Friday, April 1, 2011

La mer blessée*

*La mer blessée (La Méditerranée), Jacques-Yves Cousteau & Yves Paccalet, Flammarion.

Regarder la mer est une faculté primaire à la portée de toute personne voyante.
Écouter la mer, nécessite une oreille capable de décrypter des fréquences situées en dehors de l’échelle courante.
Ressentir la mer dans le sens viscéral du terme, est l’apanage de personnages exceptionnels tels Rimbaud, Debussy, Valery, Turner ou Trenet, pour ne citer que ceux-là.
Devenir la mer, est un état Samâdhique intime dont seuls d’humbles inconnus répartis aux quatre coins du globe, détiennent le privilège d’y accéder.

Pouvoir renouer de pleine conscience avec l’abandon infini au sein de la matrice première ; de ressentir la vertigineuse allégresse du métabolisme dans la tendresse glauque des entrailles originelles, et d’en ressortir sublimé jusqu'à en toucher de l’extrémité de son être aux confins de l’inimaginable, bien au-delà de cette ligne chimérique engendrée par nos sens illusoires, là où le ciel et la mer prétendent se rencontrer.

Cette mer blessée qui est la mienne !

Cela fait déjà si longtemps que le malheur a suppléé au bonheur sur cette terre pétrie du substrat de mes ancêtres et à la quelle je demeure rivé tel Prométhée aux rochers du Caucase, qu’il m’arrive parfois de soupçonner que la mémoire d’une félicité passée ne serait que les traces inconscientes d’une métempsychose advenue dans une autre dimension sous un autre soleil.

Comment en sommes-nous arrivés là, est une question dont je me soucie désormais comme de ma première lorette.

Cependant je ne peux m’empêcher d’observer d’un œil compatissant, les efforts que je sais stériles, d’une jeunesse écorchée qui défile inlassablement chaque Dimanche sur les routes du Liban, réclamant l’abolition du système confessionnel et l’établissement d’une constitution laïque.

Il demeure que non content des deux calamités naturelles et inexorables dont la nature l’a affligé et qui sont, la vieillesse et la maladie, l’homme s’en est imposé de son propre chef deux autres, en la religion et le patriotisme. Mais avec l’âge venant, la tolérance vint primer sur l’intransigeance (probablement parce que l’on retrouve de plus en plus à tolérer chez soi-même); tellement que j’en suis venu aujourd’hui à presque reconnaitre l’utilité de la notion du péché introduite par la religion et sans laquelle le désir du fruit défendu perdrait presque toute sa merveilleuse sensualité.

Aujourd’hui, le monde Islamique bout, du golfe à l’océan ; et j’en ris.

Qu’attendre d’une nation qui n’a pas encore été foutue mettre sur ses marchés une simple ampoule électrique de fabrication locale, alors que je viens de m'acheter chemin venant, un ridicule petit bidule (importé bien entendu) qui ne fait même pas la moitié d’un briquet jetable mais qui a la capacité de stocker dans son intérieur l’œuvre cinématographique complète d’un Fellini par exemple !

Alors que se passe-t-il ?

Ben, faut chercher du côté de Yahvé le tout puissant, car la théorie du Chaos Constructeur est avant tout la sienne ; ceux qui en doutent peuvent retourner aux sources qu’ils prétendent connaitre pour en vérifier la véracité.

Après avoir écumé les collines de Sion avant de fondre sur le reste du monde, l'éternel choisit d’élire domicile 1600 Pennsylvania avenue, Washington. DC, où il se révéla au saoulard repenti, faisant de lui l’instrument de ses desseins mystérieux dont l’accomplissement s’effectue aujourd’hui au su et au vu d’un monde dont l’impuissance et l’inefficacité sont devenues marque patentée.

* * * *

Le soir printanier est merveilleux en cette partie du monde et la brise maritime qui vient langoureusement me lécher le visage sans pour autant dissiper les veloutes de ma cigarette, m’emmène avec elle un doux écho lointain venu d’un autre temps pour me murmurer à l’oreille des choses douces-amères comme les soupirs réprimés d’un amour coupable.


Come sei bella piu' bella stasera Mariu'
Splende un sorriso di stella negli occhi tuoi blu


Comme tu es belle, plus belle que jamais ce soir Mariu
Un sourire scintille comme une étoile dans tes yeux bleus.

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Ibrahim Tyan.

4 comments:

  1. t'en fais pas, cher ibrahim on va te claquer toute la cote maritime de tours et de gratte-ciel qui t'eviteront davantage de melancolie quand tu regardes la mer (qui ne sera plus tienne, mais a ceux qui habiteront ces tours, car le vue sur la mer, c'est pas gratoche!)

    JH

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  2. Salut Joe, content de te lire.

    Voici deux petits extraits d’anciens billets publiés sur ce blog.

    …/…Ou serait-ce encore la mer, de plus en plus invisible sauf à partir des immeubles de luxe, et au mètre carré au prix du marché ? (Main basse sur la ville - 24-6-2007)
    http://lettresduliban.blogspot.com/2007/07/main-basse-sur-la-ville.html

    …/…je contemplais le panorama incomparable de cette Méditerranée vue d’en haut, (privilège désormais réservé aux Libanais riches et aux ouvriers Syriens sur les chantiers de Solidere-sur-mer), et qui étendait a perte de vue sa vibrante enclume bleue sous le marteau implacable du soleil de Juin. (E la nave va - 22-6-2008)
    http://lettresduliban.blogspot.com/2008/06/e-la-nave-va.html

    Avant, cela me faisait très mal de voir ma ville dénaturée de la sorte ; mais depuis que je me suis rendu compte de l’approbation ou de l’indifférence de la majorité écrasante des Libanais, je ne peux que leur souhaiter ‘’Mabrouk’’, et bonne chance pour un avenir qu’ils ont mille fois mérité.

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  3. Lorsque je suis dans mes calanques à Cassis, j'ai toujours, en regardant MA Méditerranée, une pensée pour toi qui contemple TA Méditerranée juste de l'autre côté, un peu sur ma gauche...
    Amitiés,
    Sixtine

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  4. Holà Sixt’

    Le trajet entre les falaises de Cadix et les rochers d’Aïn-el-Mraïsseh s’effectue à la vitesse
    de la lumière pour ceux qui savent ‘’devenir la mer’’.

    All my best.
    Ibrahim.

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