Monday, March 22, 2010

J'IRAI CRACHER SUR VOS TOMBES **



















جنس عاطل*



*(Mauvaise Graine)
_Walid Bey Joumblatt. 2009.


C’est dans l’état de ses articulations que l’on décèle les signes avant-coureurs de l’ultime déchéance physique, lorsque dans l’intimité secrète de ses rotules, l’ankylose encore bénigne mais déjà chronique, témoigne de la reptation irréversible du temps, et de l’approche inéluctable du dernier acte de la vaine mascarade.

Aussi vaines étaient mes pensées, (penser,…quelle occupation absurde !), assis devant le bleu d’Aïn-el Mraïsseh, sur ce méchant banc public où je m’étais autrefois tant illusionné, en ce début d’un mois de Mars charriant déjà dans ses effluves, les prémices d’un nouvel été meurtrier.

Pense qui voudrait ce que voudra, mais la vilaine faune mal dégrossie qui défilait devant mes yeux indifférents avec ses affreux mioches qui saccageaient sans vergogne ni retenue la flore coûteuse et inappropriée avec laquelle les Le Nôtre de la ‘’culture de la vie’’ avaient achevé de déprécier la corniche de ma jeunesse, (au détriment d’un reste de pays sauvagement frustré), m’était carrément étrangère, voire ennemie.

Car le Liban véritable c'est avant tout ce brave peuple sous développé, et toutes ces bonnes gens incultes avec lesquelles j’ai l’indicible infortune de partager le terroir et l’identité.

Leurs certitudes politiques et religieuses, leurs conceptions urbaines et civiques, leurs tendances culturelles, leurs préférences artistiques, vestimentaires et culinaires, leur logique, leur morale, et même leur manière de copuler dans le secret de leurs sordides alcôves me sont hélas, livre ouvert.

Et s’ils braient aujourd’hui leur misère, semblables aux ânes bâtés qu’ils sont, et couinent leur panique, tels des gorets que l’on emmène à l’abattoir, c’est parce que leur cortex blindé est demeuré imperméable au théorème élémentaire stipulant que celui qui consent à se laisser acheter doit s’attendre incessamment à se retrouver vendu, voire sacrifié aux temps des grandes liquidations.

Mais ils n’ont point leur pareil pour boire du petit lait lorsque le vice-secrétaire général (et Mikhaïl Kalinine) du parti d’Allah, nous gratifie de son éloquence raffinée, comme dans cette récente apparition télévisée dont voici quelques extraits :

« …Nous sommes résolument pour des élections municipales basées sur le principe de la majorité relative, et demeurons intransigeants pour leur tenue sans retard ni ajournement dans leur délai fixé par la constitution…/…mais serions cependant prêts à envisager le renvoi dédites élections vers une date ultérieure si les autres partis le jugent utile, voire de la révision de la loi entière si cela s’avère nécessaire…/ …finalement, le système qui sera adopté pour ces élections ainsi que de leur tenue ou non, nous est parfaitement égal puisque dans le cadre de n’importe quelle solution concernant ce sujet, le Hizb n’a strictement rien à y gagner et rien perdre… »

_ Merde que c’est bien dit ! Mais finalement c’est quoi ?

_ Walaw ! C’est de la dialectique Divine, Ya Hmar.

Cependant, c’est chez les Chrétiens Libanais (ces ‘’Chrétins’’…) que l’absurde tourne au tragique.

Défaits, amoindris et déchus, on les retrouve aujourd’hui réduits à l’état de deux sordides factions irréconciliables, opérant chacune de son côté en qualité de ‘’légion étrangère’’ au service des deux grands sectes Islamiques antagonistes au Liban.

Triste destin pour ceux qui constituèrent un jour, la fine fleur du progressisme Levantin, et demeurent les seuls Chrétiens de la région à jouir dans leur pays d’origine, de leur plein droit à la citoyenneté intégrale.

Qui peut aujourd’hui au milieu de l’aliénation générale, exclure la possibilité du déclenchement d’une ‘’nuit de longs couteaux’’ au sein de l’enclave Chrétienne (les Chrétiens en ont une longue tradition), qui adviendrait à un moment choisi (par d’autres), et qui aurait pour but principal de rectifier les rapports de force établis sur la scène locale depuis le précédent du 7 Mai 2008 ?

Assis à la lisière de cette ville étrangère erigée sur les décombres d’une autre dont je ne me souviens presque plus, et qu’une assez récente enquête de Paris Match désigna comme la capitale la plus laide du bassin Méditerranéen, je méditais devant l’immensité bleue sur la futilité des questions dont j’ai la fâcheuse habitude de m'en masturber les méninges, et qui vont de se demander si Léon Tolstoï mérite le titre du plus grand écrivain de tous les temps, ou que l’inachevé dans la Neuvième était quelque chose de bien voulu par le grand Ludwig ou non, en passant par le degré de l’influence Kierkegaardienne sur l’œuvre d’Ingmar Bergman, ainsi que de tant d’autres foutaises de la même veine ; alors que je SAIS qu’il n’existe le moindre espoir pour la moindre amélioration, le moindre changement ou la moindre réforme de quelque nature soit-elle, sur ce lopin de terre inculte qu’on appelle à tort : Pays.

