvoir a leur image qui aurait décidé de votre sort et du mien.

Le temps est donc à la célébration et aux réjouissances.

Mais le premier moment d’euphorie passé, la coulée de lave incandescente et toujours mouvante qu’est le désastre économique national duquel hérite le premier président ‘’coloré’’ des Etats-Unis qui marque de sa jeune et courageuse persona la fin de l’ère ploutocratique Reaganienne, risque d’être beaucoup trop importante et maléfique pour pouvoir être encore endiguée avec succès, et tant que personne n’ose (ou ne veut) prononcer dans le pays des lobbys, trusts et cartels, le terme blasphématoire de ‘’Socialisme Démocratique’’ qui aurait dû être en premier lieu la doctrine de base de la nation Américaine, et de brûler en autodafé l’effigie d’Adam Smith Esquire, plutôt que d’arnaquer le reste de la planète pour raviver un système corrompu et agonisant.

Aussi, faut-il compter avec l’Amérique rurale et profonde qui recèle les forces vives et réelles de la nation (plutôt que la surabondance factice de Wall-Street), et qui demeure idéologiquement ‘’confédéraliste’’ et sauvagement réfractaire a l’idée d’un ‘’Nigger’’ au siège de la plus haute autorité nationale.

Il faut avoir connu de très prés la société Américaine pour se rendre compte du péril immense qui menace aujourd’hui ce pays, et ce nouveau président qui risque en cas d’échec de sa politique économique, de réveiller d’un seul coup tous les démons de l’Amérique Ku-Klux-Klan, jusqu'au point de revoir la nation scindée en deux comme en 1861 ; et ce ne sont point là des paroles mâchées.

3nathalfan

Reste la délectation réelle que j’eus a observer le désarroi a peine voilé sur les chaines TV câblées du Golfe, et les frimes allongées des commentateurs bédouins qui s’efforçaient de minimiser la défaite cuisante de ''leur'' candidat néo-cons, a leur audience de cons.

Entretemps les centrifugeuses Iraniennes dont chaque rotation de chicane nous rapproche inexorablement vers l’inconnu, continuent de tourner allégrement à plein régime…

Ibrahim Tyan.

* Visitez « Les carnets du Beyrouthin ».

Sunday, October 26, 2008

Une matinée à Aïn-el-Mraïsseh.


Un essaim bigarré de personnages affairés et surchargés, s’agitait dans un bourdonnement continuel fait de vociférations, jurons, rires et interjections, dans un carré délimité par des rubans jaunes pareils à ceux de la P.J. pour circonscrire le théâtre d’un crime, face au bleu immémorial d’Aïn-el-Mraïsseh qui frissonnait langoureusement avec le premier vent qui passait indifférent ; nonchalant.

Juché sur un minuscule siège a traveling derrière une camera 35 mm d’ancien modèle, un individu bedonnant entre deux âges, n’en finissait pas de troubler a travers son porte-voix, la quiétude de la corniche en cette belle matinée ensoleillée d’Octobre.

A le voir s’agiter de la sorte a l’intérieur de son territoire fermé, on aurait cru William Wyler réglant les derniers détails de la course de chars de Ben-Hur.

Pour ceux dont le cortex épais ne l’aurait pas encore détecté, je venais de déboucher en cette tranquille et radieuse journée automnale d’Aïn-el-Mraïsseh, sur une pleine séance de tournage d’un vidéo-clip ‘’musical’’ avec pour vedette une des ‘’reines’’ du ‘’music-hall’’ Libanais, qui encapsule dans chaque sinuosité de sa voluptueuse persona, l’objet de la fureur libidineuse de tous les boucs en rut, du Golfe jusqu’à l’Océan :

من ألمحيط ألهادر ألى ألخليج ألثائر

Debout derrière les quelques badauds attroupés, j’appréciais la grâce de la belle vêtue d’une djellaba noire, la tête ceinte d’un bandeau de la même couleur enguirlandé de piécettes en cuivre jaune dans le plus pur style des paysannes (Fellahas) Egyptiennes, et trouvais que cette tenue austère allait a merveille avec l’agressive beauté de la biquette, surtout qu’elle était agrémentée de l’inévitable châle (ici en soie rose), savamment noué autour de ses hanches, de façon a mettre en valeur un background digne de toutes les considérations ; tout en déplorant le port par la minette d’élégants escarpins vernis a talons ultra-hauts, alors qu’un mignon pied nu, et une cheville arborant le sacro-saint bracelet a breloques (khilkhal) aurait constitué le complément logique (et autrement sexy) d’une pareille toilette.

Il faut dire ici que les danseuses et autres ‘’artistes’’ libanaises se sont inventées au cours des années, un style hybride fabriqué de toute pièce auquel fut décerné le nom de ‘’dance Orientale’’, et qui consiste en une série de figures et contorsions acrobatiques relevant de la gymnastique aérobic plutôt que de cette discipline subtile, rituelle et ancestrale, toute en langueur et lascivité, qu’est la traditionnelle dance du ventre, qui réunit en un gestuel relativement succinct, tout le refoulement, la répression, la soumission, la révolte et l’érotisme de tous les diables, tapis aux tréfonds de l’Atmâ d’une femme séculairement cantonnée par une société archaïquement phallocratique au statut de courtisane et d’objet de plaisir pour l’homme. Mais ceci est une autre histoire…

Reste que je demeurais perplexe devant un petit véhicule posté derrière la Dulcinée et que j’identifiais immédiatement comme une authentique voiturette New Yorkaise a Hot-dogs (Hot dog cart), pour l’avoir croisée tant de fois dans son pays d’origine, et les occasions où je dus m’y arrêter pour une collation rapide.

Et comme pour dissiper toute équivoque, des petits pains dans leur caisson en verre émergeaient du haut du véhicule, tandis qu’un parasol arborant le badge d’une célèbre boisson gazeuse couronnait le tout.

J’avoue a ma grande déconfiture ne pas avoir encore réussi a établir un corollaire plausible entre la Fellaha Egyptienne, les escarpins de soirée a talons hauts et le Hot-dog cart New Yorkais ; cependant, et n’ayant point avisé de pancarte ou d’écriteau sur le véhicule en question affichant ostensiblement comme il se doit le terme : HALAL, je crains pour la promotion de cette superproduction dans les pays des croyants, où la chair d’origine indéfinissable qui garnit ordinairement ce genre de saucisses, suscite une résonance des plus suspectes.

Le meilleur étant bien entendu de prévoir une seconde copie destinée aux marchés de l’Occident et dans laquelle le terme : HALAL serait remplacé par celui de : KOSHER, faisant ainsi d’une pierre deux coups :

_ S’assurer de l’appui du mythique ‘’Lobby Sioniste’’ toujours a l’affût du moindre signe ‘’sympathisant’’ en provenance du camp antagoniste.

_ Fournir une preuve supplémentaire de l’unicité Divine en démontrant qu’au sein des deux monothéismes, le Très haut semble éprouver la même sainte aversion pour la charcuterie.

M’étant éloigné des lieux du tournage, chassé par la cohue grandissante des curieux et les braillements incessants du forcené du porte-voix, je réintégrais lentement le calme et la sérénité des matinées d’Aïn-el-Mraïsseh, et me laissais couler avec soulagement sur un banc vide face a la mer, envoyant du même coup valser dans la poubelle la plus proche, un journal probablement abandonné par un occupant précédent.

A D’AUTRES, l’incroyable litanie des Suslovistes du Dimanche, issus de tous les bords, vendus ou mystifiés, s’évertuant inlassablement à théoriser la honte et philosopher l’infamie.

