Saturday, August 25, 2007

Farid 3asro dans les bras de Morphée.



En bon Beyrouthin authentique, Farid 3asro était un râleur de première doublé d’un eternel insatisfait.

C’était donc la mine renfrognée et les pensées moroses qu’il s’engouffra dans la bouche de métro de Hamra à la fin d’une mauvaise journée de travail où il dût argumenter interminablement dans son bureau d’architecture avec un client Nouveau Riche qui tenait absolument à ajouter une invraisemblable tourelle de style médiéval à la superbe villa moderne dont Farid lui avait soumis les plans préliminaires.

Heureusement que la loi était de son côté car les nouveaux règlements draconiens concernant l’urbanisme et l’environnement condamnaient également et sans équivoque la vulgarité et le mauvais goût.

Minable connard phallocratique, pensait encore Farid lorsqu’il accéda grâce à sa carte magnétique ‘MetroCard’ (valable aussi pour les trajets en Bus ), aux quais bondés de touristes dont la majorité semblait appartenir à la race Scandinave.

Trois millions de touristes l’année dernière, et une augmentation prévue de 25% pour cette année, pensait avec effroi Farid 3asro en se frayant péniblement chemin dans le compartiment où il ne trouva qu’une place debout au milieu d’une marée de têtes blondes jacassant bruyamment dans une langue hachée et gutturale. Je préfère encore mille fois les Japonais, pensa Farid, au moins ceux-là sont discrets et comme politesse, on n’en fait pas mieux. Mais il n’eut guère le temps de s’attarder sur ces pensées car à peine cinq minutes plus tard il remontait les escaliers de l’ouverture de la place Sassine à Achrafieh.

De là, grâce à une autre carte magnétique, il s’engouffra dans un ascenseur qui le conduisit au cinquième étage en sous sol où il retrouva avec soulagement sa chère Renault ‘’toutes options’’ qui roulait au diesel conforme aux plus sévères normes Européennes avec filtres et catalyseur.

Vivement l’année prochaine, pensa Farid en remontant le chemin spiralé du vaste parking souterrain, lorsque Carlos Ghosn accompagné du ministre Français de l’industrie viendra inaugurer avec le Président et les autres dignitaires Libanais, la vaste chaîne d’assemblage Renault-Liban pour voitures, bus, camions et autres véhicules lourds dans la région d’Akkar, ce qui créerait des milliers de nouveaux postes pour les ouvriers, techniciens et autres spécialistes chômeurs ; sans parler du poids qu’une telle démarche conférerait au Liban dans la région.

Certes le Libanais jouissait d’un niveau de vie enviable même par rapport aux bédouins du Golfe dont la fortune colossale était cependant mal répartie et encore plus mal investie, pensait Farid en chemin, mais il faut bien que le gouvernement pense quand même à hausser ce SMIC ridicule de $ 1250 qui suffit à peine au Liban pour subvenir aux frais de nourriture et de logement. Heureusement qu’il y a l’éducation, la médication et les autres indemnités et services sociaux complémentaires gratuits pour compenser en partie, sinon la situation des gens de condition modeste serait intenable.

* * * *

Sa femme lui ayant rappelé qu’ils recevaient des gens à dîner, Farid s’arrêta chez le fruitier en route vers sa maison Rue SODECO.

Observer les étalages somptueux de fruits étranges et exotiques était pour Farid 3asro une grande source de satisfaction, surtout lorsqu’il se rappelait que toutes ces merveilles étaient désormais cultivées au Liban.

Fameux programme qu’était celui du ministère de l’agriculture qui mit de longues années pour mener à bien ce projet ambitieux, mais surtout d’arracher à certaines têtes bornées l’idée de certaines cultures séculaires et sacro-saintes comme celui de la pomme par exemple.

Aujourd’hui le Liban cultive des espaces immenses de pistache verte, denrée excessivement rare et chère, et ingrédient indispensable pour l’industrie Occidentale de la pâtisserie/confiserie et surtout de la crème glacée.

Le Liban est devenu aussi un grand exportateur du « Fruit de la Passion » qui forme la base obligatoire et incontournable pour tout cocktail de jus de fruit en conserve.

