Tuesday, March 22, 2016

OMBRES ET VISAGES 2016

Ce fut au cours d'un bel après-midi radieux et Printanier de l'année de ‎grâce 1975, que les premiers obus déchirèrent la sérénité Dominicale des ‎faubourgs de la région Beyrouthine et Chrétienne d'Achrafieh, inaugurant ‎du même pas la pratique sinistre et encore inconnue au pays du cèdre, du ‎pilonnage aveugle des zones résidentielles à des fins purement terroristes. ‎ 

En ce Dimanche-là, je me trouvais dans la vieille maison paternelle située ‎au cœur de cette région coutumièrement rutilante de vie et de couleurs, et ‎que la guerre changea en moins de rien, en une longue file de ruines ‎désertes qui divisait en deux, un Beyrouth désemparé de se retrouver livré ‎du jour au lendemain aux pires sévices de l'absurdité humaine.‎ 

Aujourd'hui encore, je garde dans les oreilles le chuintement sourd laissé au ‎passage du premier projectile qui alla s'écraser devant mes yeux incrédules au beau milieu de la ‎chaussée, sitôt suivi par un second qui percuta ‎en plein la toiture au-dessus de ma tête dans une détonation ‎assourdissante. 

‎Et si les bonnes vieilles briques tinrent vaillamment le coup, il n'en fut pas ‎de même pour le stuc ornemental aux plafonds qui s'effondra de toute part ‎dans un vacarme de fin du monde, remplissant la maison d'une épaisse ‎nuée poudreuse de laquelle j'émergeais à moitié groggy, et plus blanc que ‎la conscience du regretté Rachid Effendi qui se prélasse à l'heure qu'il est ‎dans les vastes lupanars d'Allah, en compagnie de son pote Abou-Ammar ‎qui pointa tout irradié au Polonium Hébreu. 

Mais pour en revenir à notre sujet, ce ne fut que plus tard que je me rendis ‎compte de ma veine (!) pour n'avoir eu affaire ce jour-là, qu'à des obus de ‎mortier léger de calibre 37mm, pesant à peine1.5 Kg per unit... une babiole ‎quoi ! ‎ 

Ayant comblé par la suite cette navrante lacune dans mon éducation, je ‎devins rapidement maître en l'art de discerner instantanément le ‎vrombissement feutré d'un obus de mortier, du sifflement mélodieux d'un ‎projectile de canon de campagne, ou encore du miaulement rageur d'une ‎roquette Katioucha ; mais toute cette data partit en fumée le jour où je ‎découvris que l'obus qui aura ma peau sera celui que je n'entendrais jamais ‎venir !‎ 

Cependant, il est des réminiscences que je conserve farouchement et que ‎je me suis férocement interdit d'oublier ; à commencer par le fait que les ‎premiers obus dont il est question tout le long de ce texte, furent tirés par nos ‎frères Palestiniens appartenant au mouvement politique et militaire ''As-‎Saika'', créé de toute pièce et contrôlé par nos autres frères Syriens...‎ ‎ 

****‎ 

Profitant d'ne accalmie relative advenue en fin de cette journée insensée, ‎je pus enfin fumer une cigarette adossé au rebord de la grande fenêtre de ‎ma chambre jonchée de livres, albums, disques et autres foutaises ‎culturelles éparpillés parmi les monceaux de gravats et de verre brisé.‎ 

Et la clarté blafarde du néon des réverbères conférait un aspect ‎étrangement fantomal à une Rue de Damas déserte à perte de vue, alors ‎qu'au lointain, sur le trottoir faisant le coin avec l'avenue Bechara-El-‎Khoury, un arbre touché de plein fouet achevait de se consumer ‎silencieusement dans les dernières lueurs du soleil mourant.‎ 

Ibrahim TYAN. ‎

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