Et la dégénérescence inouïe de ceux qui escomptent une aide étrangère alors qu’ils se l’interdisent entre eux-mêmes !

Ou de ceux qui professent la nécessité d’une ligne Maginot Arabe face au déferlement Persique, pour camoufler la réalité d’un axe Sunnite présent et œuvrant désespérément pour la corruption d’un rapprochement inéluctable entre l’Iran et l’Occident.

Ou de la nomenclature trompeuse qui appelle ‘’Parlement’’ ce qui n’est qu’un conseil tribal, et la mendicité à peine voilée : ‘’économie’’…

Ou des noires catacombes, murées de toute part, au fond desquelles les Libanais errent sans fin, et appellent cela : ‘’Vivre’’.

Ibrahim Tyan.

 De la chanson ‘’A Paris’’ ; hommage a Yves Montand.
 Pour les cinéphiles ; W. Wyler n’y est pour rien dans cette séquence d’anthologie qui fut entièrement tournée à l’époque par le metteur-en-scène de la seconde équipe, un certain Sergio Leone.
 Relatif a Mikhaïl Suslov.

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Tuesday, October 14, 2008

Les réflexions d'Aïn-el-Mraïsseh.



Avec déjà la certitude du maître légitime des lieux, le jeune garçonnet arpentait d’un pas sûr, la côte d’Aïn-el-Mraïsseh en cette époque bénie des années 1950, tel un prince inspectant son fief et son héritage.

* * * *

La lassitude dans l’âme, le sexagénaire déposa ses vieux os fatigués sur le banc de pierre, en cette radieuse journée de Septembre 2008, face au bleu infini de la Mère éternelle…

Une paix profonde se dégageait de l’endroit presque désert, comme si la spirale perpétuelle du temps s’était résolue en une énigmatique halte traduite par un insaisissable changement dans les vibrations inaudibles charriées par la brise à travers les feuilles de palmiers ombrageant la place baignée par le soleil Méditerranéen.

Mais l’humanisme idiosyncrasique aux fondements incroyablement diversifiés du vieux Beyrouthin, qui le rendait également favorable aux lampions du Ramadan qu’aux sapins de la Noël, sans en ressortir pour autant des uns ni des autres, s’en trouva assombri malgré la magie du moment par la vision désolante de la corniche déserte d’Aïn-el-Mraïsseh en ce premier jour d’Eid-el-Fitr.

Ou sont donc passées les foules bruyantes et bigarrées des fêtards d’antan ? Des jeunes filles et garçons qui attendaient ce jour pendant toute l’année pour parader dans leurs habits neufs et se faire un brin de cour, et les ribambelles joyeuses et turbulentes d’enfants qui gambadaient allégrement parmi les vendeurs de galettes chaudes (Kaak), d’épis de maïs grillé, de graines de fèves cuites a la vapeur et couronnées de tranches de citron vert saupoudrées au cumin, et de la barbe a papa aux féeriques couleurs pastel ?

عيدٌ بأيّةِ حالٍ عُدتَ يا عيدُ

Personne, même parmi la majorité illettrée de ce vaste et bienheureux monde Arabe n’ignore cette fameuse tranche de la première strophe du célébrissime poème vindicatif et hargneux d’Abou Et-Tayyeb Ahmad Bin Al Houssein, dit, Al-Moutanabbi, dont la flamboyante et somptueuse faconde qui va résolument a l’encontre du caractère véritable de l’homme et de ses accomplissements réels, demeure un des fleurons les plus caractéristiques de cette pensée qui fit du monde Arabe ce qu’il est aujourd’hui.

Cependant, la bien moins célèbre deuxième strophe du même poème, réponds a la plus pure tradition de la poésie Arabe classique, qui consiste à avoir recours a une image particulièrement émouvante qui sert de mise en place dramatique dans le but d’affûter les sentiments de l’auditeur et de le préparer émotionnellement avant l’abordage du sujet principal.

Elle est ici de toute beauté :

أما الأحبة فالبيـداء دونهم فليت دونـك بيد دونهـا بيد

La fascinante évocation de ces dunes se succédant les unes après les autres n’est pas sans rappeler d’autres dunes venues d’un autre ailleurs :

Avec la mer du nord pour dernier terrain vague
Et des vagues de dunes pour arrêter les vagues
Et vagues rochers que les marées dépassent
Et qui ont a jamais le cœur à marée basse


Jacques Brel (Le plat pays).

Preuve supplémentaire de l’universalité de l’expression poétique authentique.

* * * *

Lors des obsèques de Pierre Bérégovoy, François Mitterrand affirma qu'on avait « livré aux chiens » l'honneur et finalement la vie de l’homme.

C’est en contemplant la place morne et vide en ce jour de fête que la phrase terrible du dernier représentant d’une ‘’Certaine idée de la France’’ me revint avec des dimensions toutes nouvelles ; le spectacle désolant de ce fragment de ville désert n’évoquant plus la déchéance d’un seul homme mais d’un pays entier livré en pâture aux chiens.

Avec ma contestation énergique pour le sens dialectologique dépréciatif rattaché au symbole de cet aimable canidé qui fit preuve d’amitié et de fidélité aussi exemplaires que bénévoles envers l’homme depuis l’aube des temps, et qui lui rendit d’inestimables services dont il fut souvent mal récompensé.

Dans le nid de serpents et le dépotoir d’immondices foyer de toutes les infections qu’est devenu le Liban, le terme de « Vipères Lubriques » emprunté a la rhétorique hautement colorée de la révolution culturelle de Mao Zedong pour designer la ‘’Bande des quatre’’ (dont sa propre femme), me parait plus juste pour qualifier tant les ‘’Zaïms’’ Libanais que leurs imbéciles quadrupèdes de suiveurs.

Présentement, trois uniques issues se profilent à l’horizon tourmenté de la Géhenne Libanaise :

_ Qu’un des deux partis antagonistes parvienne à écraser définitivement l’autre, entrainant du meme coup l’écroulement total et inéluctable d’un certain Liban.

_ Qu’une puissance étrangère avec le feu vert des ‘’Grands’’, vienne établir de force son mandat répressif et autoritaire sur le pays ; le seul pays qui serait stratégiquement apte, et prêt à s’embourber dans le cloaque Libanais étant celui vous savez…

_ Que les dirigeants Libanais, dans un retour miraculeux à la raison conviennent a l’unisson que l’intérêt de la nation et la sauvegarde de son avenir priment sur TOUT le reste.

Mais même le plus demeuré des cretins sypyllitiques, connait dans sa raison malade que le temps des miracles est a jamais revolu.

* * * *

Au crépuscule de mon existence qui coïncide malencontreusement avec celui de mon pays, ELLE seule me reste.



Ibrahim Tyan.

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Friday, September 26, 2008

Les tremblements annonciateurs.


Ce billet qui n’a aucune prétention d’analyse économique, ou sociopolitique a pour modeste ambition de refléter le regard du simple citoyen issu de la généalogie de cette ‘’majorité silencieuse’’ traditionnellement ignorée, et éternellement ‘’séduite et abandonnée’’, devant les bouleversements extraordinaires qui se succèdent a une cadence vertigineuse sur la scène mondiale d’aujourd’hui.

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/…D’ici jusqu’à l’extinction (inéluctable) du cycle Américain, le temps du libre arbitre des peuples est révolu sur cette planète.

…/…Telle l’ancienne Rome, le mal de l’Amérique naîtra de l’intérieur.