Les Kiwis, les Kakis, et surtout le délicieux fruit du ‘’Achta’’, s’exportent aujourd’hui à prix d’or, et de grands espaces jadis réservés pour y faire pousser du persil et de la coriandre en quantités invraisemblables sont désormais consacrés à la culture de rares plantes et herbes médicinales dont le besoin ne cesse de croitre au sein de l’industrie chimique et pharmaceutique mondiale.

De solides accords contractés par le gouvernement avec de grandes firmes internationales assuraient l’écoulement régulier et lucratif de toutes ces récoltes, au grand profit de l’économie nationale et de l’agriculteur Libanais.

S’apercevant qu’il était déjà en retard, Farid 3asro s’efforça néanmoins de conduire prudemment. Ayant déjà eu son permis de conduire perforé une première fois pour excès de vitesse, il savait qu’il risquait une amende de $ 1000 et un retrait de permis de six mois à la récidive

* * * *

La soirée fut réussie et bien animée et Farid sortit de sa cave personnelle de vénérables bouteilles d’un vin Libanais absolument exceptionnel en l’honneur de ses invités. Il faut dire qu’avec l’appui de l’état, la viticulture Libanaise enregistra un essor considérable et il n’est point de foire Internationale où les vins Libanais ne raflaient les premiers prix et les éloges des goûteurs les plus chevronnés.

Chaque médaille possédant naturellement son revers, une bonne partie de la conversation tourna autour du sujet de la corruption de certains citoyens ; comme ce fut récemment le cas pour le célèbre homme d’affaires multimillionnaire Kayech-el-Fej3an qui dut payer rubis sur l’ongle une sanction de $ 10.000.000 pour avoir présenté au fisc pendant de longues années, des bilans frauduleux pour échapper aux impôts, et qui évita de justesse la prison grâce au brio de ses avocats, dont les honoraires achevèrent de le saigner à blanc.

Mais la plus terrible, la plus tragique et la plus navrante des tragédies, qui bouleversa le Liban de bout en bout, était celle de l’excellent ministre de la culture, SE. Charif Fahman qui, ayant un programme surchargé, envoya sa femme Mme Serméyé qui l’accompagnait lors de sa dernière visite aux Etats-Unis pour le remplacer à un gala organisé par la communauté Libanaise à Washington.

Au cours du gala, de généreuses contributions pour soutenir l’Université Libanaise furent collectées par Mme Serméyé, dont une relativement petite somme de $ 5000 en cash qu’elle « oublia » de remettre à son mari avec le reste des chèques, mais préféra les garder à son insu, bien au chaud dans son mignon petit sac à main.

Malheureusement pour le pauvre Charif, quelqu’un éventa l’affaire. La femme fut incarcérée, et notre homme, blessé au plus profond de son amour-propre et de son honneur d’homme intègre, offrit au même jour sa démission de son poste et de la vie, en se logeant une balle dans le crâne..

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Une obscurité épaisse et moite entourait Farid 3asro qui, dans son lit, essayait péniblement d’ouvrir les yeux. Une migraine atroce lui vrillait les tempes, son visage et son corps baignaient dans la sueur ; la chaleur était humide et étouffante et le climatiseur, faute d’électricité ne fonctionnait plus.

Des bribes d’images confuses refirent lentement surface dans son conscient : la crise économique, la misère sociale, la division profonde du peuple, les dettes impayables, la faillite inexorable, la régression continuelle dans tous les secteurs, le terrorisme, Nahr-el-Bared, Al Qaeda, et le gouvernement et l’opposition qui s’était pour une fois joints pour nous annoncer à l’unisson la fin de l’année comme ultime date fatidique pour l’écroulement de la nation.

Farid 3asro était au plus mal, une douleur aigüe étreignait son âme, mais aussi son corps ! ?!

C’est alors qu’il s’aperçut que durant son sommeil agité, il s’était fourré le médius dans le cul jusqu’à la dernière phalange.

Ibrahim Tyan.

Visitez " LES CARNETS DU BEYROUTHIN "

Wednesday, August 22, 2007

Les carnets du Beyrouthin.



Ce soir, un nouveau site sur mon Beyrouth adoré est né.