Et que ma réalité sera indéfiniment et toujours régie par le Sayyed, le Cheikh, le Bey, l’Istiz, le Général, le Carabin et leurs semblables.
Passé, Présent et Avenir.

Sans oublier Sa Sainteté ; et même celui plus grand que lui, qui implore aujourd'hui le pardon universel pour avoir pendant longtemps, fermé les yeux sur les innombrables ‘’égarements’’ commis (sans doute par un excès de zèle) dans les rangs de ses pieuses troupes, qui ont parait-il interprété de manière fort controversable, les saintes paroles du Grand Maître Suprême : ‘’…Laissez venir à moi les petits enfants.’’







Ibrahim TYAN.

** ''J'irai cracher sur vos tombes''
Boris VIAN,1946.

9 comments:

  1. Hello l'Ami
    quel plaisir et quelle surprise de te relire, ton absence se fait remarquer.

    Je pense que l'on ai tous les deux dans le même état d'esprit,
    J'ai l'impression qu'après la pluie c'est la pluie bis repetita.

    Amitiés.

    ReplyDelete
  2. Cher Araadon…!

    Tes manifestations sur ce modeste blog me sont toujours source de joie semblable aux généreux sentiments exprimés dans ton aimable message.

    Oui, les choses ne sont pas belles à voir au Liban ces jours-ci et l’avenir s’annonce des plus épineux.

    Pour ma part, j’ai beaucoup sur le cœur ; mais la rage impuissante et le dégoût me paralysent la langue et le clavier ; primo, parce que cela ne sert à rien, mais surtout de voir le SEUL en qui j’ai cru, accumuler erreur sur erreur et ineptie sur ineptie, dans un parcours politique de plus en plus erratique, chaotique et incohérent, qui ne peut engendrer rien de positif.

    Paradoxe.
    Je dis cela tout en demeurant ASSEZ CONVAINCU de la validité de l’argumentation de l’homme, mais seulement DANS L’ABSOLU.

    Hélas en politique (surtout intérieure) cela équivaut à la valeur et l’effet d’un pet de moineau dans les airs

    Toi entre tous, sais fort bien de QUI et de Quoi je parle…

    Amitiés.

    ReplyDelete
  3. Ouh la! Une vraie tornade de rancune et de cynisme (du noble cynisme, celui dont Oscar Wilde disait que "c'est connaitre le prix de tout et la valeur de rien") Que vous écrivez bien quand vous n'allez pas bien Ibrahim! Je n'irai toutefois pas jusqu'à souhaiter que vous continuiez à vous morfondre afin de pouvoir vous lire plus régulièrement, vous qui nous avez laissé orphelin si longtemps ces derniers mois...

    Néanmoins je ne vois pas autant d'incultes que vous ya sayyid. Bien au contraire j'ai été époustouflé par le nombre d'intellectuels et de chercheurs que ce tout petit pays est capable de produire. Il y en a au moins un ou une dans chaque université européenne, américaine, canadienne...

    Quand au Sayyed, Cheikh, Bey, Istiz, Général, Carabin et leurs semblables... régissent-ils plus votre vie et votre coeur que le Tolstoï que vous mentionnez ou tout autre grand de votre panthéon littéraire ya sahabbi?

    Continuons à nous sauver esthétiquement, poétiquement à défaut de le pouvoir politiquement. Sans compter, récompense ultime de l'âme errante parmi les ombres projetés des Cèdres sur le sol fracassé: la beauté des femmes libanaises :D

    Croyez-vous que je commets une erreur en m'y voulant installer?

    Amitiés,

    C.


    PS: avez vous lu les deux derniers Richard MILLET?

    ReplyDelete
  4. This comment has been removed by the author.

    ReplyDelete
  5. C’est avec un plaisir sincère que je vous retrouve sur ce modeste forum cher Cédric et vais essayer de vous répondre point par point.

    Si je ne renie pas un certain cynisme (du moins dans la forme) tel que vous le mentionnez dans votre intéressant commentaire, cependant, des termes tels que : ‘’désespoir’’, voire de ‘’nihilisme’’, me semblent plus aptes à reproduire l’Atmâ du texte, plutôt que celui prosaïque de : ‘’rancune’’ ; et ce n’est pas peu dire.
    C’est Victor Hugo qui écrivit dans : ‘’les travailleurs de la mer’’ : « Le désespoir, c'est presque la destitution de l'âme.»

    Je vous remercie infiniment pour la flatteuse opinion que vous avez des Libanais, (dans l’espoir de la voir un jour partagée par les services de sécurité des aéroports du monde Occidental) et convient volontiers que le Liban à engendré de sérieuses têtes dont je suis heureux d’en connaitre personnellement et intimement quelques uns, tant au Liban qu’à l’étranger.