Lettres du Liban.
Coïtus Interruptus. le 9 – 2 – 2008.

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Quoique prédit depuis de nombreuses années par maints experts Américains et Internationaux, l’effondrement de remparts importants dans la citadelle économique Américaine surprit le monde entier par sa précipitation, son amplitude et l’étendue du désastre qui menace d’en résulter.

Qui aurait pu imaginer par exemple, le vacillement dramatique et la perte de crédibilité de symboles iconiques tels la ‘’Merrill-Lynch Financial Management & Advisory’’, qui risquent aujourd’hui de disparaitre a jamais des indices de la bourse mondiale alors qu’ils constituaient jusqu’hier encore, le Sanctum Sanctorum du temple de la finance Occidentale ?

Ne désirant point entamer par le présent, un exposé a la portée de n’importe quel estudiantin en première année d’économie, il serait cependant propice de mentionner rapidement que depuis la création du Bank note qui est l’expression primaire de la monnaie scripturale rendue nécessaire par l’expansion et le développement de l’échange international auquel le simple troc ou la monnaie virtuelle (or, argent ou autres métaux) ne pouvait plus suffire, la marge de fraude et d’escroquerie s’en trouva considérablement accrue, jusqu'à l’atteinte de nos jours a des proportions qui menacent désormais l’avenir et la qualité de vie du genre humain.

Depuis la première apparition des ‘’junk bonds’’ au cours du siècle dernier sur les cadrans de la salle d’échange a Wall Street, la marge était rompue entre le concret et le fictif, l’inexistant et l’effectif, la vérité et le mensonge. Et puisqu’on ne prête qu’aux riches, il devint de plus en plus impossible de déterminer le facteur de puissance économique réel d’une Amérique reconnue sur parole par le reste du monde comme étant la nation la plus riche, la plus forte et surtout la plus fiable.

Son activité primaire consistant à vendre sa camelote avec le plus grand profit possible au plus bête ou moins informé, personne n’a jamais cherché à prouver que le marché boursier (une nécessité absolue des temps modernes) était un terrain de jeux pour enfants de chœur. Il demeure cependant que le fait qu’un particulier puisse s’y faire un net profit de deux ou trois millions de Dollars en l’espace d’une demi-heure de spéculation subreptice relève de l’immoralité dangereuse sinon de l’indécence la plus pure.

Rien qu’au cours de cette année, l’Arabie Saoudite a elle seule s’est faite arnaquer de plus d’un Billion de dollars partis en fumée dans des ‘’spéculations hasardeuses’’ a Wall Street, ‘’conseillée’’ en cela par ses ‘’protecteurs’’, eux-mêmes en grand besoin de moyens leur permettant de maintenir en état de fonctionnement maximal, leurs nombreuses cités nucléaires flottantes qui sillonnent les sept mers du globe, transportant a leur bord, trois a cinq mille hommes chacune, et cent-cinquante a deux cents-cinquante avions de combat ultramodernes, dont le coût de maintien en état d’alerte maximale 24h sur 24 durant 365 jours l’an requiert un budget faramineux doublé d’une logistique sans précédent ; et ce n’est là qu’un seul rouage du mécanisme titanesque qui constitue la machine Américaine pour la domination planétaire.

Mais vint le jour où Les escrocs, a force de se dévaliser les uns les autres, devinrent eux-mêmes victimes de leur propre escroquerie en accumulant de la monnaie de singe, et en créant progressivement une résistance chez tous ceux qui commencèrent à comprendre vers quoi on les menait.

Aujourd’hui l’Amérique reçoit de plein fouet le choc de retour de décennies d’une politique économique de prestidigitation et d’arnaque, de titres imaginaires et d’avoirs inexistants ; quant a l’aide de $. 750 Milliards que l’état hésite encore (a juste titre) a injecter sur le marché, elle ne servira qu’a renflouer les spéculateurs a court terme, ne laissant rien pour les investisseurs a long terme ; s’ajoute a cela que dorénavant, chaque cent dépensé doit l’être a bon escient, le pays ne pouvant plus se permettre de risquer ses dernières forces vives dans des manœuvres a l’issue problématique.

Aux facteurs annonciateurs de la troisième guerre mondiale se profilant déjà a l’horizon tels la pénurie en énergie, l’insuffisance des produits alimentaires, le réveil du fanatisme et des différends religieux, ainsi que les foyers et zones de tension innombrables parsemant le monde et qui risquent a chaque moment de communiquer en un gigantesque brasier, vient s’ajouter aujourd’hui l’effondrement du système financier capitaliste.

Déjà le gouvernement Américain parle de la nationalisation désormais inévitable pour le sauvetage de certaines compagnies, solution considérée jusqu’alors comme sacrilège au pays de la privatisation.

Mais il faut attendre encore quelque temps avant l’arrivée du cataclysme véritable lorsque nous assisterons à la formidable déroute des fonds de pension de la planète, mettant en péril tout le système des retraites par capitalisation.

Etrangement, les observateurs et experts avouent leur totale incompréhension devant ce qui se passe, sauf leur conscience d’une crise d’une nature inconnue et d’une ampleur sans précédent qui menace de ravager la planète ; mais cela, l’homme de la rue l’avait déjà ressenti sans avoir recours a leur expertise.

Paradoxalement, ce sont les pays-voyous de ‘’l’axe du mal’’, en l’occurrence la Syrie, l’Iran, la Corée du Nord, et le Venezuela de notre ‘’frère’’ Iranien-Catholique Chavez, qui seront parmi les moins touchés (du moins dans les premières phases) par le cataclysme qui arrive, vu la léthargie de leur économie fermée et la quasi absence de leurs investissements extérieurs ; ce qui n’est pas le cas d’une Chine dont les placements sur le sol US seulement, remontent a la bagatelle de trois billions de dollars.

Quant a notre petit Lebnan chéri dont les responsables continuent a ignorer royalement (et traditionnellement) le drame qui se joue sur la scène mondiale, je n’ai vu ni entendu jusqu'à ce jour aucun d’eux s’inquiéter du fait que notre monnaie nationale ait été rattachée a l’étalon-Dollar depuis la venue et par les bons soins du Grand Homme qui roupille place du Saint-Sépulcre a l’abri de la mosquée de ses rêve, après avoir été trompeusement dévaluée, dans le simple but de faciliter a une horde de prédateurs Libanais et ‘’étrangers’’ la besogne de faire main-basse sur la ville.

Dieu ait son âme pure et dédaigneuse des biens de ce monde.

Entretemps, quelqu’un a-t-il un plan pour le cas où l’immense navire coulerait alors que notre frêle esquif national lui est rendu attaché et indissolublement dépendant ?

Malotru que je suis de jouer les trouble-fête au temps des réconciliations bidon, et ‘’Iftars’’ crétinssimes.

Alors en signe de bonne volonté et de pragmatisme a toute épreuve, en toute franchise je vous le dis : Je me considérerais pleinement heureux et satisfait si tous ces ‘’rapprochements’’ aboutiraient a un seul et unique résultat consistant en la cessation définitive du matraquage médiatique bêtifiant, du lamento qui ânonne jour et nuit :

جرح بيروت
وكرامة بيروت
وحزن بيروت
وقلب بيروت




Ibrahim Tyan.

* Visitez : « Les carnets du Beyrouthin »

Sunday, September 14, 2008

Le désespoir est muet.



A la mémoire de l’inimitable Alistair Cooke.
Et de son irremplaçable : ‘’Letter from America’’.