Pas si nouveau que ça pour les habitués de ce blog puisque LES CARNETS DU BEYROUTHIN ne fait que reprendre les dix meilleurs textes déjà parus sur ce site, qui parlent d’amour et de nostalgie pour cette ville mythique maintenant presque disparue, mais aussi de la rage et de la colère contre ceux qui persistent aujourd’hui à vouloir la faire disparaître complètement de mille façon.

Le slogan du nouveau site :
Passant qui que tu sois / Arrête-toi ici et bois.

Amitiés,

Ibrahim Tyan.

Saturday, August 18, 2007

L'ange déchu de la rue de Phénicie.



Je suis comme toi, Ô Nuit, constant et éperdu ; dans ma poitrine gisent embaumés dans leurs larmes, des milliers d'amants dans des linceuls de baisers flétris.

Gibran Khalil Gibran.
La nuit et le fou.

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J’aurais voulu entamer ce récit avec la formule sempiternelle ‘’il était une fois’’, mais ce que j’ai à raconter aujourd’hui n’a rien d’un conte de fée, mais plutôt d’un conte vrai de Beyrouth ; de L’AUTRE Beyrouth, celui qui sombra à jamais dans les flammes de la démence, des pierres croulantes des immeubles éventrés, et de l’horreur des nuits sans lune sur ses décombres de ville-cimetière où la nature avait repris ses droits ; et du vent glacial qui hululait désormais dans ses rues mortes à travers la végétation sauvage qui avait craquelé l’asphalte et brisé les pavés, et de ses chiens errants qui, pour avoir goûté à la chair humaine, avaient renoué après des millénaires de domesticité, avec la nature première de leur vénérable Grand-Maitre ancestral, le Loup.

* * * *

Jadis en descendant Souk-el-Tawilé, on arrivait jusqu’au fameux restaurant Oriental ‘’Al Ajami’’ dont le renommé ‘’Chawarma’’, une pure et savante merveille qui fondait dans la bouche, et la glace Arabe authentique à la crème ‘’Kachta’’, parfumée au mastic d’Alep ‘’Miské’’ et pavée de pistaches vertes avaient atteint un niveau de perfection qui ne sera jamais plus égalé.

Plus loin, du côté de la mer, vous accueillait le mythique restaurant Libanais du ‘’Bahri’’ et son propriétaire, le non moins célèbre Mitri Tueini, un très grand Monsieur, et grand ami de ma famille.

Que de fois ne l’ais-je entendu affirmer à mon père que les noms des ‘’sept familles’’ Chrétiennes et Musulmanes, [dont les Tuéini et les Tyan] fondatrices de la ville de Beyrouth commençaient toutes selon lui, par la lettre : T ?!?

Réalité ou fanfaronnades de Beyrouthin, il demeure que la table incroyable de Mitri qui croulait sous les mezzés les plus raffinés, du ‘’Batrakh’’ Egyptien le plus rare, au succulent ‘’Tarama’’ ou caviar Grec tout frais, des viandes, poissons et fruits de mer les plus exquis jusqu’aux croquettes chaudes aux crevettes et les épaisses tranches de fromage ‘’Halloum’’ que l’on vous servait dorées au beurre dans des terrines brûlantes, était une réelle évidence. .

Sur le même trajet, le Palm Beach Hôtel était devenu une borne incontournable depuis que la bande du théâtre de dix heures y avait établi ses quartiers généraux ; et tous les soirs, les Beyrouthins avaient rendez-vous avec Pierre et Cécile Gédéon, Gaston Chikhany, Dudul et les autres, pour les voir sur scène, tourner allégrement en dérision toutes les ‘’stars’’ de la politique Libanaise.

De l’autre côté, semblable à une citadelle au milieu de la Méditerranée, trônait le magnifique Saint-Georges, superbe hôtel à cinq étoiles [authentiques] et rendez-vous de l’élite Beyrouthine et de la jet-set Internationale.

La capitale incontestée de la vie nocturne à Beyrouth et dans tout l’Orient était la région De Zeitouné et ses ramifications qui s’étendaient jusqu’à la rue de Phénicie. Bars et boites de nuit, mais surtout des cabarets [conception aujourd’hui presque disparue au Liban] à la renommée mondiale tels le Venus, le Lido, le Kit-Kat ou les Caves du Roy offraient des numéros de standing International.