    Une petite allégorie, (que voulez-vous, je demeure un Méditerranéen pure souche) : Si une seule mouche dans un verre de bon lait frais suffit pour vous en dégoûter ; une cuillerée de bon lait frais dans un verre de mouches crevées est-elle suffisante pour vous en affriander ?

    Je me suis essayé à cette « Marginalité Glorieuse de l’intellectuel face a la barbarie et la terreur, le despotisme et l'imposture » (Lettres du Liban – 14/12/2008) et trouvé que cela ne me vaut rien. Primo, parce que je ne suis pas intello et secundo parce que j’ai préféré depuis ma prime jeunesse, Rabelais à Montaigne.

    Tout me porte à croire que vous êtes aussi un homme de cœur cher Cédric, alors pour ce qui est de votre décision de vous installer au Liban ou non, ALL YOU HAVE TO DO IS TO FOLLOW YOUR HEART.
    Une petite confidence en passant : Cela fera bientôt quarante ans que je suis à la quête d’une nana qui accepterait de disputer avec moi une bonne partie d’échecs une fois la bagatelle consommée, alors qu’on est dans cet état merveilleux d’harmonie et de paix profonde, la tête sereine et les sens affutés. Mais rien à faire...
    Alors sur ce chapitre, je vous souhaite un peu plus de chance que moi ;-)

    Ibrahim.

    Ce que j’ai lu de Millet ne m’a pas très convaincu ya Oustaz, alors je me rabats sur quelque chose qui marche mieux avec moi, L-F Céline par exemple ou Cendrars, et parfois un bon San-Antonio.

    ReplyDelete
  6. Désespoir plus que cynisme certainement...

    La marginalité de l'intellectuel, sa tentation du retrait autistique du monde n'est que réaction à ce monde, en effet. S'il se retranche physiquement, il réagit toujours mentalement à ce monde. Comment pourrait il en être autrement? J'aime ce passage des méditations pascaliennes de Bourdieu (ouvrage que vient opportunémment à moi le magnifique blog de critique littéraire et sciences humaines de Jean Jadin):

    "On pourrait, par un jeu de mots heideggerien, dire que la disposition est exposition. C'est parce que le corps est (à des dégrés inégaux) exposé, mis en jeu, en danger dans le monde, affronté au risque de l'émotion, de la blessure, de la souffrance, parfois de la mort, donc obligé de prendre au sérieux le monde (et rien n'est plus sérieux que l'émotion, qui touche jusqu'au tréfonds des dispositifs organiques), qu'il est en mesure d'acquérir des dispositions qui sont elles-mêmes ouerture au monde, c'est-à-dire aux structures mêmes du monde social dont elles sont la forme incorporée." (Pierre Bourdieu, Méditations Pascaliennes)

    C'est d'ailleurs certainement ce qui fait que le Liban a produit un nombre aussi considérables d'intellectuels et de poètes en regard de sa superficie, pour faire le lien avec un autre thème abordé dans le commentaires précédents.

    A ce titre, et pour boucler la boucle, les deux derniers Millet valent le détour, particulièrement le récit "Brumes des Cimméries" (Gallimard, 2009)

    ReplyDelete
  7. Avec la nulle intention d’argumenter et surtout de surenchérir (ridicule), j’expose le plus platement, le plus brièvement mais le plus explicitement possible, non point ce que je pense (sans importance), mais ce qui effectivement EST.

    Désormais, c’est la racaille (et la racaille seule) qui mène au Liban ; d’un bout à l’autre et de la base au sommet.

    Entretemps, je m’en vais effectuer une seconde virée parmi les succubes de l’apprenti démonologue de chez Gallimard, parce que c’est Oustaz Cédric qui me le conseille. :) ;-)

    ReplyDelete
  8. Au vue de votre présente salve, vous étiez peut être à ce rassemblement ya sayyid?

    http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2010/04/25/AR2010042501107.html

    ReplyDelete
  9. Non ya Oustaz, et pour cause :

    Au cours des récentes années passées, le plus long sit-in de l’histoire, qui paralysa pendant de longs mois le centre de Beyrouth, ponctué par des manifestations monstres dont l’une fut estimée à un million de participants, ne firent même pas ‘’ciller’’ le gouvernement Libanais, (S.E. Fouad Sanioura, dixit).

    Par contre, il aurait suffi de quelques heures au cours la journée du 7 Mai 2008, pour faire changer radicalement d’attitude et de cap à toutes ces bonnes gens.

    Certains régimes ne comprennent que de cette manière.

    Et puis, Ibrahim est trop vieux pour jouer au boy-scout ; cependant, les gentils manifestants de Dimanche dernier auront toujours droit à sa sympathie :)))))))

    Amitiés.

    ReplyDelete