Ce fut durant l’un de mes voyages aux Etats-Unis que je fis la connaissance d’un Libanais qui tenait une petite pizzeria dans une banlieue de Los Angeles.

Affable et volubile comme le sont tous les Libanais dignes de cette appellation, il ne tarda pas a me dévoiler que depuis qu’il avait remplacé la totalité de son personnel par sa femme, ses trois filles et lui-même, ainsi qu’en rognant au maximum sur les ingrédients de base de ses galettes Napolitaines, il avait pu, préserver presqu’intacte sa marge essentielle de profit annuel, malgré la crise économique sévissant, et son chiffre d’affaires parti en chute libre depuis l’occupation du bureau ovale 1600 avenue de Pennsylvanie/Washington DC, par le conformiste illuminé.

Ayant fièrement demandé a ‘’l’oustaz’’ (en l’occurrence votre humble serviteur), son avis sur sa drastique démarche, je me fis un devoir de le lui fournir en toute honnêteté.

_ En débarrassant ta barque de tous les objets essentiels qui l’alourdissaient (rames comprises). -lui répondis-je - ; tu as pu jusque-là te maintenir tant bien que mal en état de flottaison. Mais si les choses iraient a se gâter encore plus (et elles le feront) ; que te reste-t-il a balancer par-dessus bord ? Ta femme ou une de tes filles ?

Erreur fatale puisqu’il m’avéra un peu tard que mon interlocuteur appartenait à cette race majoritaire du Libanais Neandertal pour lequel toute opinion non conforme à la sienne lui était littéralement intolérable.

Le début de mon discours dut donc offusquer tellement le drôle que je me retrouvais tout seul devant une pizza pepperoni plutôt rachitique, dédaigneusement ignoré par le maître des lieux qui ne répondit même pas au bye amical que je lui adressais en sortant.

M’étant retrouvé dans la région du restaurateur/stratège-économiste au cours d’un récent séjour aux US, je décidais d’aller lui souhaiter le bonjour, histoire de voir ce que l’ascète de la pasta a encore déniché pour serrer la ceinture d’un cran supplémentaire.

J’en fus étonné de trouver à sa place un élégant sushi bar tenu par une authentique Japonaise dont les affaires semblaient gazer a merveille.

M’étant enquéri sur le sort de l’ancien proprio, je pus comprendre des propos discrets de la fille du soleil, qu’arrivé au bord de la faillite, notre bonhomme finit par lui céder son affaire pour une bouchée de pain, et partit réintégrer son ancien poste de contremaître dans une usine métallurgique.

S’il m’avait a l’époque laissé finir mon discours, mon infortuné compatriote m’aurait probablement entendu lui conseiller vivement d’en profiter au maximum des facilités mises a sa disposition par le système régissant son pays de résidence, en l’occurrence de l’aisance relative avec laquelle un patron d’entreprise peut obtenir un emprunt substantiel d’une banque qui ne serait que trop heureuse de le lui accorder, d’engager un bon chef aussi professionnel que possible ainsi qu’un personnel restreint mais qualifié, de rénover son menu et ses locaux et de recourir aux services d’une bonne agence de promotion.

Aurait-il pu en suivant ces démarches sauvegarder son entreprise du naufrage ? Il n’est évidemment point de garantie formelle là-dessus ; demeure cependant que dans la dynamique d’une économie évoluée, astatique et agressivement agissante, c’étaient là les démarches de base pour éviter la mort certaine par inanition à force de vaines mesures d’austérité.

J’aime a imaginer que Rafic Le Grand était motivé par cette même logique lorsqu’il amorça sa politique d’emprunt sauvage en vue de renflouer une économie libanaise en souffrance (mais l’était-elle effectivement ?), après la fin de la guerre civile (mais était-elle vraiment finie ?).

C’est ainsi que naquirent ‘’Solidere’’ (entreprise privée pour le profit d’une minorité minimale et ‘’l’orgueil’’’ de toute une nation), le ‘’downtown’’ touristique pavé de granit et les faucilles noires d’Aïn-el-Mraïsseh).

Cependant, fallait-il être Aristote pour constater qu’il était inutile d’entamer le moindre projet de restauration avant d’avoir réformé de fond en comble l’entièreté de l’infrastructure institutionnelle et de l’épurer de toute corruption, dilapidation ou incapacité ?

Fallait-il être un Maurice Allais pour savoir qu’aucune économie viagère (même avec l’apport facile du tourisme du sexe) n’est viable sans les indispensables piliers de l’agriculture et de l’industrie ?

Etait-il nécessaire d’être sage comme Lao-Tseu pour ne point tomber dans la tentation démoniaque de s’approprier l’entièreté d’un pays peuplé d’humanoïdes quadrupèdes arrogants, rétifs et analphabètes, et de se croire capable de gouverner l’ingouvernable par le seul pouvoir d’argent ?

Mais tout cela n’a pas beaucoup d’importance.

Ce qui est vraiment important c’est le paquet de Pain dont le poids continue de diminuer, c’est la boite de ‘’Labné’’ désormais remplie aux trois quarts mais dont le prix augmente en flèche, et des sacs de céréales dont l’étiquette affiche 1000 Gr, mais qui marquent 800 à 850 Gr. sur la balance.

C’est les scandaleux impôts indirects qui ne touchent que la classe pauvre puisqu’imposés sur leurs nécessités les plus vitales, et des pauvres qui s’entredévorent faute de déchiqueter leurs affameurs.

C’est l’état en faillite complète, désormais soumis à la tutelle des entreprises privées devenues plus riches que lui, et des hordes armées dont il ne peut égaler la puissance ni l’autorité.

Dernièrement, de nombreux amis et fideles lecteurs dont notamment, G.A., Karalaz, Libanicus, Mauro, Fadi, R.D. et Samar m’écrivirent pour s’étonner de mon ‘’éloignement’’ (Roland) et mon ‘’mutisme incompréhensible’’ (Samar) vis-à-vis ‘’d’evenements majeurs’’ sur la scène locale et régionale.

Tout en les remerciant pour leur fidélité et leur intérêt jamais pris a défaut, je ne peux que leur livrer en vrac, sans la moindre hésitation ni reluctance, le fond de ma pensée.

_ L’ablation du parti Khomeyniste, désormais aussi indéracinable au Liban qu’un cancer violent propagé a l’intérieur d’un organisme épuisé et sans défense, requiert désormais une intervention d’une envergure telle qu’elle risquerait d’emporter les restes du Liban avec, a défaut d’un cataclysme naturel du genre des fléaux bibliques infligés par Yahvé au peuple d’Egypte.

_ Il a suffi au Syrien d’agiter discrètement la baguette en direction du Liban (et de l’Arabie Saoudite), en la présence approbatrice des plus hautes autorités Française, Turque et Qatarienne pour que le cheikh Saad se rue vers Tripoli (malgré son horreur des déplacements hors du périmètre fortifié de son Quoraytem) pour y instaurer une réconciliation-éclair (entre qui et qui ?) qui étouffa comme par miracle un brasier que rien ne semblait pouvoir maitriser et qui menaçait de s’étendre au-delà du territoire Libanais.

_ Malgré les différences apparentes entre l’assassinat récent du cheikh Saleh el Aridi et celui du General François el Hage, tout semble indiquer que les deux meurtres/messages ont étés commis par la même cabale pour les mêmes raisons et dans le même but.

_ C’est entre les Chrétiens et dans leurs propres régions que le danger des affrontements les plus âpres et les plus destructifs couve sous la cendre.