L’ « Epi Club » du dynamique et talentueux Toros Siranossian qui vivait à l’époque ses plus beaux jours, parraina les débuts Internationaux de Dalida, de Mireille Mathieu, de Nana Mouskouri et d’un certain Julio Iglesias.
Des noms tels Brel, Bécaud ou Aznavour y étaient des têtes d’affiche régulières.

C’est vers la fin de ces temps, et peu avant l’éruption du volcan qui fit voler en éclats les rêves et les fables du petit paradis Méditerranéen, que les habitués de la vie nocturne Beyrouthine virent l’inauguration du dernier-né de leurs cabarets qui arborait le même titre que le temple Parisien du strip-tease, le « Crazy Horse Saloon », auquel je dois un des plus mémorables ‘’éblouissements’’ de ma vie.

En ce temps là, j’entamais tout juste une carrière professionnelle des plus fructueuses, j’étais jeune, libre et indépendant avec de l’allure, du caractère, de l’argent, et de la testostérone à gogo.

C’était sur l’invitation d’un soir d’un ami de longue date que je mis les pieds pour la première fois au ‘’Crazy Horse’’.

N’ayant jamais été particulièrement porté vers le voyeurisme, il me faut dire que j’acceptais en ce temps-là l’invitation de mon ami parce que j’aimais bien sa compagnie, son intellectualisme et sa vaste culture. Malheureusement, je constatais une fois sur place qu’il nous était virtuellement impossible d’échanger la moindre bribe de conversation cohérente vu la musique qui était débitée à pleins décibels, et me résolus donc de reporter mon attention sur le manège des filles qui se succédaient devant moi pour se foutre à poil.

Une douce torpeur m’envahissait déjà lorsqu’ELLE apparut sur scène pour clore la première partie du show ; et mon cœur fit deux ou trois ratés.

Devant moi, grande, mince et souple comme une liane, suintant la sensualité animale de tous les pores de sa peau soyeuse et basanée de métisse Amazonienne, se tenait l’incarnation même du DIABLE, dans toute sa fascination envoûtante et sulfureuse.

Une beauté incroyable à peine voilée par le mince cache-sexe réglementaire exigé par la dame censure de l’époque, des petits seins arrogants et fermes qui défiaient les lois de la pesanteur dans toutes les postures et un corps musclé de sportive sans une once de graisse mais qui conservait cependant là où il le fallait, les courbes gracieuses qui caractérisent une anatomie féminine absolument exceptionnelle.

Mais c’était surtout l’aura de sexualité à l’état pur, brut et fondamental que tout son être torride dégageait, même à l’état statique, qui me bouleversa.

Sur mes instances pressantes, mon ami qui connaissait mieux que moi les labyrinthes de la nuit, exprima à qui de droit le désir de voir ‘’Jungle Queen’’ [ô le sobriquet ridicule], partager notre table. C’est ainsi qu’une demi-heure plus tard, la Brésilienne Carmen Silva, moulée dans une simple robe noire, les cheveux brillants d’un noir de jais sobrement tirés vers l’arrière, très légèrement maquillée et sans artifices ni bijoux était assise devant moi.

Elle n’en était que plus fascinante.

Champagne. (C’était désormais moi qui régalais).

A mon grand étonnement, la belle me voyant commander du Dom Pérignon, exprima gentiment de sa voix chantante et un peu rauque, [elle fumait des Luckies sans filtre] dans un assez bon Anglais, qu’elle préférerait au cas où cela ne me dérangerait pas du Mumm ‘Cordon Rouge’ (bien moins cher !!!).

Maintenant assise devant moi, je découvrais de près le visage de cette créature extraordinaire. Plutôt allongé, les pommettes hautes et prononcées, le nez légèrement épaté et les lèvres gourmandes et ourlées découvraient de temps en temps une dentition éblouissante.

Mais c’étaient les yeux qui m’arrêtèrent le plus, des yeux d’un noir absolu, plutôt petits, langoureux et comme ensommeillés, mais traversés en de furtifs instants d’éclairs d’une dureté peu commune.

