Thursday, October 25, 2007

La république Bouss - el - Wawa.



> Ce qu'il faut surtout pour la paix, c'est la compréhension des peuples. Les régimes, nous savons que c'est : Des choses qui passent. Mais les peuples ne passent pas.
Charles De Gaulle.
Extrait d'un Discours à Dunkerque - Septembre 1959

* * * *

La tolérance du bon roi des Français Henri IV (1553-1610) ainsi que sa conversion du Protestantisme au Catholicisme pour le bien du pays, mit fin à la guerre civile entre les Français.

Sa verve de libre-penseur humaniste apparaît dans la magnifique boutade qu’on lui attribue, lorsqu’à la veille de son couronnement à la cathédrale de Chartres, il déclara à sa maitresse Gabrielle d’Estrées : Paris vaut bien une messe.

Mais c’est surtout sa nature généreuse qui transparaît dans sa non moins fameuse citation, désarmante de justesse et de simplicité : Je veux qu'il n'y ait si pauvre paysan en mon royaume qui ne puisse mettre tous les dimanches sur sa table une poule au pot.

L’assassinat de ce monarque altruiste et tolérant en 1610 par un François Ravaillac, Catholique fervent et jésuite fanatique, se place dans la ligne évidente des choses.

* * * *

> Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est pour le peuple le plus sacré et le plus indispensable des devoirs.
Robespierre.
Extrait de : lettre à la convention nationale.

* * * *

Depuis l’aube de son indépendance, le Liban doit tout à son peuple et presque rien aux gouvernements qui s’y sont succédés. C’est uniquement grâce à son initiative personnelle que le Libanais est parvenu à accéder avant l’éclatement de la sale guerre en 1975, à un niveau économique, culturel et social tel, que les habitants des plus prestigieuses métropoles de la planète lui enviaient.

A plus forte raison ses nombreux ‘’frères’’ et certains ennemis outre-frontière.

Mais de toujours, son adversaire mortel à été (et demeure) LE SYSTÈME LIBANAIS en lui-même, défendu jalousement par les ‘’autorités’’ successives qui ‘’dirigèrent’’ le pays, et qui se ressemblaient tous, comme se ressemblent les maillons d’une unique chaîne, faite pour retenir, entraver, empêcher et étouffer tout espoir de voir le Libanais accéder un jour à un régime meilleur.

Aujourd’hui, SE. Fouad Sanioura apparaît souvent à la télévision pour étaler (modestement) sa suffisance de white collar et tenir au Libanais moyen (de plus en plus illettré) un discours fallacieux et pseudo technique digne du plus petit broker charlatan de Wall Street, où il n’est question que de banque Mondiale, de conférences Internationales pour l’aide au Liban, de balance de paiements, de taux d’intérêt et d’indice de croissance.

Indice de croissance indeed !

_ Allez donc expliquer cela à un pauvre hère qui n’arrive pas à comprendre pourquoi l’huile d’olive, le citron, la tomate, les concombres, la botte de menthe fraîche et autres ingrédients nécessaires pour la confection d’un modeste plat de ‘’Fattouche’’ lui sont désormais rendues inaccessibles.

_ Ou pourquoi en l’espace d’un mois, les prix sur les étagères des hypermarchés ont augmenté de 40%.

_ Ou encore à l’auteur de ces lignes, obligé de se fendre avec ses voisins, d’une importante somme, pour le creusement d’un puits artésien afin d’assurer l’approvisionnement de leur immeuble en eau courante, avec toutes les dépenses supplémentaires en permis, certificats, filtres, entretien et examens labo réguliers que cette démarche implique.

Ce n’est qu’en occupant une suite au Ritz qu’on verra sa douche matinale revenir à plus cher.

_ Ensuite de consacrer un autre budget pour l’achat des six grandes jarres hebdomadaires d’eau minérale, nécessaires à sa subsistance et celle des membres de sa famille.

Et de recevoir en fin de compte la facture bleue de la compagnie Libanaise des eaux, lui réclamant candidement de payer sa cotisation.
…Qu’il va payer sans doute, comme il paie celle de la compagnie d’électricité du Liban malgré le rationnement, les pannes, les misères, la facturation illogique et exorbitante du kWh, et la présence d’un générateur privé en bas de l’immeuble ; ainsi que sa taxe de TVA et toutes les autres taxes que son gouvernement juge bon de lui infliger.

En ceci il ne diffère guère du reste des Libanais, qui paient tous, rubis sur l’ongle.

