Friday, April 30, 2010

Plus noir que vous ne pensez *












*Darker than you think.
Jack Williamson – 1948


L’existence humaine est jalonnée de brefs éclairs de félicité aussi fortuits qu’éphémères ; instants Nirvâniques révolus que l’homme cherche obstinément à recréer, et dont le souvenir souvent sublimé lui obsède la mémoire et hante l’esprit.

Mais l’aspiration incoercible du temps fonctionne à sens unique, et le terrible vortex ne restitue jamais les moments défunts.

Il faut être un vieux Beyrouthin invétéré pour ressentir pleinement le coup de cette cruelle certitude, décuplée par la disparition physique de la ville génitrice de ses passions et de ses rêves, dans les méandres de la méconnaissance et de l’oubli.

C’est vers les débuts des années 90’ du siècle dernier que je pus enfin remettre les pieds après une quinzaine d’années d’absence forcée, dans le coquet petit quartier situé sur l’infâme ‘’ligne verte’’ qui séparait les deux Beyrouth, et qui abritait la maison paternelle de ma jeunesse.

Seuls ceux qui ont vécu pareille expérience dans leur vie, peuvent se figurer pleinement l’intensité de ce qui suit :

Tel un navire déboussolé au milieu d’une mer inconnue, je restais là, incapable de me situer ; à plus forte raison, de deviner l’emplacement de mon ancien logis au milieu de ces immenses étendues désertiques, dégarnies et nivelées au bulldozer, et dont le moindre facteur externe qui irait travailler grâce aux indices de l’encodage dans mon inconscient pour me rendre un seul et unique souvenir facile à retrouver, avait été impitoyablement radié.

Semblable à Ulysse au terme de son Odyssée, qui dans un premier temps ne reconnut point Ithaque, j’aurais, de longues années durant, écumé la moitié du globe, pour me retrouver bel et bien égaré au beau milieu de ma rue, au seuil même de ce qui fut ma demeure et mon chez moi !

Si je t’oublie, ô Jérusalem que ma droite m’oublie !
Que ma langue s’attache à mon palais si je ne me souviens de toi ; si je ne fais de Jérusalem le principal sujet de ma joie !


David – Psaume 137.

Si ces paroles plus ou moins incertaines, d’un psautier plus ou moins légendaire, concernant un endroit plus ou moins déterminé et un événement historiquement indécis, trouvèrent une descendance plus ou moins contestable pour se les transmettre jusqu'à nos jours, et des crédules (et des véreux…) pour y croire (ou faire semblant) et de leur conférer (par la raison du plus fort), souveraineté, légitimité et soutien illimité, avec toutes les conséquences qui s’en suivirent ; serait-il de trop qu’un homme réel, actuel et encore de ce monde, vienne de son modeste blog libre et affranchi, chanter à tout vent, la mémoire de la perle du Levant, immolée sur l’autel de l’obscurantisme, la fourberie, le fanatisme et l’imposture ?

Et de déplorer le sort de ses crétins de compatriotes qui s’autodétruisirent sous l’œil (et le financement) de leurs ‘’frères’’, qui versaient des larmes de crocodile en suivant sur leurs écrans avec un délicieux petit frisson morbide, les prouesses sanguinaires des Libanais, tout en ruminant des feuilles de Khat et se malaxant paresseusement les glaouis !

Or il se trouve qu’une imagerie fréquemment évoquée, insiste pour représenter les Libanais en tant que peuple ‘’fortement politisé’’.

Par quel raisonnement absurde, les partisans de cette conviction sont-ils arrivés à déceler de l’éveil politique chez un pauvre hère dénué du moindre privilège civique ou social ; un pouilleux, lésé, dépouillé, affamé et abaissé dans ses droits les plus élémentaires, mais qui s’avère être malgré tout, ‘’idéologiquement ‘’ et farouchement de droite !

Un « petit-bourgeois mental » miséreux et nécessiteux, au statut personnel inferieur à celui d’un chien dans une société évoluée ; ce qui ne l’empêche pas d’entretenir religieusement les chaînes qui l’entravent et d’idéaliser la crapule qui l’exploite !

Entre ‘’Politisé’’ et ‘’Fanatisé’’, la distance se mesure par années-lumière…

****
Les nuits sont encore fraîches en cette période de l’année, et de fréquentes coupures d’électricité, rendent la corniche d’Aïn-el-Mraïsseh plus noire et plus déserte encore, pour ma plus grande félicité.