_ Dans l’attente d’une troisième guerre mondiale dont les éléments s’amoncellent inexorablement a l’horizon, le Liban ne connaitra plus de paix ni de stabilité.

Entretemps, des Chrétiens célèbrent en grande pompe dans leurs zones redevenus ‘’enclave’’, la mémoire de leur ancien chef de guerre qui ne jouit des félicités de la présidence que durant 21 jours.

En déterrant pour la nième fois le squelette de celui dont la plupart d’entre eux avaient souhaité la mort de son vivant, ces néo Zapatistes espèrent que cela contribuera au barrage contre la folle équipée du Generalissimo Miguel Alcazar au sein de ce qu’ils ont toujours considéré comme étant leur canton privé et chasse gardée.

Viva Zapata !

Ibrahim Tyan.

* Visitez « Les carnets du Beyrouthin ».

Saturday, August 30, 2008

Δημοκρατία¹


¹ DÊMOKRATIA « Souveraineté du peuple » .

* * * *

Et pour comble de méchanceté, - malheur ! Malheur a toi ! Oracle du Seigneur Yahvé – tu t’es bâti un tertre, tu t’es fait un haut-lieu sur toutes les places. A l’entrée de chaque chemin, tu t’es bâti un haut-lieu pour y souiller ta beauté et livrer ton corps a tout venant ; tu as multiplié tes prostitutions. Tu t’es prostituée chez les Egyptiens, tes voisins, au corps puissant, tu as multiplié tes prostitutions pour m’irriter. Et voici que j’ai levé la main contre toi. J’ai rationné ta nourriture, je t’ai livrée à la merci de tes ennemies, les filles de Philistins révoltées de l’infamie de ta conduite. Tu t’es prostituée chez les Assyriens faute d’être rassasiée. Tu t’es prostituée sans te rassasier. Tu as multiplié tes prostitutions, au pays des marchands, chez les Chaldéens, et cette fois non plus, tu ne t’es pas rassasiée.

Ézéchiel – 16. 23/29.
(Histoire symbolique d’Israël).

* * * *

Il est un leitmotiv que nos vénérables ‘’dirigeants’’ entonnent sporadiquement selon les besoins du moment, et qui est celui d’améliorer le statut de la femme au sein de notre démocratie déjà exemplaire ; ladite amélioration consistant en l’établissement d’un quota obligatoire octroyant aux femmes 30% des sièges parlementaires, soit la présence assurée a la chambre de 38,4 femmes (ou plus plausiblement de 39 - galanterie oblige -), ceci en présumant que le chiffre global actuel de 128 députés demeure inchangé.

N’ayant pu accéder au pouvoir que par le ‘’droit’’ d’héritage d’un mari ou d’un frère défunt, ou grâce a l’appui d’un ‘’Don’’ bienveillant, nos quelques représentantes actuelles ne valent guère mieux que leurs homologues masculins ; il demeure cependant qu’en augmentant substantiellement leur nombre on multiplierait les chances de voir éclore de cette charmante assemblée une nouvelle Margaret Thatcher, une Indira Ghandi ou une Golda Meïr bien de chez nous, sinon une Simone Weil dans les expectations les plus modestes.

Et bien qu’elle ait intellectuellement damé le pion à Henry Kissinger, ex recteur d’Harvard, (de l‘aveu écrit de ce dernier), comment voudriez-vous que la mère Meïr puisse avec ses cheveux sommairement peignés, sa robe cousue par elle-même, et ses mocassins à semelles de crêpe, rivaliser avec nos fringantes poupées parlementaires siliconées par devant et liposucées par derrière, pour le plus grand orgueil de la nation.

Dans ma candeur d’idéaliste, j’ai toujours considéré que la démocratie fondamentale dépendait plus de l’Ecclésia que de la Boulê et que le peuple en constituait l’origine et le véhicule.

Voila pourquoi je serais curieux de savoir si les illustres réformateurs qui sont derrière cette ‘’généreuse’’ proposition ont pris en considération l’opinion de la franche majorité de la population Libanaise pour laquelle le statut de la femme ne dépasse toujours pas celui d’une ‘’monture’’ créée uniquement dans le but de procurer du plaisir a l’homme et d’en assurer la progéniture, puisqu’elle demeure de par la définition-même de son propre créateur, « de raison et de foi incomplètes », donc inférieure en touts points a l’homme qui peut (et se doit) de droit Divin, de la ‘’corriger’’ physiquement chaque fois qu’il en voit le nécessité, ‘’en observant cependant les règles de la retenue et de l’équité’’ .

Ô clémence Divine !

Mais laissons donc à Dieu le soin de récolter son dû comme bon lui semble, et contentons-nous plutôt de rendre à césar ce qui lui revient de droit.

Les Libanais, qui aiment a se croire les descendants de ces Phéniciens réputés le peuple le plus mercantile de l’Antiquité, en ont cependant gardé une prédilection innée pour les prélèvements, parts, dividendes, fragments et autres formes de prorata ; d’où leur système gouvernemental entièrement bâti autour d’un imbroglio de quotas aussi nombreuses qu’emberlificotées.

Il est donc dans l’ordre naturel des choses, qu’une nouvelle cote concernant la contribution féminine au gouvernement vienne s’ajouter aux quotas d’ordre confessionnel, sectaire, ethnique, politique et autres qui gèrent la vie sociopolitique des Libanais.

Mais là encore, une complication pointe déjà à l’horizon. !

Dû a des causes diverses dont notamment la guerre et l’immigration massive, des statistiques officieux donnent aujourd’hui les femmes comme largement majoritaires au Liban. (De 55% a 65% de la population) ; d’où l’injustice flagrante de ne leur octroyer que 30% des sièges parlementaires alors que les règles les plus élémentaires de la démocratie leurs donnent clairement droit au double.

Sale histoire quand même !!!

Après avoir étés accusés de Fascisme, d’antisémitisme, de féodalisme, de fondamentalisme, de fanatisme, d’obscurantisme, de terrorisme et j’en oublie, nous voici aujourd’hui en danger d’être taxés de sexisme.

* * * *

Adossé à un pan de mur entre la fin de l’avenue Saïfi et le début de la place des Martyrs, j’attendais patiemment le feu vert pour le passage des piétons, sans lequel la traversée de cette artère à circulation rapide serait un flirt délibéré avec la mort.

Et je me surpris à rire tout seul en repensant a l’engagement solennel (et écrit m’affirme-t-on) de ne démissionner du cabinet en aucun cas et sous aucun prétexte, que prirent sur eux-mêmes les ministres de notre nouveau ‘’gouvernement d’entente nationale’’.

En vérité je vous le dis : Ma verve demeure impuissante devant La violence des sentiments que soulève en moi cette absurdité inimaginable…

Retrouvant la réalité des choses, je me rendis compte de l’écoulement d’une bonne quinzaine de minutes au cours desquelles les feux de signalisation avaient plusieurs fois changé de couleur, sans pour cela avoir le moindre effet sur le rythme infernal de la file ininterrompue de véhicules de tous tonnages qui continuait à filer devant mes yeux a une cadence folle dans un bruit assourdissant.

C’est Ça mes agneaux ; foncez donc la tête la première ; foncez sans avoir d’égards pour rien ni personne et faites voir au monde entier de quelle pâte est pétri un Libanais ; vous ne pouvez pas savoir combien j’ai le cœur gros à vous regarder ; combien je suis fier de vous.