Plus la soirée avançait, plus j’étais sous l’envoûtement de cette fascinante créature dont l’esprit s’avéra encore plus extraordinaire que le physique et lorsque mon ami et moi prirent congé d’elle, je m’inclinais cérémonieusement et lui fis un baisemain comme on en fait à une grande dame ; elle eut un sourire imperceptible et s’approcha de moi jusqu’à ce que je sentis la chaleur de son corps contre le mien, puis soudain, et de la façon la plus inattendue, m’effleura furtivement les lèvres des siennes, me soufflant au passage : Wait for me.

Mon ami me quitta sur les goguenardises d’usage et je suivis Carmen qui habitait à deux pas du club dans un complexe d’appartements meublés.

Décrire ce que je ressentis lorsque je me retrouvais tout seul avec elle dans la cage d’ascendeur, et la façon dont elle se lova voluptueusement contre moi, me murmurant dans le cou des mots en Portugais entrecoupés de halètements rauques, dépasse mes facultés d’écriture…

* * * *

A peine vingt minutes plus tard, un taxi me débarqua à trois heures du matin devant le café trottoir ‘’La Dolce Vita’’ à Raouché.

A un maître Habib étonné, je commandais un double cognac à la place de mon double express habituel et m’accoudais à la table, la chemise encore béante, la cravate défaite, et la tête entre les mains.

La foudre tombant du ciel droit sur mon crane m’aurait moins ‘’sonné’’.

Carmen Silva, la ‘’jungle queen’’ Amazonienne qui m’avait enflammé le sang et les sens était un travesti.

Un transsexuel quoi. Un mec comme moi !

Et dire que j’avais encore ‘’son’’ parfum qui me collait à la chemise.

Ibrahim Tyan.

Tuesday, August 14, 2007

Tant qu'il y aura des âmes de bonne volonté...



Les familiers de ce blog savent qu’il n’est pas dans mes habitudes de publier en première page, les notes et commentaires qui me parviennent par voies diverses des nombreux lecteurs de ce site.
L’exception que je fais aujourd’hui est pleinement justifiée. Il suffit de lire le texte intégral qui suivra, de la lettre qui m’est parvenue hier en réaction à l’article « Main basse sur la ville » paru sur ce blog, pour saisir les raisons de ma démarche.



L’Exilée à ecrit:

Cher Monsieur,

Je viens de terminer, pour remplir une commande, des recherches sur votre ville dont j'ignorais tout jusque-là, étant d'un autre monde.

Je suis éblouie par votre énergie, vos souvenirs, votre espoir, et votre écriture. J'aurais voulu visiter cette ville qui n'est plus aujourd'hui. Je partage votre deuil.

Je viens d'une culture qui est en train de mourir, engloutie par le Géant qui malgré les apparences supporte mal les différences. Mais vous lisant, et comprenant mieux votre situation actuelle, je suis gênée par notre paresse et nos craintes, celles qui nous feront disparaître, sans violence, insidieusement.

Je trace sans doute des parallèles sans grande pertinence, puisque notre situation en apparence si paisible n'a à première vue rien de commun avec la vôtre. Mais voilà. Mes pensées sur le sujet. Nous partageons certainement avec vous l'envie de voir cohabiter dans la paix de nombreuses cultures comme c'est encore possible aujourd'hui dans notre métropole. Mais notre peuple a tout oublié. Cette amnésie et notre paresse nous conduit à appuyer des pays dangereux.

Je salue votre courage et vos idées.

Bien cordialement, et humblement,
Monday - August 13 – 2007


Réponse de Lettres du Liban.

Chère Exilée,

‘’Je viens de terminer, pour remplir une commande, des recherches sur votre ville dont j'ignorais tout jusque-là, étant d'un autre monde… J'aurais voulu visiter cette ville qui n'est plus aujourd'hui. Je partage votre deuil.’’

Ces mots généreux, issus d’un autre monde et d’une autre culture, qui ont traversé mers et océans, en destination de ce blog modeste, m’ont bouleversé l’âme et rempli le cœur de joie et de reconnaissance.

