Wednesday, November 28, 2007

Le banc des fantômes.



…Il est vrai que parfois
Près du soir les oiseaux
Ressemblent à des vagues
Et les vagues aux oiseaux
Et les hommes aux rires
Et les rires aux sanglots

Il est vrai que souvent
La mer se désenchante
Je veux dire en cela
Qu'elle chante d'autres chants
Que ceux que la mer chante
Dans les livres d’enfants…


Jacques Brel. / La ville s’endormait.


Lorsque le grand Jacques écrivit ces lignes, le cancer lui avait déjà rongé un poumon et menaçait de lui corroder l’autre. Chez l’homme, l’étincelle moribonde de la vie biologique finit par s’éteindre, mais le rayonnement de l’esprit lui subsista, traversant l’espace et le temps bien après son départ, pour illuminer en cette soirée d’automne, ces modestes pages d’un illustre inconnu dans un pays lointain, au cours d’un autre siècle.

Cela s’appelle l’immortalité.

Il est des morts plus vivants que les vivants, et des vivants encore plus morts qu’une motte d’excréments qui fut jadis un rat, qui finit une nuit, en festin pour un chat.

Assis sur mon banc de pierre sous les palmiers d’Aïn-el-Mraïsseh avec le grand Jacques à mes côtés, je respectais le silence de mon vieux compagnon ébloui devant tant d’azur intense et de parfum enivrant émanant de cette Méditerranée ancestrale dont les vagues languissantes striées de diamant et de pourpre, reflétaient la symphonie céleste qui se déroulait dans les cieux au-dessus d’elle, comme un prélude grandiose pour l’apparition dans son berceau d’écume et d’argent, de la coquille dorée abritant la Venus endormie.

Avec la mer du Nord pour dernier terrain vague
Et des vagues de dunes pour arrêter les vagues
Et de vagues rochers que les marées dépassent
Et qui ont à jamais le cœur à marée basse
Avec infiniment de brumes à venir…


Devant cette explosion luxuriante de beauté, de tendresse, de richesse et de générosité qui se déroule devant tes yeux, combien tu dois te sentir loin de ta cruelle mer du Nord, vieux compagnon.

Et combien doivent se ronger de regret, Vermeer, Van Gogh et Turner accoudés devant nous à la balustrade, pour avoir raté quand ils le pouvaient encore, l’occasion de reproduire sur leurs toiles cette luminosité incroyable ; eux qui ont passé leur existence dans la recherche éperdue de la lumière.

Tu vois mon cher Jacques le beau pays qui est le mien ?

J’aurais aimé te faire faire la connaissance de mon autre ami Abou Ragheb que tu aurais sans doute aimé, mais il est parti à l’autre bout du monde et je ne sais pas si je ne le reverrais jamais de mon vivant.

Mais d’où vient-elle donc cette belle mélodie que nous rapporte la douce brise de Novembre ?

_ Dis-donc Jacques, le mec qui arrive de là bas, ne serait-il pas… ?

Mais je vois à ton léger sourire que tu as reconnu l’ami Charles.

La mer
Au ciel d'été confond
Ses blancs moutons
Avec les anges si purs
La mer bergère d'azur
Infinie.


Divinement bien dit, et en toute simplicité !

Tu vois mon Jacques, les intellos ont la fâcheuse habitude de s’embrouiller d’un bagage un peu trop encombrant qu’ils ne savent pas toujours larguer au bon moment.

Ceci dit, moi je les aime bien, et partage avec eux leur passion pour le jazz, le Western et la bandes dessinée.

Me vient notamment à la mémoire un personnage de bande dessinée des années 1960 qui est le grand Vizir Iznogoud qui nourrissait l’ambition secrète de devenir Calife à la place du Calife.

Ce qui m’avait surtout fait rigoler à l’époque était la ressemblance physique et morale indéniable que je trouvais entre le Vizir Iznogoud et son Calife Haroun el Poussah, avec le PM Rachid Karamé et le Président Charles Helou.

Depuis, la race d’Iznogoud à fleuri sur nos entiers, de sorte que nous avons aujourd’hui :

_ Un Sayyed Hassan qui veut être Imam à la place de l’Imam.
_ Un Sanioura qui veut être président à la place du président.
_ Un Général qui veut être Patriarche à la place du Patriarche.
_ et un Hakim qui veut être Général à la place du Général.


Quant à moi mon grand Jacques, j’ai trouvé que ce qu’il me restait encore de mieux à foutre était de faire comme tes marins d’Amsterdam qui :

Se plantent le nez au ciel
Se mouchent dans les étoiles
Et ils pissent comme je pleure
Sur les femmes infidèles.


…et sur toutes les ordures qui aujourd’hui dans nos journaux, ont tous leur photo.


Ibrahim Tyan.

* Visitez « Les carnets du Beyrouthin »

10 comments:

  1. HAHAHA! Karamé=Iznogoud, quelle touvaille Ibrahim! GÉNIAL!
    Pour l'annecdote, Karamé a habité notre immeuble de Ain El-Tineh entre 1984 et 1986 et on assistait quotidiennement aux visites des politiciens et autre Iznogouds officiels de notre balcon du premier étage.
    Charles Hélou Calife? Mon père le comparait plutôt à Louis XVI ;)

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  2. Bonjour Kheir :)

    Le Calife Haroun-el-Poussah était obese, chanceux et inconscient; voila pourquoi il m’a rappelé Charles Helou.