Brûlez donc vos feux rouges de même que vos forêts.
Polluez votre mer ; gâchez vos terres fertiles.
Incendiez vos villages et saccagez vos villes.
Vandalisez vos institutions et vos universités.
Vendez votre patrie et trahissez mille fois
Mais pour l’amour de Dieu, ne perdez pas la foi.

A part les quelques kilomètres restants entre Aïn-el-Mraïsseh et Ramlet-el Baïda, Beyrouth est en passe de devenir rapidement une ville interdite aux piétons.

Qu’à cela ne tienne.

TOZ !!!

* * * *

Elevez vos pleurs
De tristes mélopées
Emportent l’épaisse voile noire.
Vers des rivages ignorés du soleil.

Ô toi la mort.
Enfant de la terre.
Je t’en conjure d’aplanir le chemin.
Devant ce voyageur qui hâte le pas.
Vers la demeure du sommeil eternel.


Œdipus Colonaeus
Sophocles, 496 – 406 Av. J-C.

Ibrahim Tyan.

* Visitez : « les carnets du Beyrouthin »

Wednesday, August 20, 2008

La rupture et le mépris.


Beyrouth ne me manque plus depuis que j’ai cessé de me considérer d’elle, et elle de moi.

Comment en sommes-nous arrivés là ?

Je ne le sais (que trop) et ne veux pas le savoir.

Même que la langueur des vagues de cette Méditerranée ancestrale qui viennent de leur écume d’argent et de lumière caresser les rivages maudits d’Aïn-el-Mraïsseh, me ramènent désormais d’autres images où se mêlent les ombres de Médée la tragique, de Calypso l’ensorceleuse, et de l’émouvante Nausicaa, belle comme Artémis et qui porte avec une muette grandeur, la cruelle meurtrissure d’une passion sans espoir.

En aboutissement inexorable a la noire malédiction du père, Polynice à la tête d’une armée étrangère, franchit sous le regard scrutateur de Sophocle la septième porte de Thèbes, et partit glaive à la main, a la recherche de son frère Etéocle, tous deux fruits incestueux des amours interdits d’Oedipe et de Jocaste.

Eclairés par des flambeaux géants dans l’amphithéâtre immense, les jeunes filles et garçons du coryphée, tous de lin vêtus tels des colombes blanches, s’alignent en un demi-cercle parfait autour de leur roi debout, que deux esclaves en génuflexion achèvent de revêtir de pourpre et d’airain.

Du cœur de la nuit, les lamentations du chœur montent vers la voûte étoilée.

_ Ne te rends point a la septième porte ; nous t’en conjurons ô notre roi bien-aimé…

Monolithe statique, le noble Etéocle lève lentement le bras, et toutes les voix se taisent.

La vibration de son timbre grave vrille alors l’épais silence.

_ Si ma mort m’attend à la septième porte, j’irais moi-même à sa rencontre.

* * * *

De la devise ‘’connais-toi, toi-même, laisse le monde aux dieux’’ gravée sur le fronton du temple d’Apollon a Delphes, Socrate ne retint que ‘’connais-toi, toi-même’’, et fit pour cela figure de contestataire de par sa vénération pour ces dieux tout en avouant son ignorance a leur égard.

Mais ne vaut-il pas mieux une ignorance qui se connaît, qu’une ignorance qui s’ignore ? Et d’être en possession d’une science : celle de son ignorance, plutôt que d’être affligé selon Platon de ‘’double ignorance’’ par le fait de ne pas savoir, et de vivre dans l’illusion de son savoir ?

La connaissance et la maîtrise de soi ainsi que l’affranchissement des spéculations idéologiques et des explications théologiques demeurent les piliers essentiels de la pensée Socratique.

Depuis, que nous a-t-on servi de vraiment mieux ?

* * * *

Un organisme qui a définitivement et irrémédiablement perdu toutes les facultés nécessaires pour une existence saine et normale, voila ce qui est advenu du Liban d’aujourd’hui.

Dès 1948, les Libanaise sont partis pour se faire volontairement incuber du mal venu de part et d’autre de leurs frontières ; mais à quoi bon en parler puisque cela ne sert vraiment plus a rien.

Il n’existe pas de remède connu pour le SINDA (Syndrome Immunitaire National Déficient Acquis).

Alors restons stoïques et amusons-nous comme on le peut des futilités ordinaires des Libanais.

Chaque fois que je regarde Ziad Baroud sur la photo officielle qui réunit les membres du nouveau cabinet ministériel, un petit sourire presque attendri me vient aux lèvres.

Que fait donc ce petit jeune homme propret qui fleure bon l’USJ, et ‘’le garçon très bien’’ des années 1960, avec juste la touche nécessaire d’arrivisme pour faire de lui un lauréat plutôt qu’une crapule, au sein de cette horde de nécrophages ?

En se distançant en tapinois du ‘’Mouvement de Renouveau Démocratique’’ pour se positionner tout aussi discrètement dans le camp du ‘’wonderful’’ centurion sur le retour, Ziad a décroché le gros lot sous la forme du portefeuille ‘’souverain’’ de l’intérieur.

Hélas, mille fois hélas !
It’s too little too late.
Much too little and much too late…

Infiniment moins sympa est le cas du bébé-éprouvette miracle du Tayyar qui, fidèle a la pensée inexistante de son parti, inaugura son mandat au ministère des télécommunications par le ferme engagement (émis bien entendu sans l’ombre de la moindre étude préliminaire) de réduire immédiatement et drastiquement les tarifs aberrants que le Libanais paye sur l’utilisation de son portable.

Sanioura (le vicelard) le laissa suffisamment s’enliser dans ses promesses publiques avant de lui balancer a la figure le relevé général des revenus de l’état dont les perceptions sur le portable représentent presque les 42% de la totalité desdits revenus. (Preuve terrible du fiasco économique Libanais…mais ça, c’est une autre histoire).

_ Maintenant que tu sais tout mon grand, libre a toi de faire ce que bon te semble ; mais lorsque dû a tes ‘’réformes’’ nous ne pourrions plus régler les soldes de l’armée et des FSI, il sera de mon devoir d’en révéler les causes et de dénoncer publiquement les responsables.

Et VLAN !

* * * *

Il est une phrase de Jean-Luc Godard qui me revient constamment ces jours-ci : «Si vous n'aimez pas la mer, si vous n'aimez pas la montagne, si vous n'aimez pas la ville... allez vous faire foutre !»

Ibrahim Tyan

* Visitez : Les carnets du Beyrouthin

Wednesday, August 6, 2008

Indépendance 08



Lettres du Liban remercie de tout cœur Sixtine, Kheireddine, Frenchy et Cédric qui ont eu la délicatesse de lui exprimer leurs vœux de bonnes vacances sur le forum ainsi qu’a ceux qui l’ont fait par e-mail ; de même qu’aux lecteurs assidus de ce blog.
A eux tous, ce texte est dédié.

* * * *

Entre l’écoulement de la première phase des vacances, et dans l’attente d’entamer incessamment la seconde, quoi de plus naturel pour le vieux Beyrouthin désabusé que de reprendre l’espace de quelques heures les chemins de sa vieille ville jadis adorée, et dont les réminiscences dans sa mémoire n’en finissent plus de mourir.

L’imagination débridée aidant, l’idée de cet article inhabituel dont les illustrations forment le corps principal le frappa en plein chemin ; mais d’une part, n’ayant point l’habitude de se balader avec son Sony cyber-shot pendu autour du cou, et de l’autre étant sévèrement limité par le temps, il ne lui restait plus qu’à avoir recours aux modestes capacités photographiques de son portable qui ne répondent en aucune façon aux ambitions artistiques de l’operateur.


