Wednesday, August 20, 2008

La rupture et le mépris.


Beyrouth ne me manque plus depuis que j’ai cessé de me considérer d’elle, et elle de moi.

Comment en sommes-nous arrivés là ?

Je ne le sais (que trop) et ne veux pas le savoir.

Même que la langueur des vagues de cette Méditerranée ancestrale qui viennent de leur écume d’argent et de lumière caresser les rivages maudits d’Aïn-el-Mraïsseh, me ramènent désormais d’autres images où se mêlent les ombres de Médée la tragique, de Calypso l’ensorceleuse, et de l’émouvante Nausicaa, belle comme Artémis et qui porte avec une muette grandeur, la cruelle meurtrissure d’une passion sans espoir.

En aboutissement inexorable a la noire malédiction du père, Polynice à la tête d’une armée étrangère, franchit sous le regard scrutateur de Sophocle la septième porte de Thèbes, et partit glaive à la main, a la recherche de son frère Etéocle, tous deux fruits incestueux des amours interdits d’Oedipe et de Jocaste.

Eclairés par des flambeaux géants dans l’amphithéâtre immense, les jeunes filles et garçons du coryphée, tous de lin vêtus tels des colombes blanches, s’alignent en un demi-cercle parfait autour de leur roi debout, que deux esclaves en génuflexion achèvent de revêtir de pourpre et d’airain.

Du cœur de la nuit, les lamentations du chœur montent vers la voûte étoilée.

_ Ne te rends point a la septième porte ; nous t’en conjurons ô notre roi bien-aimé…

Monolithe statique, le noble Etéocle lève lentement le bras, et toutes les voix se taisent.

La vibration de son timbre grave vrille alors l’épais silence.

_ Si ma mort m’attend à la septième porte, j’irais moi-même à sa rencontre.

* * * *

De la devise ‘’connais-toi, toi-même, laisse le monde aux dieux’’ gravée sur le fronton du temple d’Apollon a Delphes, Socrate ne retint que ‘’connais-toi, toi-même’’, et fit pour cela figure de contestataire de par sa vénération pour ces dieux tout en avouant son ignorance a leur égard.

Mais ne vaut-il pas mieux une ignorance qui se connaît, qu’une ignorance qui s’ignore ? Et d’être en possession d’une science : celle de son ignorance, plutôt que d’être affligé selon Platon de ‘’double ignorance’’ par le fait de ne pas savoir, et de vivre dans l’illusion de son savoir ?

La connaissance et la maîtrise de soi ainsi que l’affranchissement des spéculations idéologiques et des explications théologiques demeurent les piliers essentiels de la pensée Socratique.

Depuis, que nous a-t-on servi de vraiment mieux ?

* * * *

Un organisme qui a définitivement et irrémédiablement perdu toutes les facultés nécessaires pour une existence saine et normale, voila ce qui est advenu du Liban d’aujourd’hui.

Dès 1948, les Libanaise sont partis pour se faire volontairement incuber du mal venu de part et d’autre de leurs frontières ; mais à quoi bon en parler puisque cela ne sert vraiment plus a rien.

Il n’existe pas de remède connu pour le SINDA (Syndrome Immunitaire National Déficient Acquis).

Alors restons stoïques et amusons-nous comme on le peut des futilités ordinaires des Libanais.

Chaque fois que je regarde Ziad Baroud sur la photo officielle qui réunit les membres du nouveau cabinet ministériel, un petit sourire presque attendri me vient aux lèvres.

Que fait donc ce petit jeune homme propret qui fleure bon l’USJ, et ‘’le garçon très bien’’ des années 1960, avec juste la touche nécessaire d’arrivisme pour faire de lui un lauréat plutôt qu’une crapule, au sein de cette horde de nécrophages ?

En se distançant en tapinois du ‘’Mouvement de Renouveau Démocratique’’ pour se positionner tout aussi discrètement dans le camp du ‘’wonderful’’ centurion sur le retour, Ziad a décroché le gros lot sous la forme du portefeuille ‘’souverain’’ de l’intérieur.

Hélas, mille fois hélas !
It’s too little too late.
Much too little and much too late…

Infiniment moins sympa est le cas du bébé-éprouvette miracle du Tayyar qui, fidèle a la pensée inexistante de son parti, inaugura son mandat au ministère des télécommunications par le ferme engagement (émis bien entendu sans l’ombre de la moindre étude préliminaire) de réduire immédiatement et drastiquement les tarifs aberrants que le Libanais paye sur l’utilisation de son portable.

Sanioura (le vicelard) le laissa suffisamment s’enliser dans ses promesses publiques avant de lui balancer a la figure le relevé général des revenus de l’état dont les perceptions sur le portable représentent presque les 42% de la totalité desdits revenus. (Preuve terrible du fiasco économique Libanais…mais ça, c’est une autre histoire).

_ Maintenant que tu sais tout mon grand, libre a toi de faire ce que bon te semble ; mais lorsque dû a tes ‘’réformes’’ nous ne pourrions plus régler les soldes de l’armée et des FSI, il sera de mon devoir d’en révéler les causes et de dénoncer publiquement les responsables.

Et VLAN !

* * * *

Il est une phrase de Jean-Luc Godard qui me revient constamment ces jours-ci : «Si vous n'aimez pas la mer, si vous n'aimez pas la montagne, si vous n'aimez pas la ville... allez vous faire foutre !»

Ibrahim Tyan

* Visitez : Les carnets du Beyrouthin

2 comments:

  1. Salut Ibrahim et bon retour! J'espère que tu as passé de belle vacances :)

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  2. Merci Kheir, je n’ai jamais pu achever mes vacances comme planifié au préalable, mais j’ai quand-même pu cette année, m’offrir tant bien que mal un mois de repos.

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