Wednesday, April 8, 2009

Le déclic d'Aïn-el-Mraïsseh, ou les effets du surdosage en faucilles.



Ressassements ?
Nostalgie ordinaire ?
Ou tout juste un syndrome latent d’inadaptation, d’après l’hypothèse chère aux analystes du Dimanche ?

Qu’importe.

Il demeure que dans les deux photos qui suivront, il n’est guère difficile de constater, possèderait-t-on un degré de discernement n’excédant pas celui d’une linotte ou pas, le dramatique contraste entre la grâce élégante du petit sérail qui siégeait a l’ancienne place des canons, (le tout, disparu depuis sous les chenilles du cannibalisme socioculturel), et le sinistre alignement des actuelles faucilles noires de l’inculture et de la vulgarité, avec leurs becs acérés se détachant sur le crépuscule flamboyant d’Aïn-el-Mraïsseh tels des oiseaux de cauchemar générés par le crayon fantasque d’un Philippe Druillet.





Mais la perte irréparable d’anciennes places et de vieilles pierres, entraînant la dissipation graduelle de toute mémoire inhérente, demeurera un malheur relativement secondaire devant la perspective d’un avenir dont les prémices annoncent l’ascendance inéluctable d’une nouvelle Medellin a la place de ce qui fut jadis la capitale mythique de la Suisse du Levant.

Acculé entre deux aberrations dénaturées et survivantes de la préhistoire, dont l’une n’est qu’un immense Goulag Stalinien et l’autre une réplique Biblique de ce qui fut l’enclave Rhodésienne d’Ian Smith, le Liban, affligé en surplus d’un régime dont le banditisme et la corruption forment la constitution véritable, ainsi que d’une population composée en majorité de pitoyables quadrupèdes fanatiques et sous-développés, s’est définitivement engouffré dans l’étroit couloir qui ne peut mener qu’a une seule porte : celle des chiottes publiques.

Mais il serait injuste d’accabler excessivement le Liban et les Libanais lorsque l’on constate que ‘’l’élite’’ qui compose les quelque 1/5 de la population mondiale, et qui continue d’accaparer de gré ou de force les 4/5 des ressources planétaires, s’obstine dans son arrogance capitaliste a s’injecter frénétiquement Trillion sur Trillion dans une tentative absurde pour renflouer une économie irrémédiablement estropiée, plutôt que d’avoir le courage de recourir une bonne fois aux solutions drastiques et inévitables ; ce qui leur épargnerait (et le reste du monde) l’imminence d’un désastre généralisé, dussent-ils pour cela étouffer leur voracité colonialiste a peine dissimulée sous un lustre rendu tellement mince qu’il ne sert plus qu’a leurrer quelques Bédouins crédules.

Et voila.

Le buffet de la démagogie populiste est rouvert ; avis aux amateurs…

* * * *

Une faucille noire interposée entre mon banc de pierre d’Aïn-el-Mraïsseh et la Méditerranée semble me narguer de son méchant bec crochu.

Par quel truchement mystérieux de l’inconscient, cette hideur urbaine me ramena aux ‘’Caves du Vatican’’, le récit burlesque d’André Gide ? Allez donc savoir !

De fil en aiguille ma mémoire vagabonda de Gide à Raskolnikov, le personnage central de "Crime et Châtiment" de Dostoïevski, avant de s’arrêter sur le dialogue entre les deux frères, Glaucon et Adimante, du le livre III de ‘’La République’’ de Platon.

Je dois au discours de l’illustre Athénien sur l’autonomie ou l’hétéronomie de l’acte, le déclic qui mit fin à mon nomadisme cérébral.

Jaillie des tréfonds comme Moby Dick face à Achab, la décision était là devant moi aussi soudaine que brutale.

Alors que par principe je n’avais encore jamais voté de ma vie, je quitterais ma tanière du Metn-Nord dans la matinée du Dimanche 7 Juin 2009, et me rendrais à Achrafieh pour glisser dans l’urne électorale la liste du Tayyar, Zaï ma hiyé.

Si pour Meursault dans ‘’l’Etranger’’ de Camus, « C’était a cause du soleil », pour moi, c’est a cause des faucilles.

Il y en avait une de trop.

Ibrahim Tyan.

10 comments:

  1. Ils peuvent prostituer certaines vérités, momentanément, mais il ne pourront jamais violer notre Mémoire Ibrahim.

    Quel régal ce texte, et quelle subtilité, pour celui qui sait lire.