* EN ROUTE.




Il est de cela une bonne décennie que la municipalité du littoral du Metn érigea à l’ endroit d’un terrain vague situé place de la Sagesse, un coquet petit jardin public ; initiative que je saluais à l’époque avec joie et enthousiasme.



Quelques semaines seulement après son inauguration, le jardin fut refermé, et ses portes demeurèrent jusqu'à ce jour, plus obstinément scellées que celles de la justice Kafkaïenne.

Explication d’un ‘’responsable’’
_ C’était la seule solution pour le préserver du vandalisme !



Sur mon chemin, le Christ recrucifié sur le toit d’un établissement spécialisé dans le commerce de gris-gris, talismans, fétiches, amulettes, et autres totems et tabous…



…de même que sur la croisée des chemins entre Dora et Mar Youssef, recrucifié cette fois-ci par les bons soins de la municipalité.



Qui a donc décidé de cette tour-horloge mastoc, mélange baroque et malencontreux qui se veut ‘’renaissance Italienne’’ et qui détonne péniblement avec son environnement, sans parler de la disproportion entre sa massive laideur et l’exigüité de la place de New-Jdeidé ?



Être honoré de son vivant est une chose, et se voir rebaptisé du nom (Anglais de surplus) du huitième mois du calendrier Grégorien en est une autre.

* TERMINUS ; TOUT LE MONDE DESCEND A AÏN-EL-MRAÏSSEH.



!!! يا ماما
C’est quoi ça ???

Une laitue génétiquement modifiée, ou une cactée préhistorique pétrifiée ?

Nenni gentes Dames et gentils Messieurs ; tout juste un « mémorial » que les esthètes Libanais ont érigé à l’endroit même où le grand homme nous quitta pour un monde meilleur.



A quelques pas de la ‘’laitue’’, une stèle métallique invraisemblable…



…et Abou-Bahaa’ en personne, sur gazon.

Ne s’est-il donc point trouvé parmi tous ces Rodin du Dimanche une seule personne sensée pour leur rappeler qu’une statue perds la presque totalité de son impact dramatique lorsqu’elle elle est posée sans SOCLE, dut-elle être celle du David de Michel-Ange ?



Et qu’en réunissant dans un même plan la statue de l’homme avec une stèle insensée quatre fois plus grande, le sujet principal (Hariri) se retrouve écrasé jusqu’à l’effacement, dans une des utilisations les plus stupides de l’espace scénique que j’aie jamais vu. ?



Et qu’un carrelage d’une affreuse céramique bleue style ouatères publiques, couronné par une classique balustrade Villandry en pierre, atteint des summums de vulgarité dissonante ?



Pour couronner le tout, le sol revêtu de sordides dalles en béton imitation brique…
Il est aussi important de mentionner que parmi ses innombrables aspects ‘’artistiques et culturels’’, ce monument a aussi l’avantage d’avoir des capacités Audio : discours, chansons, musique et ‘’zajal’’ sont diffusés a longueur de journée pour accentuer l’aspect ‘’Disneyland’’ de l’affaire..

Mon pauvre Abou Bahaa’. Tu mérites mieux que ça.



En comparaison, et malgré la négligence, la végétation qui l’étouffe et la terre non revêtue sur laquelle elle repose, la sobriété majestueuse de la statue de Riyad el Solh se dresse, vestige d’une autre époque, d’autres critères et d’autres conceptions.
D’un autre Liban.



Cependant, un symbolisme terrible et certes non voulu par les auteurs, se dégage puissamment du site commémoratif d’Aïn-el-Mraïsseh :

_ La confrontation silencieuse qui continue entre l’hôtel défunt et l’homme qui n’est plus.

* EN CHEMIN DE RETOUR.



Le pèlerinage inévitable.



Le vent du Khalij.
Combien de pauvres filles de joie Libanaises sont-elles destinées à être avilies, brutalisées ou même égorgées impunément entre les murs de ces appartements de luxe ?




Une agréable surprise !
Dans les avenues derrière le centre STARCO, un petit coin de paradis, grand comme un mouchoir de poche.
Serait-ce la solution de SOLIDERE pour le problème de déboisement du Liban ?



Mais trêve de jérémiades et gémissements absurdes.
ما بقا تحرز

Alea jacta est, et le raz-de-marée divin a déjà tout englouti.

Pour les Libanais qui continuent à se remplir la panse et faire la fête, inconscients de leur destin définitivement scellé, je propose cette célèbre ritournelle légèrement modifiée pour peupler joyeusement leurs soirées de beuveries orgiaques:

Ah, ah, a la queue leu-leu
Ah, ah, a la queue leu-leu
Ah, ah, a la queue leu-leu
Tout l’monde a l’abattoir
A la queue leu-leu.

Ibrahim Tyan.

Visitez : « Les carnets du Beyrouthin ».

Wednesday, July 9, 2008

Valises souveraines et sagesse bon marché.



La désignation (?) de quatre portefeuilles spécifiques (en l’occurrence l’intérieur, la défense, les finances et les affaires étrangères) comme étant des ministères ‘’souverains’’, stipule conséquemment que les dix-neuf valises restantes au cabinet, ne le sont point.

Arithmétique ; ?مش هيك يا حمار

Ergo, les portefeuilles de ‘’seconde zone’’ (parce que non-souverains), tels ceux de la justice, de l’éducation nationale, de l’agriculture, de l’industrie ou de la santé publique, sont généralement octroyés en guise de dédommagement aux ‘’alliés’’ ou en lots de consolation pour les ‘’perdants’’.

Restent les ministères-dérision (et dérisoires) qui ne servent qu’à valoriser numériquement un front (une clique) ou un rassemblement (un ramassis), tels les portefeuilles de la culture, de la reforme administrative, de la jeunesse et des sports, et de l’environnement.

Imaginez-un candidat Libanais se présentant aux législatives avec un programme électoral écolo !!!!!!!


Voir au beau milieu du Masjed-el-Haram, la fontaine de Zamzam débiter du Dom Pérignon demeure une perspective bien plus envisageable.

Pour en revenir a ‘’l’état’’ Libanais et ses quatre portefeuilles ‘’souverains’’, la définition de la souveraineté étatique donnée par le Grand Littré est partiellement reproduite dans le fragment qui suit :

…‘’Souveraineté (de l'État). Qualité propre à l'État qui possède le pouvoir suprême impliquant l'exclusivité de la compétence sur le territoire national (souveraineté interne) et sur le plan international, l'indépendance vis-à-vis des puissances étrangères (limitée par les conventions ou par le droit international) ainsi que la plénitude des compétences internationales (souveraineté externe); pouvoir politique suprême dont jouit l'État.’’…/…

Wouahhahahahahahahaha ! (larmes)…

A la ‘’lumière’’ de notre réalité, ce texte acquiert soudain des intonations du plus haut burlesque, chose qui ne figurait certes pas parmi les intentions du très sérieux référent.

* * * *

L’éminent érudit et chroniqueur Arabe Abu Uthman Amr ibn Bahr al-Kinani al-Fuqaimi al-Basri, dit Al-Jahiz rapporte ce brin de conversation entre Haroun el Rachid, le calife Abbasside le plus connu et le plus flamboyant de tous les temps, et un farouche bédouin du désert.

Le bédouin : Haroun, si jamais tu te retrouves seul, perdu dans le désert sans eau ni vivres ; au troisième jour, sentant ta fin proche, ne donnerais-tu pas ton règne et ta fortune pour un verre d’eau qui te maintiendrait en vie ?