Le bruit, la saleté, la laideur, la misère, la vulgarité et le mauvais goût étalés au grand jour, disparaissent à l’intérieur du cocon noir de la nuit Beyrouthine où je m’y vautre avec béatitude, tel un fœtus au cœur des entrailles maternelles.

Accoudé à la balustrade, face à l’immensité noire et miroitante, je me laissais peu à peu emporter par le chuintement du doux ressac qui avait bercé mes nuits lointaines, lorsque le sang nouveau battait vite et fort dans mes artères, alimentant rêves et espérances, et une soif de vivre que la terre entière ne pouvait étancher.

Et je sentais, mes facultés auditives et olfactives décuplées dans l’obscurité telles celles d’un vieux loup-garou ; tellement et si bien que j’aurais juré avoir décelé l’arôme précieux d’un bégonia en fleur que j’avais remarqué à plus d’un kilomètre en venant, mêlé aux effluves lourds et iodés, faits d’algues, de lichens et d’un prodigieux bouillon naturel de culture, et qui sont les exhalations mêmes de la matrice originelle dont le souvenir immémorial demeure conservé dans le secret de chaque cellule de ma vieille carcasse éphémère.

Beyrouth. Ô mon Beyrouth.
Je suis un étranger en cet absurde carnaval.
Abrège mon calvaire.
Emmène-moi là où tu es parti.
Efface ma honte et mon désespoir.
Reprends-moi dans ta paix et ta sérénité.


Ibrahim Tyan.

14 comments:

  1. « Malgré ceux qui travaillent à éteindre le feu sacré de l’Eucharistie, à travers la grande mission de l’Eucharistie, je ferai revivre avec force l’amour eucharistique de mon Fils dans les cœurs, pour ceux qui s’unissent à l’offrande de mon Fils à la messe et font pénitence par des jeûnes.
    Ce qui est difficile, ce n’est pas la mission, mais l’oppression de mon adversaire. Comprenez que les toutes-puissances du Royaume de votre Père du Ciel s’affrontent, dans cette humanité, à toutes les forces des ténèbres. Ils savent très bien que face au Père, au Fils et à l’Esprit-Saint et à mon Cœur Immaculé, ils sont impuissants, mais ils déploieront tous les moyens possibles pour vous déstabiliser.
    Beaucoup portent la croix sur la terre. Ils multiplient ainsi les grâces pour mes enfants. Ils sont une protection spirituelle pour cette humanité, dans l’invisible, car comprenez que tous ceux qui portent la croix travaillent dans le Ciel et sur la Terre. Cette humanité sera glorifiée par la gloire de mon Fils. Louez-Le de tout votre cœur, car Yahvé a fait pour vous des merveilles. »


    122. Message de la Vierge Marie reçu par Micheline Boisvert Tome 1
    décembre 1999, page 172

    ReplyDelete
  2. Prière enseignée par Jésus à Myrna Nazzour. Soufanieh à Damas.


    Bien aimé Jésus,
    accorde-moi de me reposer en Toi,
    par-dessus toute chose,
    par-dessus toute créature,
    par-dessus tous Tes anges,
    par-dessus tout éloge,
    par-dessus toute joie et exultation,
    par-dessus toute gloire et dignité,
    par-dessus toute l'armée céleste,
    car Toi seul es le Très-Haut,
    Toi seul es Puissant et Bon par-dessus tout.
    Viens à moi et console-moi et délie mes chaînes,
    et accorde-moi la liberté.
    Car sans Toi ma joie est incomplète.
    Sans Toi ma table est vide.

    ReplyDelete
  3. Prière enseignée par Jésus à Myrna Nazzour


    Bien aimé Jésus,
    accorde-moi de me reposer en Toi,
    par-dessus toute chose,
    par-dessus toute créature,
    par-dessus tous Tes anges,
    par-dessus tout éloge,
    par-dessus toute joie et exultation,
    par-dessus toute gloire et dignité,
    par-dessus toute l'armée céleste,
    car Toi seul es le Très-Haut,
    Toi seul es Puissant et Bon par-dessus tout.
    Viens à moi et console-moi et délie mes chaînes,
    et accorde-moi la liberté.
    Car sans Toi ma joie est incomplète.
    Sans Toi ma table est vide.

    ReplyDelete
  4. @ Rachel.

    Merci pour toutes ces saintes paroles, mais je crois que vous vous trompez de blog.

    Ne m’envoyez plus de ces messages pour ne point m’obliger de recourir à quelque chose que je déteste, comme par exemple les effacer.

