Tuesday, September 25, 2007

L'absurde, l'incompréhensible et l'insoutenable.



Mais tout cela n’est que balivernes, c’est l’abîme vers lequel nous nous acheminons inexorablement qui me glace ; et si je ne m’y engage plus en analyses politiques et autres spéculations, c’est que les choses sont désormais rendues dans leur crudité la plus brutale de sorte qu’un aveugle y verrait clair et qu’un sourd entendrait…

(IV) En attendant l’orage
Les carnets du Beyrouthin.
First Published Février 2007 sur ‘’Lettres du Liban’’.


* * * *

_ Que le Liban soit un pays corrompu est une chose bien connue.

_ Que la corruption y ait atteint des niveaux record dans les annales de la pourriture et de la dépravation est un fait plus que probable.

_Que le vice n’y est plus l’apanage de la classe dirigeante et des hautes sphères de la société, mais de tout un peuple, est une effrayante perspective.

Mais que la corruption soit uniquement la conséquence d’un système bâti sur les différends confessionnels, est une théorie discutable qui équivaudrait à laisser échapper le réel pour aller à la poursuite de l’abstrait.

* * * *

Il m’est certain qu’une bonne partie du peuple Libanais est restée indifférente au massacre de ses soldats par les tueurs de Fath-el-Islam et des combats héroïques et meurtriers que durent livrer par la suite les officiers et soldats Libanais pourtant manquant cruellement en effectifs les plus élémentaires, avec une abnégation de Kamikazes, contre un ennemi fanatique retranché derrière un labyrinthe de fortifications et doté d’un matériel ultramoderne, pour sauvegarder le moral et l’unité de l’armée et de la nation.

Quant aux pancartes et calicots glorifiant l’héroïsme de nos soldats, qui ont germé soudainement comme des champignons dans les rues et quartiers de la ville, vous en conviendrez avec moi qu’ils n’étaient pour la plupart que de la vulgaire poudre aux yeux, sinon vous seriez affligés d’un cas de candidose politique aigüe, semblable à celui des jolis-cœurs pour qui la date de la Saint Valentin porte infiniment plus de signification que celle de la libération du Sud en l’an 2000.


Mais pour en revenir à Nahr-el-Bared ; comment expliquer le respect et la déférence infinies avec lesquels ont étés traitées les femmes capturées des terroristes, pourtant suspectes d’avoir activement contribué à diverses activités criminelles dans le pays ?

Certes que j’en suis fier de nos soldats dont la vaillance, la morale et l’éthique sur le champ d’honneur, les situent bien au-dessus de la lâche barbarie technologique de leurs homologues Israéliens ou Américains. Mais la galanterie militaire à aussi ses limites.

Il y va sans dire que je suis pour la convention de Genève sur le traitement des prisonniers de guerre et la charte des droits de l’homme de l'ONU et pour toutes les chartes que vous voudrez ( et dont l’Occident s’en torche quand il s’agit de les appliquer en NOTRE faveur ) ; mais je ne comprends toujours pas pourquoi ces femmes n’ont pas étés incarcérées, [dans les conditions les plus humaines bien entendu], dans une prison militaire comme il se doit, au lieu d’être gracieusement hébergées dans une mosquée à Saïda.

Et Je ne comprends également pas pourquoi elles ont étés rapatriées en vitesse, alors qu’elles auraient dû êtres soumises à un interrogatoire serré, dut-il prendre des mois, par les spécialistes de la guerre anti subversive de l’armée, qui en auraient pu leur soutirer des renseignements vitaux pour la sécurité nationale.

Devant mes yeux incrédules, j’assistais sur l’écran TV, à la scène aberrante d’une de ces femmes, emmitouflée de noir de la tête aux pieds, en pleine conversation téléphonique sur son portable que personne n’a osé lui confisquer.

Il m’a été rapporté par un ami bien informé, qu’un soldat Libanais voulant spontanément apporter son aide à une de ces femmes qui avait du mal à traverser les décombres lors de sa sortie de Nahr-el-Bared se vit cracher à la figure : _ Ne me touche pas espèce de sale porc !

* * * *

La corruption est une des expressions les plus absolues de l’égoïsme, qui consiste à mobiliser arbitrairement pour son propre profit des moyens destinés au bien public. Mais au Liban, ce stade même à été dépassé.

* * * *

Lieu : L’église du Sacré-Cœur de Badaro, date : le Vendredi 21 Septembre, circonstance : Les obsèques du député Phalangiste Chrétien Antoine Ghanem assassiné deux jours auparavant dans un attentat à la voiture piégée.