Merci de m’avoir rappelé que toutes les ténèbres du monde ne peuvent estomper la lueur d’une bougie, que le témoignage sincère trouvera toujours oreille attentive, et que les dirigeants les plus criminels n’ont jamais pu étouffer la voix des âmes de bonne volonté.

Encore une fois, en toute humilité,

Merci.

Ibrahim Tyan.

Saturday, August 11, 2007

L'armée Libanaise et les leçons de Nahr-el-Bared.



J’ai longtemps médité avant d’écrire cet article, n’étant point un spécialiste en la matière, du moins dans le sens académique du terme. Mais depuis que les analystes et autres ‘’strategoi’’ militaires ont inondé nos écrans de leur expertise, je me suis fait une raison d’y opposer mon point de vue de simple citoyen averti, à leur orgueilleuse pédanterie

Il demeure que les suggestions qui suivront sont complètement réalistes et se placent théoriquement à la portée des moyens d’un pays comme Liban, qui à les possibilités de dilapider en l’espace de dix ans 10 milliards de dollars sur une compagnie d’électricité défectueuse, et de s’endetter de plus de 45 milliards de dollars ‘’Sans Ciller’’.

Cependant, et vu l’état actuel des choses, les lignes qui suivront ne peuvent paradoxalement être envisagées aujourd’hui, que comme étant les souhaits utopiques d’un patriote sincère, navré de voir sa patrie et son armée s’effilocher de jour en jour, dans les dédales absurdes de l’antilogique et de l’aberration.

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Une grande nation est avant tout une forte nation.
-Napoléon Bonaparte.

Rien ne suscite la convoitise comme un petit pays prospère et désarmé.

La bataille de Nahr-el Bared à mis au grand jour les lacunes mortelles de l’armée Libanaise et le manque cruel en effectifs et équipement moderne adéquats qui lui auraient permis de faire face avec le minimum de pertes possibles, à un ennemi qui s’est avéré sauvagement déterminé et finalement mieux équipé.

L’armée n’eut de choix pour combler ce tragique déficit que d’y opposer la valeur et la bravoure de ses officiers et soldats, dont beaucoup eurent, faute d’appui efficace, le sort pitoyable de chair à canon ; d’où le bilan catastrophique en pertes humaines dans ses rangs, et le chiffre exorbitant des blessés dont beaucoup demeureront invalides et handicapés à vie.

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Pour le profane, l’efficacité militaire consiste surtout en la puissance de feu (canons, chars, bombardiers, etc.). Mais une armée ne peut dépendre de ce seul facteur, aussi important soit-il, les conditions de la guerre moderne ayant engendré d’autres nécessités tout aussi importantes et dont l’armée Libanaise devrait se doter au plus vite, et de développer urgemment celles déjà existantes en son sein ; les secteurs principaux étant :

* Les unités médicales équipées d’hôpitaux de campagne avec la capacité de performer des interventions chirurgicales majeures en pleine bataille.

* Les unités de génie et de déminage, équipées des véhicules et du matériel nécessaire, capables de se frayer rapidement un passage au milieu d’une région minée, de rétablir la circulation sur une route accidentée ou sur un pont détruit.

* Les unités de mécanique capables d’assurer le maintien des groupes mécanisés et d’en effectuer les réparations sur place.

* La rapidité d’action étant une des conditions primordiales de la guerre d’aujourd’hui, toutes les unités de l’armée devraient être complètement mécanisées. L’utilisation du véhicule blindé tout-terrain pour le transport des troupes est un facteur vital pour assurer la sécurité maximale des soldats et la vitesse de leur déploiement.

* Enfin l’établissement en des endroits stratégiques du pays de ‘’bunkers’’ souterrains capables de soutenir d’intenses bombardements et abritant des stocks de vivres, médicaments, munitions, pièces de rechange et de carburant, destinés à l’usage de l’armée en cas d’urgence.

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- De doctrine obligatoirement DEFENSIVE, il serait primordial pour l’armée Libanaise de porter le gros de son effort pour se doter ainsi que l’entière superficie du pays d’un système efficace de missiles sol-air à longue, moyenne et courte portée, qui couterait beaucoup moins cher que l’achat de chasseurs modernes onéreux et parfaitement inutiles face à une armée de l’air Israélienne considérable et à la pointe du progrès.