    ReplyDelete
  5. carla maroun colletSaturday, May 01, 2010

    Monsieur,
    Votre page est triste, et les bondieuseries futiles plus haut me font pleurer... de rage...Personne ne pourra vous enlever les souvenirs ni les pensées...Le matériel part et les souvenirs restent... incrustées dans nos mémoires...à jamais.C'est ce qui rend fort lorsqu'on est exilé....

    ReplyDelete
  6. @ Carla Maroun Collet.

    Effectivement chère Madame !

    Profiter de l’hospitalité d’un forum pour PRÊCHER, et de celui-ci en particulier n’est ni intelligent, ni délicat. Mais passons…

    Pour le reste, vous avez amplement raison de qualifier cette page de triste ; d’ailleurs la couleur y est résolument annoncée à partir du titre même.

    Les anciens Beyrouthins qui ont bien connu le Beyrouth d’antan, ne peuvent s’empêcher d’éprouver pour leur ville d’aujourd’hui un sentiment d’amour-répulsion assez déchirant.

    Etre en exil n’a jamais été agréable ; mais se sentir un étranger dans son propre pays est atroce.

    Merci d’avoir pris la peine et le temps d’écrire.

    ReplyDelete
  7. Vous avez raison : veuillez effacer - ça doit être possible- tout ce que je vous ai envoyé, y compris l'appel à vous occuper de vos animaux.

    ReplyDelete
  8. Une pure merveille ! Une envoûtante beauté ! Un charme indicible ! Cette insondable noirceur et cette brillante mise en abîme parent ton texte d’une scintillante irréalité ! La tragédie d’une ville sublimement magnifiée par l'exaltation d’un amoureux transi qui sait jouer à la perfection du jeu des ombres et des couleurs, sans sensiblerie et sans compassion inutile.

    Beyrouth transformée comme par magie en une "belle ténébreuse" qui mérite qu’on lui dise après Baudelaire :

    "Que vous sert, courtisane imparfaite,
    De n'avoir pas connu ce que pleurent les morts ?"
    — Et le vers rongera ta peau comme un remords.

    BeO

    ReplyDelete
  9. Bonsoir Cher Béchir.

    Les interventions du Maître des ‘’Heuristiques’’ sur le forum de ce modeste blog sont toujours des événements à retenir.

    A part les deux ou trois kilomètres, écrasés de soleil et ouverts sur l’immensité bleue, et que les entrepreneurs ont épargné pour des raisons que j’ignore, rien ne subsiste plus du pays de cocagne que toi et moi avons jadis connu, et dont l’image même s’estompe dans ma défaillante mémoire déjà saturée par trop de souvenirs…

    Si la Dégradation, l’avilissement, la dépravation, la corruption, la profanation, le viol, la Saleté, le galvaudage, la débauche, le déshonneur, le maquereautage et le tripotage viendraient à se matérialiser, ils ne trouveraient de forme plus adéquate que celle de la hideuse agglomération urbaine qui usurpe aujourd’hui jusqu'à l’identité Beyrouthine, et qui a été établie pour des générations à venir par les néo-filous de la ‘’culture de la vie’’.

    Merci pour tes magnifiques propos cher ami, qui prouvent que le Béchir d’antan qui n’a jamais cherché midi à quatorze heure est toujours là, (et pour de longues années inch’Allah comme le dirait notre cher Abou-Ragheb) mais aussi pour le véritable tour de force qui consiste en un commentaire qui, non content de donner en plein dans le mille, va résolument (et dans la bonne direction), encore plus loin que le texte qu’il commente.

    Ibrahim.

    ReplyDelete
  10. Vieux Beyrouthin ? Toujours tes rotules douloureuses ? Deux heures de jogging journalier n'y ont toujours pas remédié ? Mais que de questions !
    Juste une pensée, en passant par là et puis, vieux Beyrouthin que jamais.
    Sixtine

    ReplyDelete
  11. :))))))))) Chère Sixt’ !

    Quelle joie que de te relire sur les pages de ce forum, tout comme au bon vieux temps !

    Le vieux Beyrouthin se porte à merveille et conserve une forme physique assez enviable pour son âge ; mais que veux-tu ! C’est un râleur de première, et perfectionniste de surplus ; d’où insatiabilité latente, tenace et chronique.

    Que deviens-tu Sixtine ? Écris plus souvent.

    Le vieux Beyrouthin n’oublie jamais celle qui par son amitié, sa verve et son esprit pétillant fut parmi ceux qui encouragèrent ses premiers pas hésitants au sein de la blogosphère.

    Amitié sincère.

    ReplyDelete
  12. Bonsoir Ibrahim,

    Vous répondez à Rachel :"Profiter de l’hospitalité d’un forum pour PRÊCHER".