Et s’ils ne comprennent pas tous le fonctionnement du système fiscal et le rôle capital qu’il joue dans la structure économique et sociale d’un état moderne, il ne leur est point nécessaire d’être des Adam Smith pour deviner que les taxes, impôts et autres prélèvements gouvernementaux, constituent au Liban une sorte de RANÇON que Le citoyen (ou plus justement dit : le ressortissant) verse aux autorités, tels à un maître-chanteur ou à une mafia, pour ne plus les avoir sur le dos et de pouvoir ainsi vaquer à ses propres occupations EN PAIX.

C’est là la seule retombée positive que le Libanais récolte en contrepartie du paiement de ses impôts ; mais c’est toujours ça de gagné.

De tout temps, le fossé à existé au Liban entre les autorités et le peuple ; mais jamais comme depuis l’avènement de SE. Rafic Hariri, où l’on vit la somme totale du peuple libanais, reléguée au rang d’entité abstraite dans les livres de compte du grand bienfaiteur.

Le souvenir est encore présent du jour où le Grand Homme rassura publiquement un Elias Hraoui saisi par un faible soubresaut de scrupules, par les mots suivants : La vie progresse, le travail progresse et le pays progresse ; soyez-en sans crainte Monsieur le Président.

De quel progrès parlait-il donc ?

De celui qui catapulta sa fortune personnelle de $. 3 milliards env. à plus de $. 16 milliards en l’espace de quelques années pardi.

* * * *

> L’argent, ah ! Fléau des humains.
Sophocle.

Comme les Chrétiens ont leur Bon Dieu, les Musulmans leur Allah et les juifs leur Yahvé, moi j’ai mon Beyrouth et Solidere ne me le remplacera jamais.

L’ancien et merveilleux cœur de Beyrouth est mort sous les bombes depuis longtemps ; mais il aurait pu se remettre à battre, plus vif et plus fort qu’avant, s’il n’avait été étouffé par l’indescriptible rapacité ignare du requin qui s’est approprié de force la perle du Levant pour en faire une sorte de ghetto de luxe sans aucun lien spatial ou temporel avec le pays qui l’entoure.

Debout au milieu de Beyrouth, devant les locaux d’An-Nahar en cette resplendissante journée d’Octobre, j’observais pensivement la statue des Martyrs.

Jadis érigée fièrement au centre de la place, je la retrouve aujourd’hui misérablement coincée dans un recoin situé entre deux avenues à circulation rapide, ce qui lui fait perdre totalement sa fonction symbolique : celle de signaler un point fort de la cité, dans une ville de plus en plus dépouillée de tout repère urbain.

Derrière moi, j’entendis les gardes de corps et autres ‘’security Guards’’ qui pullulent constamment autour de l’immeuble du Nahar et du parking adjacent rigoler grassement autour d’une rutilante Mercedes noire arrêtée devant l’entrée de l’immeuble.

Saisi de curiosité, je m’approchais mine de rien pour découvrir un de leurs ‘’collègues’’ juché derrière le volant qui se marrait comme un gaulois tandis qu’à travers les haut-parleurs de bord la pulpeuse Haïfa orgasmait : Bouss el Wawa !

Vraisemblablement notre prochain hymne national.

Ibrahim Tyan.

Ps. Pour les lecteurs qui ne parlent pas l'Arabe: Bouss-el-Wawa = Embrasse mon bobo.

* Visitez « Les carnets du Beyrouthin »

12 comments:

  1. Je vous saurais gré de traduire le titre de la chanson dont vous faites référence dans votre article.
    Encore merci pour vos analyses passionnantes de la situation politique libanaise. Liban que je méconnais totalement mais qui me fascine, allez savoir pourquoi !

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  2. Hello Chris

    Merci pour votre appréciation

    Vous dites que le Liban que vous ne connaissez pas vous fascine ; ici de même, et je n’en connais pas plus long que vous.…
    Mais il semble qu’une certaine magie indéfinissable émane de ce pays qui à été célébrée même dans l’ancien testament :

    « Viens di Liban ma fiancée
    Viens du Liban fait ton entrée
    Abaisse tes regards des cimes de l’Amana
    Des cimes de Sanir et de l’Hermon
    Repaire des lions
    Montagne des léopards »

    _ Le cantique des cantiques / Poème 3.

    Pour terminer

    Bouss-el-Wawa = Embrasse mon bobo

    ;)

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  3. A toi aussi, Ami, bon week-end.
    Besos,
    Sixt'

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  4. Le temps de l'affairisme cèdera t-il sa place au temps du nationalisme ou plutôt du national-libanisme ??? J'allume un cierge.