Haroun : Je le ferais.

Le bédouin : Et si l’ayant bue, cette eau s’est retrouvée retenue dans ton corps de façon a ce que tu ne puisses pas l’évacuer ; elle stagne dans tes reins, croupit dans tes veines, et se transforme en un poison qui te tue ; ne donnerais –tu pas ton règne et ta fortune pour pouvoir t’en débarrasser ?

Haroun : Je le ferais.

Le bédouin : Alors ton règne et ta fortune valent exactement le prix d’une gorgée d’eau et d’une giclée de pisse.

Ibrahim Tyan.



« Lettres du Liban » qui part en vacances et sera de retour aux environs de Septembre souhaite a tous ses amis et visiteurs, ainsi qu’à ce Liban au calvaire interminable, un été tranquille et sans problèmes.

* Visitez, les « carnets du Beyrouthin »

Sunday, June 22, 2008

E la nave va *




* Alla memoria di Federico; più grande fra i grandi.


l’endroit n’avait guère changé d’aspect, si ce n’était l’imperceptible patine laissée par le temps sur les lambris de bois, de marbre, de stuc et de cristal, leur conférant ce lustre particulier aux belles vieilleries bien entretenues qui rappellent les années insouciantes de l’ancien Beyrouth, évaporées depuis longtemps dans les couloirs insondables de l’inextinguible néant.

Attablé en compagnie de mon vieil ami Béchir a la terrasse vitrée de l’élégant bar/club Anglais situé au roof du havre feutré et quintuplement étoilé qui fleurait bon le charme délicieusement trouble d’une bourgeoisie libanaise d’avant les temps du pétrodollar, je contemplais le panorama incomparable de cette Méditerranée vue d’en haut, ( privilège désormais réservé aux Libanais riches et aux ouvriers Syriens sur les chantiers de Solidere-sur-mer), et qui étendait a perte de vue sa vibrante enclume bleue sous le marteau implacable du soleil de Juin.

La présence de l’ami Béchir à Beyrouth est une aubaine et une occasion pour calibrer et peaufiner ce qui s’était transformé avec le temps en une sorte de dialogue-fleuve Homérique sur internet, tenu avec la rigueur de la véridicité et le tranchant d’un intellectualisme aussi éclectique que tridistillé.

Ainsi donc, morts et vivants, de Milan Kundera a Orson Wells et d’Ismail Kadare a Terry Gilliam en passant par Robert Musil, John Ford, Marguerite Duras, Wolfgang Amadeus Mozart, Stanley Kubrick et Omar Khayyâm, une pléiade des fleurons de la civilisation universelle défila a notre table sur les veloutes bleues des cigarettes, le bouquet revigorant de la bière glacée, et les amitiés devant lesquelles le temps impuissant, rentre ses serres et fait patte de velours

* * * *

Puerto Rico you ugly island
Island of tropic diseases
always the hurricanes blowing
Always the population growing
and the money owing
and the babies crying
And the bullets flying…

_ (Extrait du numéro : ‘’America’’ dans la pièce musicale de Broadway : ‘’West Side Story’’ (1957), paroles de Stephen Sondheim).

Si l’on remplace dans le texte ci-haut mentionné, les deux calamités naturelles que sont les cyclones et les maladies tropicales par deux de nos malheurs locaux et acquis qui sont les différends religieux et la corruption rampante, on obtiendrait une description assez fidele de ce nouvel enfer bananier Méditerranéen appelé Loubnan.

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De retour une fois de plus a ‘’Lawrence of Arabia’’ l’épopée cinématographique de David Lean, il est une scène où ‘’Auda Abu Tayi’’, bandit de grands chemins de son état et ex-mercenaire a la solde des Turcs, (jusqu’au jour où il découvrit que le Golden Sovereign Britannique valait bien plus sur le marché que la livre-or ‘’Osmalli’’), vint donc retrouver Lawrence vers la fin de leur campagne victorieuse contre l’occupant Ottoman.

_ Orenz, grogna-t-il, bientôt les combats cesseront et tout le monde rentrera chez soi.

_ Tu dois être bien content Auda de voir ton pays enfin Libéré...

_ Je m’en fous de cela Orenz ; la seule chose qui m’inquiète c’est de ne point pouvoir rentrer chez moi avec un butin ‘’honorable’’… Mon prestige auprès des miens en souffrirait.

…Et notre caduc ‘’Don’’ usagé, blasé et sevré d’’’honneurs’’ et de biens terrestres, qui ne veut plus rien pour lui ; (mais alors rien du tout) ; sauf un beau gros ministère bien juteux ‘’qui serait convenable’’ pour son rejeton.

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لماذا يستخرينا زعماؤنا ؟
_ لاْننا شعب خريوات


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" Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel vient à s'affadir, avec quoi le salera-t-on ? Il n'est plus bon à rien qu'à être jeté dehors et foulé aux pieds par les gens. " (Mt 5, 13-16).

Dans un pays moribond et irréversiblement désarticulé, qui persévère dans une sorte de délectation morbide à s’autodétruire a force de stratégies socio-politico-économiques aberrantes, les raisons véritables de ce comportement suicidaire sont loin d’être facilement explicables et vont bien au-delà de l’incapacité, de la corruption ou de la pure félonie, pour remettre en cause la nature véritable de l’essence même d’un peuple, avec tout ce que cette perspective comporte de troublant, voire d'effrayant.

D’où l’opposition sauvage des Libanais a toute forme d’« Indagine su un cittadino al di sopra di ogni sospetto », de laquelle la plupart d’entre eux, du sommet de la pyramide jusqu’aux bas-fonds les plus ténébreux, ne sortiront pas indemnes.

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En 1860, le philosophe, philologue, historien et écrivain Français Ernest Renan effectua dans le cadre d’une expédition archéologique Française un long séjour au Liban où il résida notamment dans la région d’Amchit (village natal de notre nouveau Mr. Wonderful ).

Chercheur insatiable, Béchir Oubary rapporte sur son site « Heuristiques Libanaises » en date du 5 Janvier 2007, un fragment d’une lettre adressée de Beyrouth par Ernest Renan a son ami Berthelot, et que je reproduis intégralement dans le paragraphe qui suivra.



Extrait d’une lettre d’Ernest Renan a Berthelot.

Beyrouth, le 9 Novembre 1860.

Mon cher ami,

"Si vous voulez voir une nature dont rien ne peut égaler le charme, une mer admirable, un ciel incomparable, des montagnes les plus belles du monde, une race hideuse au milieu de laquelle émergent des types délicieux, une société arrivée au dernier degré de désorganisation où l'on puisse descendre avant d'atteindre l'état sauvage, venez ici..."



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En attendant (?) ; se déroule aujourd’hui même a la place des Martyrs une cérémonie grandiose pour la totemisation, (Oops, mille fois pardon gentes Dames et gentils Messieurs, je voulais dire: la ‘’Béatification’’) d’un certain père Yacoub ; ce qui constitue une promotion majeure dans l’hiérarchie céleste, et une etape principale sur le chemin d’être ‘’canonné’’ saint a part entière.

En l’occurrence, une massive overdose de ce que l’illustre doctrinaire appelait du haut de sa barbe fleurie : ‘’ L’opium des peuples ‘’.

A eux donc l'extase des paradis artificiels, et a moi de vaquer à ce qui me reste de mieux à faire et qui ait encore quelque signification:



Ibrahim Tyan.

* Visitez : « Les carnets du Beyrouthin »