    Mais la délicieuse comparaison qu’en à faite ton père avec Louis XVI est physiquement très bonne. Je me l’imagine en pourpoint de soie, chemise à jabot et perruque poudrée.

    Il aurait fait un Bourbon plus vrai que nature.

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  3. Ibrahim, j'ai trouvé des similarités entre le billet de Gaby Nasr de ce matin et le tien. Est-ce qu'il lit ton blog? ;)

    Le billet de Gaby NASR:
    Mission impassible

    Mission accomplie ! Et en arrière toute par la même occasion… À part envisager de bricoler une fois de plus la Constitution, notre classe politique en état de capilotade avancée n’a même pas encore été fichue de se choisir un pouf à la tête du pays. Pourtant ils ne manquent pas, les blaireaux qui palpitent à l’idée de présider cette raie publique bananière dont il ne reste que la peau. Y a qu’à se baisser pour en ramasser.
    Enfin, tout cela n’est pas trop mal : un salaire de moins payé par le contribuable, c’est toujours ça de pris. Encore quelques semaines de ce cirque, et l’on finira par réaliser l’inutilité de la fonction. Ne reste plus qu’à se convaincre de la futilité des deux autres potiches à califourchon sur Aïn el-Tiné et le Sérail. Istiz Nabeuh d’abord, qui a viré commissaire-priseur depuis qu’on lui a appris à calculer la différence entre la moitié plus un et deux tiers de 127 ; Rictus oblicus ensuite, qui en est réduit à prier Saint Maron en syriaque pour rassurer le Patriarche, dans l’espoir d’entendre un jour le « son du quorum, le soir, au fond de la langue de bois ».
    Et puis, parlant de patriarche, y en a un autre qui tient salon à Rabieh. Lui, c’est un rapide. Il n’y a pas si longtemps, il s’était déjà autoproclamé roi. La semaine prochaine, promis juré, il se fera bombarder Pape. Ne manque plus que Dieu à son tableau de chasse, mais le label est déjà pris par le parti de son copain barbu des cavernes, qui lui est en liaison satellite directe avec le Créateur.
    Tout cela ne laisse pas beaucoup de place à un futur président de la République. Heureusement qu’il nous reste le tendre souvenir d’une image bucolique : Émile 1er le Prolongé-Terminé éructant une dernière bordée d’insultes à l’adresse du Signoret et de son gouvernement abrégé, avant de se tirer fissa vers sa voie de garage.
    S’il y en a un qui doit se sentir indispensable aujourd’hui, c’est bien le bidasse de la Garde présidentielle qui continue de faire sa corvée de pas de l’oie à l’entrée de la coquille vide de Baabda. Un petit air d’Athènes où les evzones du vieux palais royal sans roi gesticulent pour les touristes.
    Finalement, c’est lui, notre vrai président…

    Gaby NASR

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  4. Hello Kheir

    Après lecture de l’article que tu as eu l’amabilité de me signaler, je ne trouve guère de similitude entre son contenu et mes ‘’fantômes’’ personnels issus d’une dimension autre.

    Sauf peut-être certaines allusions sur Aoun, Sanioura et le patriarche ; mais au Liban cela fait partie de la culture générale du peuple et même ma concierge vous en jaboterait.

    Ceci dit, et quitte à étaler mon ignorance au grand public ; Qui est ce Monsieur Gaby Nasr ?

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  5. Excuses-moi Ibrahim, la culture populaire libanaise que je connais remonte aux années quatre-vingt ;)
    Gaby Nasr écrit des billets satirique dans L'Orient-Le Jour.
    Hariri père était surnommé Rafic à Fric, Bibendum ou Bouboule; Salim Hoss est surnommé Sinistro & Michel Murr Bteghrinator.

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  6. Wow ! Bteghrinator est impayable, Sinistro aussi.
    Dorénavant je suivrais avec plus d’attention le parcours littéraire de ce Monsieur.
    Thanks Kheir

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  7. Vu l'énormité du tas d'ordures........ je te conseille le thé ! Excellent diurétique..............
    J'avoue avoir moi aussi, parfois, cette envie somme toute, doublement naturelle. Malheureusement, mes tentatives pour apprendre à pisser debout se sont révélés de piteux (pour ne pas dire dégoulinants) échecs.
    Accroupie c'est moins classe ! Rireeeeeeeeeeeee

    Bon dimanche et "foultitude" de bisous , ami.

    Sixt'

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  8. Quelqu’un m’avait jadis raconté que les guerrières Vietnamiennes dans les rangs du Viêt-Cong qui menaient à 100% une vie d’homme, étaient parvenues à pisser debout comme leurs camarades masculins.

    La technique consistait à se tenir debout les jambes écartées et à presser très fort des deux mains sur le nombril ainsi que la zone située juste en dessous en tirant vers le haut. Le jet partait alors fort et loin en une parabole parfaite.

    Ô mystérieuse et insondable Asie

    Moult étreintes et bécots
    Ibrahim.

    Ps. Il demeure que je trouve nos ordures nationales bien indignes d’être aspergés par le produit de ces charmantes fontaines ; par contre, l’infâme pissat d’un Caïphe caduc et prostatique leur siérait bien :)))

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  9. Très beau texte poétique où la réalité et le rêve se mêlent gracieusement, sans pour cela perdre de vue les quatre vérités qui sont dites sur un ton d'humour noir et désabusé.

    Superbe.

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  10. Merci cher (e) anonyme.

    Il est bon de s’envoler quelquefois pour observer la réalité d’en haut, mais pas avant de s’être assuré au préalable de l’existence d’un bon terrain d’atterrissage.

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