Tuesday, April 10, 2007

Les carnets du Beyrouthin ( II ).



OMBRES ET VISAGES.


Hier encore, l’opinion était unanime que la guerre au Vietnam qui dura de 1959 à 1975 s’était soldée par une défaite cuisante des Etats-Unis.

Aujourd’hui, cette vérité à ses contestataires qui affirment, preuves à l’appui, que le but principal des USA à été largement atteint en estropiant quasi définitivement non seulement le Vietnam mais également le Laos, le Cambodge et d’une certaine manière la Thaïlande les rendant ainsi incapables de se joindre au puissant élan des autres « Tigres » Asiatiques, que l’économie Américaine redoute tant.

En juillet 2006, Israël déclara sans ambiguïté son intention de faire basculer le Liban de vingt ans en arrière. S’en suivit une campagne militaire meurtrière dans laquelle l’armée de l’air Israélienne s’acharna sans pitié sur le pays, causant des pertes effroyables allant de l’infrastructure aux habitations et vies civiles ; mais surtout, en laissant derrière elle un million de sans abris et au bas mot, un million de grenades anti personnel qui parsèment champs et forêts du Sud et du Centre du pays les rendant ainsi littéralement inutilisables.

Devant un tel palmarès, la résistance pourtant héroïque du Hizbollah qui mit en échec toutes les tentatives Israéliennes de percée terrestre dans le Sud, se trouva réduite à l’état d’un Bravado au prix exorbitant ; surtout après le dénigrement criminel de certains Libanais pour cette action d’éclat dont les remous continuent à secouer les fondements mêmes de l’état Hébreu jusqu’à ce jour.

Il est d’amères victoires !

Encore plus amères étaient mes pensées en traversant ce matin même au petit trot la lisière du centre de Beyrouth appelé jadis uniformément Place des Canons ou Place des Martyrs.

Il demeure qu’avant la guerre civile, cette vaste superficie était divisée en deux places historiques bien distinctes ; la première étant la Place Debbas, que l’avènement de SOLIDERE fit complètement disparaître depuis, et qui débouchait directement sur la Place des Martyrs elle-même rebaptisée officieusement du titre pompeux de ‘ Place de la Liberté ‘ par la clique du 14 Mars et que j’appelle personnellement depuis quelque temps, la Place du Saint-Sépulcre.

Que voulez-vous, je suis un iconoclaste incorrigible !

Elle était pourtant bien belle ma Place des Martyrs d’avant guerre avec ses palmiers centenaires, son horloge parlante fleurie, ses beaux édifices historiques et la grande bâtisse blanche de style colonial qui abritait les anciens bureaux de la sûreté générale, et qui cachait derrière sa masse imposante les ruelles ‘ chaudes ‘ de la ville bardées de maisons closes dans le plus pur style d’Amsterdam, où, vu leur proximité avec mon collège, j’eus la chance inouïe d'y faire mes premières armes à un age très précoce avec des filles de grand cœur qui valaient de loin moult bourgeoise respectable que je connus depuis.

Comme cette belle et plantureuse « Sabah » qui, une fois sur deux m’accordait ses faveurs ‘ à l’œil ‘ ; sans doute pour avoir éveillé en elle un vague sentiment maternel. Ce qui ne l’empêcha pas de me refiler un beau jour les morpions, ce qui m’empoisonna l’existence jusqu’à ce qu’un clément dermatologue m’en débarrasse.

Mais la merveille des merveilles était à l’Ouest de la place où par des bouches sombres et d’escaliers de vieilles pierres on accédait à toute une ville souterraine faite d’interminables labyrinthes de couloirs centenaires éclairés de jour par des bulbes électriques jaunâtres : Les Souks.

Tour à tour dans ces dédales se succédaient les marchés de poissons, volailles, fromages, confiseries, épices, encens, soieries et parfums ; mais surtout le Souk de l’or et des bijoutiers, véritable caverne d’Ali Baba protégé après l’heure de fermeture par d’immenses portails séculaires de bronze.

Avec l’avènement de Rafic Hariri en 1992 et les milliards ne manquant pas, j’avais espéré en une restauration amoureuse et patiente qui redonnerait tout son cachet et sa splendeur à ma belle vieille ville, comme c’aurait été le cas chez toute nation qui se respecte. Mais dans ma candeur, j’avais compté sans la cupidité et la rapacité des hommes d’argent qui, pour gonfler leur pécule, saccagèrent et vandalisèrent ma ville pire que les mercenaires d’antan, rasant au bulldozer mon patrimoine, ma jeunesse et ma mémoire, dans la plus vaste opération d’escroquerie, d’usurpation et de piraterie légale que le pays ait jamais vu.

Apres cela, il n’est plus difficile de comprendre pourquoi je n’éprouve envers SOLIDERE aucun sentiment de solidarité.

Heureusement qu’il me reste mon ciel, mon soleil et ma mer.

Assis sur mon banc favori face à la Méditerranée qui venait lécher langoureusement la côte de Aïn-el-Mraïsseh, je devisais tranquillement avec mon cafetier préféré et néanmoins ami, Hajj Abou Ragheb qui avait aujourd’hui un peu de temps libre pour moi.

Tu m’affirmes (Dieu te pardonne) que le Paradis n’existe pas, me dit le Hajj ; Mais je sens que tu es un homme de Bien, cependant Ibliss (le mille fois damné) t’a embrouillé les idées. Mais lorsque tu te présenteras (après longue vie) devant Allah et son Prophète, tu seras tellement saisi de repentir devant leur splendeur, leur sagesse et leur clémence infinies que tu te convertiras immédiatement à l’Islam et entreras au Paradis.

Cher Abou Ragheb, dans le fond, tu ne sais pas combien tu me ressembles.

Toi aussi à ta façon, tu es un irréductible !

Ibrahim Tyan.

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