    Un grand merci pour ces moments de plaisir ruisselant à la lecture de tes billets.

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  2. Cher Fadi

    Je suis touché au plus haut point par ton appréciation, par ailleurs mutuelle.

    La nausée, des caisses en carton contenant des denrées alimentaires distribués aux nécessiteux, des scolarités réglées aux démunis et des dollars stockés pour acheter les voix des affamés, me demeure encore.

    La justice sociale selon Haroun-el-Rachid !
    Merci, trop peu pour moi.

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  3. En 1988 ou 1989 Oger Liban distribuait, pour le compte des saoudiens (le père Harii) les denrées alimentaires dans les quartiers chrétiens. Des jeunes se sont aventurés à sonner chez moi, à Gemmayzé. Il ny a jamais eu une deuxième tentative. Inutile de te dire que mon amour propre, en a été durement touché.
    20 ans plus tard, le même refrain, la même note, la même honte.
    Ils me semblaient que nos con-patriotes méritent mieux que ça.
    Oui la nausée Ibrahim, mieux l'Urticaire.

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  4. A la même époque, feu ma mère reçut une visite similaire dans sa maison à Sioufi, Achrafieh.

    Connue pour son humour dévastateur, elle renvoya les jeunots tout penauds sur ces paroles :

    ‘’Vous n’allez pas quand-même me faire croire que ces misérables babioles sont le cadeau d’un grand roi comme Fahd !
    Ou sont donc les pièces d’or et le mouton méchoui ? Vous les avez sans doute gardés pour vous-mêmes petits vauriens.’’

    Comme on est des ingrats ya Fadi…:))))

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  5. Joyeuses Pâques Ibrahim,
    Paix à toi et à tous ceux qui te sont proches.
    Amitiés

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  6. Merci cher Fadi pour ta délicatesse et tes vœux sincères ; a mon tour de te souhaiter ainsi qu’a tes bien-aimés, santé, prospérité et bonheur.

    AL MASSIH QUAM.

    En espérant en une résurrection du Liban qui adviendrait alors que j’y serais encore de ce monde, pour m’en réjouir…
    Ibrahim.

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  7. cher Ibrahim,
    tout d'abord,je tiens à vous dire que c'est toujours un grand plaisir de vous lire,car vous nous donnez,chaque fois que vous "prenez la plume",une leçon magistrale du maniement de la langue française comme peu de français sont capables de le faire(à commencer par votre serviteur).
    d'autrepart,j'apprécie ce sens de l'humour que vous maniez également à merveille.
    enfin,et j'en viens à votre texte(et plus précisément à la photo qui l'accompagne),ces "faucilles" que vous "aimez" tant m'évoquent un triste alignement de sordides potences dans le soleil couchant...pas très réjouissant tout cela,mais c'est l'image qui a flashé mon cerveau!

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  8. @ Anonymous.

    Cher Monsieur,

    Recevoir un témoignage d’estime (même immérité) tel que celui que vous avez la grande amabilité de m’en gratifier sur ce forum, a toujours été pour moi un moment d’émotion véritable.

    Et quoique je croie en toute franchise que les modestes lignes libératrices griffonnées sur ce blog n’en méritent pas tant, je ne peux que vous remercier sincèrement pour votre encouragement.

    Fameuse image que celle des potences alignées au soleil couchant ! Non seulement elle est riche en symbolisme, mais elle m’a fait penser par la même conjoncture a François Villon…

    Bravo.

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  9. Je lis vos billets depuis de nombreux mois et je souhaite également vous indiquer à quel point ils me plaisent beaucoup.

    Ce "déclic" (venant contredire, ou à tout le moins amoindrir, un autre "déclic" intervenu chez vous l'an dernier ?)parle à tous, il me semble : il est une libération.

    Très prochainement, j'aurai l'occasion d'aller voir ces magnifiques faucilles, de passage à Beyrouth. Une photo s'imposera, naturellement.

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  10. Merci SJM pour votre commentaire subtil et perspicace ;-)

    Je suis également flatté et ravi de constater la justesse avec laquelle vous décrivez en peu de mots les étapes et tournants majeurs de la pensée advenus sur ce blog, chose qui ne peut résulter que d’un suivi aussi attentif que régulier.

    Bienvenue au pays du cèdre...et des faucilles :)

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