    Rachel vient de mon blog. C'est une personne fidèle. Elle a suivi mon lien vers votre blog :

    http://jesusfilsdedieu.blogspot.com/search?q=Parole+de+libanais

    Si je peux me permettre, vous n'avez pas compris sa démarche. Elle ne prêche pas sur votre blog, elle voudrait pouvoir vous apporter une espérance que vous n'avez plus. C'est sa façon (détournée) de vous dire ce que d'autres vous expriment explicitement avec leurs mots, cette tristesse partagée.

    Elle espère pour vous « une foi », qui vous dégagerait du temps et des choses. Mais, vous semblez vous noyer dans votre passé, comme un homme ivre de douleur qui ne peut plus se détacher de sa chère bouteille.

    Vous êtes un artiste des mots, qui trouvez son inspiration dans un passé magnifique et révolu. Vous vous faites du mal, mais ce mal vous fait du bien aussi, il vous fait vivre.

    Je n’ai pas connu le Liban d'autrefois, néanmoins, je ressens votre nostalgie profonde, qui pénètre mon cœur. Lorsque je vous ai lu pour la première fois, je me suis dis que je ne voudrais jamais vivre ce que vous vivez et ressentez pour votre pays…

    Mon Pays la France, est précieux à mes yeux, (en vous lisant cela m’est apparu encore plus vrai). Mais aux yeux de mes compatriotes, il le sera, quand il sera trop tard. Pour le moment, la France républicaine et Franc-maçonne montre toutes ses faiblesses face à l’islam qui s’enracine en construisant des mosquées de plus en plus nombreuses avec le soutien de la gauche ennemi de toujours de la France catholique. Ma douce France n’est déjà plus. Nombreux sont les Français qui souffrent en silence, quand ils ne sont pas violentés, et je crois que cela ne fait que commencer. Pendant ce temps l’Europe détruit sans déclaration de guerre ma chère Nation.

    Lorsque cela sera accompli, j’espère que rien n’entamera ma foi, si non, les ennemis de mon identité auront gagné.

    Ma nostalgie rejoint peu-à-peu la vôtre.

    Bonne soirée Ibrahim,

    anne.kerjean

    ReplyDelete
  13. @ Anne Kerjean.

    La France était déjà ‘’Républicaine et Franc-maçonne’’ en 1792. Le seul attribut relativement récent venu s’ajouter a ce tableau est celui de ‘’Sioniste’’, advenu depuis son désavantageux mais inévitable partenariat avec les Etats-Unis.

    En outre, je ne vois pas en quoi des lieux de culte telles les mosquées (ou les synagogues) peuvent déranger ; après tout, les descendants de dizaines de milliers de musulmans enrôlés de force durant les deux grandes guerres pour servir de chair à canon, à défendre le sol et les intérêts Français, méritent bien une petite reconnaissance; sans parler d’un million d’Algériens massacrés par pur orgueil colonialiste .

    Etant un Chrétien de ce Levant, berceau du Christianisme, j’ai hérité d’une longue tradition de tolérance religieuse qui me fait respecter le droit sacré de chacun, à adorer ce que bon lui semble comme bon lui semble :

    […] « Il fut pourtant une époque où j’avais rêvé d’un état digne de la terre qu’il reçut en héritage. D’un régime capable de faire ériger face à la mer d’Aïn-el-Mraïsseh, une Synagogue, une cathédrale, une mosquée, et un panthéon dédié à la libre-pensée.

    Quatre merveilles architecturales à la gloire de la sagesse, de la tolérance et de l’esprit, qui brilleraient telles diamants au soleil, face au lapis-lazuli Méditerranéen. »
    _ « L’été meurtrier »
    http://lettresduliban.blogspot.com/2009/10/lete-meurtrier.html

    Les autres points soulevés dans votre commentaire ne m’intéressent vraiment pas

    ReplyDelete
  14. @Ibrahim Tyan,

    Vous écrivez : "La France était déjà ‘’Républicaine et Franc-maçonne’’ en 1792."

    Évidemment ! Seriez-vous Franc-maçon pour réagir aussi vivement. Votre notion de sagesse universelle le laisserait accroire.

    Pour les Algériens, la colonisation Française et les musulmans en France vous avez des idées toutes faites, c'est pratique cela évite de ce poser les bonnes questions, chacun dans son camps, les uns dans le bon, les autres dans le mauvais.

    Rêvez Monsieur, rêvez et tolérez à l'infini... (Sauf mes propos, mais cela n’a pas d’importance, croyez-le bien)

    Adieu !

    ReplyDelete