    Le Beyrouth d'autrefois, cette place des martyrs bondées de monde, fourmillière des 4 saisons a cédé la place à une avenue hideuse et sans vie.
    En voulant estampiller son oeuvre, il a étaler son ignorance de l'histoire du centre névralgique du Liban. Quel gâchis.
    Amitiés Ibrahim et bonne semaine.

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  5. A mon tour de te souhaiter un début de semaine triomphal chère Sixt’

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  6. Bonjour Araadon.

    Les conversations entre Charles de Gaulle et François Mauriac sont mémorables, et j’ai vu François Mitterrand damer le pion à Bernard Pivot sur Nietzche.

    Dans le Liban d’aujourd’hui où règne le matérialisme le plus abject, la culture est objet de mépris et de dérision.

    La formule diabolique :

    Argent + pouvoir + ignorance = catastrophe garantie.

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  7. Je vous rejoins Ibrahim et Aaradon, quel gachis! En effet, le vieux Beyrouth aurait pu être ressuscité, on a trop démoli et laissez-moi vous dire quelque chose, cette énorme mosquée au style ottoman m'agace. J'aurais aimé que le 'bâtisseur du nouveau Liban' soit laïc. Je regardais hier es photos de Zeitouneh, quelle horreur, il n'en reste rien. Déjà le Hilton détonnait en 1975 avec les batiments au style ottoman ou Art Déco qui l'entouraient. On a rasé le tout pour faire un marina et construire des tours sans âme, inabordables pour 99.99% des Beyrouthins. Le grand bienfaiteur bien que de modeste extraction, n'avait aucune vision sociale. Le Liban aurait dû investir dans les années d'après guerre dans les industries légères et dans la haute technologie au lieu de bâtir à grand frais ce centre-ville artificiel qui est, comme tu l'as si bien dit, Ibrahim, sans aucun lien spatial ou temporel avec le pays qui l’entoure.

    Tiens, Haïfa est passé par Montréal vendredi...à $185 le billet, je m'en suis passé de son wawa et de son public débile.

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  8. Bonjour Kheir.

    Pour ce qui est de la mosquée, c’est pour l’éternité, car toucher à une pierre d’une ‘’demeure de Dieu’’ est une impossibilité au Liban même pour Dieu lui-même.

    Mais si jamais les Etats-Unis décident d’élire par exemple leur ambassade à son endroit, les bulldozers n’en feraient qu’une bouchée.

    Il faut que tu viennes un jour à Beyrouth pour constater ‘’de visu’’ ce que ces iconoclastes ont fait de Zeitouné et surtout de l’hôtel St Georges cerné, étouffé de toute part et réduit à l'état de mort-vivant pour avoir osé tenir tète à l’hydre capitaliste.

    Prochainement à leur programme : La rue de Phénicie.

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  9. La semaine commence sous la pluie......
    Cela dit, l'idée de la douche au Ritz me plait bien... Tu crois que pour le prix je peux emporter le peignoir ? rireeeeeeeeeeeeee
    Je fini mon thé et ma clope et je file à la douche (pas celle du dit palace).
    A tout bientôt, besos,

    Sixt'

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  10. Hahaha! Sacrée Sixt’

    Les peignoirs et les serviettes dans les grands palaces sont faits pour être emportés, et vous auriez tort de ne pas le faire car ils sont déjà inclus dans la facture.

    Il est 9H du mat’ ici, et il fait un temps splendide. Je suis rasé, douché, et j’ai fini mon café ‘’super strong’’ et fumé mes 2 clopes matinales.

    Je file maintenant au club pour exercer mon activité préférée de pétrisseur de cellulite breveté.

    Big big hug and have a super day.

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  11. hello tous

    je vous ai cité cher Ibrahim dans un billet de global voices :)

    a bientot

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  12. J’en suis agréablement surpris et obligé mon cher Frenchy.

    Si vous ne me l’aviez pas appris je ne l’aurais jamais su car ma vie se déroule ces jours-ci au rythme que j’espère temporaire de boulot-métro-dodo.

    Je ne fais plus (à regret) le tour de la blogosphère comme avant, et je consacre le peu de temps libre dont je dispose à l’écriture de quelques pensées que je publie sur mon blog et de répondre aux commentaires des visiteurs et amis

    Bravo pour votre présence ainsi que celui de la belle et talentueuse M-J (que je salue en passant) sur Global Voices que je ne connaissais pas ; mais qui m’a semblé être, d’après la visite que j’y ai effectué grâce à votre aimable note, un repère très important.

    J’en suis fier et ravi car vous le méritez amplement.

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