Il serait utile de rappeler ici que le bloc Occidental, continue à refuser de doter le Liban (ainsi que d’autres pays Arabes frontaliers avec Israël comme la Jordanie) de ce genre de système de défense, qui entraverait sérieusement la liberté d’action de l’armée de l’air Israélienne et sa capacité d’opérer en toute impunité au-dessus de ces territoires.

Voila pourquoi le Liban devrait se porter vers d’autres pays à l’importante industrie militaire, et non soumis à la volonté Occidentale, comme la Russie, ou encore la Chine qui jouit d’une indépendance politique encore plus complète dans ce domaine.

Depuis qu’un missile sol-air Soviétiques réussit à abattre l’intouchable U2 Américain en 1960, le système de DCA de ‘’l’Est’’ s’avéra être un atout majeur qui fit ses preuves dans maint conflit armé, notamment dans celui du Viêtnam et de la guerre de Kippour.

Un des points forts de ce système DCA et de ses radars adjacents consiste dans le fait qu’il peut être entièrement monté sur des véhicules VTT d’une grande mobilité, ce qui le rend difficilement repérer able par l’ennemi.

- En remplacement du système de télécommunication vétuste ECM qu’un technicien novice est désormais en mesure de ‘’hackquer’’ ou de brouiller, notre armée se doit de se doter d’un nouveau dispositif efficace qui devrait pouvoir relier les armées de terre , de l’air et de la marine de façon à leur permettre d’agir en concert, et de gérer la bataille avec un maximum d’efficacité.

- Outre le poste terrestre de centralisation, qui reçoit et redistribue infos et data à tous les corps d’armée, un puissant radar AÉRIEN intermédiaire est nécessaire pour donner la première alarme [Early Warning], et assurer la bonne conduite des opérations. A ce sujet, les Américains vendirent aux Saoudiens de formidables Boeing AWACS tout à fait inappropriés ; quant aux Israéliens, ils préférèrent des Grumman E-2 HAWKEYE, infiniment plus modestes, mais parfaitement adaptés à leurs besoins militaires, ainsi qu’à la nature du théâtre éventuel des opérations.

L’acquisition d’un tel appareil de l’Occident restant une pure utopie, l’industrie aéronautique Russe ou Chinoise offre une panoplie complète de laquelle les experts de l’armée Libanaise pourraient choisir le modèle le plus conforme à leurs besoins.

- Ayant constaté durant la guerre en Afghanistan l’efficacité du MI-24 HIND, hélicoptère d’attaque Soviétique révolutionnaire, les Américains s’empressèrent d’en construire un appareil analogue en le très médiatisé et trop surestimé AH-64 APACHE. Les Chinois produisent plusieurs variantes du HIND sous License. La bataille de Nahr-el-Bared à démontré d’une façon irréfutable le besoin vital de l’armée pour ce genre d’appareil.

- Egalement issu de l’expérience Soviétique de la guerre en Afghanistan, l’avion d’attaque du sol : Sukhoï SU-25/39 ‘’Frogfoot’’, véritable petit ‘’camion à bombes’’ avec la faculté d’agir aussi en appareil de reconnaissance, constitue un formidable instrument d’appui tactique à prix modique et de grande efficacité, pour n’importe quel assaut mené par l’infanterie et les blindés.

- Finalement, il est primordial pour l’armée Libanaise de doter toutes ses branches des technologies incontournables du viseur à laser et de la vision nocturne ‘’night vision’’, sans lesquelles l’efficacité de toute armée, aussi forte soit-elle, serait sérieusement amoindrie.

* Un des plus grands problèmes des petits pays importateurs d’armes est leur dépendance en pièces de rechange et en munitions envers le pays d’origine. Ici il serait bon de signaler que l’établissement d’une modeste usine pour assurer au moins les obus pour les chars et les canons ne couterait pas beaucoup plus cher qu’une chaîne pour la procession et la mise en boite de lait en poudre.

Dans cet exposé, il ne fut pas question de chars de combat, d’artillerie de campagne et autre matériel classique malgré son importance capitale, notre premier objectif étant de faire la lumière sur les déficits spécifiques qui ont jusqu’alors rendu notre armée, SOURDE, MUETTE, AVEUGLE et MANCHOTE à Nahr-el-Bared.

Mais il semble que même dans le domaine des blindés, nous serons emmenés à négocier avec la Russie ou la Chine, après le refus du gouvernement Allemand de nous vendre des chars modernes LEOPARD, dû au veto opposé par le lobby Israélo – Américain à cette transaction.

* * * *

Ce petit papier ne prétend rien résoudre. Il démontre juste ce qu’il faut faire et quoi acquérir pour que notre armée ne se retrouve jamais plus en position de cible inerte et sans défense devant l’ennemi.

Y aurait-il quelqu’un au Liban qui serait intéressé à ce qu’un projet pareil voie le jour ?

Notre gouvernement trouverait-il le courage nécessaire d’entreprendre ce pas et de s’attirer ainsi le courroux d’Israël et des USA ?

Les éventuels pays fournisseurs d’armes auront-ils assez d’indépendance et d’autonomie pour oser nous armer contre la volonté de l’oncle Sam ?

Enfin dans le relevé final, la grande question demeure la suivante :

Serait-il dans l’intérêt du Liban de s’armer pour se défendre, provoquant ainsi l’inimité de l’Occident, notamment des Etats-Unis ?

Ou bien ferait-il mieux de rester dans les bonnes grâces du protectorat Occidental aligné inconditionnellement à la cause Israëlienne ?

Tough Questions !

Ibrahim Tyan.

Monday, August 6, 2007

L'Eylau du Général.



Le 8 février 1807, à Eylau, Napoléon 1er affrontait les Russes dans la bataille la plus sanglante et la plus indécise de son épopée.

Les Russes s’attribuent la victoire même si les Français restent maîtres du terrain. Bilan : 40.000 morts et blessés. L’Empereur, sincèrement ému par l’ampleur du désastre, mesure pour la première fois le coût de la guerre.

* * * *

Les électeurs Maronites du Metn se sont prononcés à travers les caisses électorales, en retirant au Général Aoun la procuration générale spéciale avec pleins pouvoirs qu’ils lui avaient accordés massivement et sans restriction en 2005.

Les cafouilles répétées du Général, son manque de vision stratégique et la candeur erratique de son parcours politique, ajoutés à l’efficacité de la désinformation adverse, ainsi qu’aux forces organiques du sectarisme, du féodalisme, et de l’argent, partie inhérente de la nature même du mental Libanais, ont fini par avoir raison du Tsunami sur lequel le Chrétien Libanais laïc et Liberal avait bâti tant d’espoirs.

Comme ces Hébreux de l’Exode, qui, exaspérés selon la légende par l’interminable traversée du désert, profitèrent de l’absence de Moïse appelé par Yahvé sur le sommet du Mont-Sinaï, pour se refaire un veau d’or et de l’adorer, le Maronites Libanais reprirent le culte de leurs anciens démons, duquel ils ne s’en sont jamais vraiment sortis.

Il est encore tôt pour énumérer et de mesurer les conséquences incalculables que ce nouvel état des choses aura sur les Chrétiens du Liban ainsi que sur le Christianisme entier au Proche-Orient, surtout lorsque l’on sait que les nouvelles/anciennes divinités reprises aujourd’hui par les Maronites sont les mêmes qui ont étés de par le passé, les artisans mêmes de leur malheur.

Pour ceux qui lèveront un sourcil sceptique à la lecture du paragraphe ci-dessus je dirais : Qui vivra verra.

Entretemps, les Elections de Beyrouth se déroulent dans le désintéressement et l’ataraxie les plus complets ; là-bas, les règles sont différentes et les jeux ont étés déjà faits.

Dans la capitale qui fut jadis le fier bastion du Libéralisme Arabe, les élections législatives ne sont plus aujourd’hui qu’une formalité ennuyeuse à laquelle il ne pourra en aucun cas être permis de troubler la sérénité heureuse et léthargique d’une monarchie absolue.

Ibrahim Tyan.