12 heures auparavant, le général Michel Aoun, leader du plus grand bloc de députés Chrétiens libres à la chambre et militant pour un Liban laïc et souverain, tout en exprimant sa grande détresse pour l’horrible assassinat qui venait d’être perpétré, annonça qu’il ne se rendrait pas aux obsèques de crainte que sa présence ne génère quelques frictions instiguées par des éléments bien connus, et qui pourraient dégénérer dans une atmosphère survoltée par les passions exacerbés et la douleur.

L’heure : vers 11 AM. L’église et bondée, les évêques en grande pompe entament en Syriaque le rituel des morts. Soudain une clameur sourde qui va en s’amplifiant monte de la foule massée à l’extérieur, et Walid bey Joumblatt franchit le portail de la cathédrale.

Voûté dans le plus pur style de Richard III, le pas lent et nonchalant, le Baron de la montagne, Nosferatu du Chouf et déporteur des Chrétiens par le feu et par le sang de leur refuge séculaire de la montagne, traversa la nef sous un tonnerre d’applaudissements et de you-yous Maronites, et le regard bienveillant des princes de l’Eglise Catholique Apostolique et Romaine, dont les cloches des églises désormais silencieuses du Chouf, reposent en guise de trophées de guerre dans les donjons du chateau féodal de Moukhtara.

* * * *

Maintenant je sais que la corruption émane de la nature même de l’homme.

Maintenant je sais jusqu’où elle peut mener.

Jusqu’à l’absurde, l’incompréhensible et l’insoutenable.

Ibrahim Tyan.


* Visitez « Les carnets du Beyrouthin ».

12 comments:

  1. Walid Bey avait les larmes aux yeux. Larmes de crocodile? Derrière lui, se trouvait Geagea et à côté de lui, Amine Gemayel. Ces trois individus, grands responsables de tant de malheurs dans les années 80, se trouvent maintenant dans le même camp. Et s'ils s'étaient entendus en 1983! ça nous aurait évité la guerre de la montagne, la mort et le déplacement de dizaines de milliers de libanais, de même que le prolongement de la guerre jusqu'en 1990. Le Liban, une démocratie? non, loin de là. C'est une oligarchie de mafieux, partageant la 'représentativité populaire' avec des intégristes à la solde de l'Iran. Le Liban qu'on regrette, c'était le Liban de la coexistance et de la diversité dans le respect mutuel. Ce Liban a été assassiné en 1975, quand on a commencé à tuer selon la confession inscrite sur les cartes d'identité.

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  2. Le beau Liban est parti à jamais ya Kheir…

    Il demeure qu’avec le Hamas grandement affaibli, l’Iraq désagrégé, et tous les autres pays Arabes domestiqués, L’IRAN reste le seul objectif Israélien dans la ligne de mire.

    Depuis 2 ans je répète la même rengaine : Israël, par l’entremise de la direction de Bush, dispose aujourd’hui de moins d’un an pour en finir avec la menace d’un Iran nucléaire. Et elle le fera, du moins elle tentera de le faire, dans les plus brefs délais.

    C’est pour elle une question de vie ou de mort.

    Une fois l’Iran estropié, le régime Syrien sera fortement diminué et le Hizbollah Libanais encore plus.

    Dans un cas pareil, je crains que ton ‘’oligarchie de mafieux’’ ne gouverne le Liban pour très longtemps.

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  3. Triste est le sort des moutons de panurge. L'assassin Walid Bey doit rire jusqu'à l'étouffement, les déplacés le sont toujours et celui qui en a été le maestro est plébiscité. Rien à redire tellement l'amnésie est contagieuse.

    Sur un autre plan et sans vouloir polémiquer, force est de reconnaître que nos aieux n'ont jamais su édifier une nation. Le libanais change d'appartenance comme il change de chemise. Dans quel coin perdu au monde des élus de la "nation" se réunissent en conclave sans savoir pour qui voter et pis sans savoir qui sont les candidats à la magistrature suprême ? Voilà que nos Hommes politiques ivente une nouvelle et glorieuse forme de démocratie.

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  4. " Puisqu'ils ont osé, j'oserai aussi, moi. La vérité, je la dirai, car j'ai promis de la dire, si la justice, régulièrement saisie, ne la faisait pas, pleine et entière. Mon devoir est de parler, je ne veux pas être complice". *

    J'emprunte bien volontiers cette phrase à Zola.
    Si nous n'avons qu'une seule utilité c'est d'être tout modestement, la conscience collective d'ue vrai nation en voie d'émergence que la pourriture et les servils ont complètement occultée.

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  5. euh j'avais mis un comm mais il n'a pas été publié ...

    Anyway un conflit s'annonce aujourd'hui et le Liban en fera les frais comme d'habitude.

    On pourra voir plus de concessions de la part de l'opposition, concessions refusées par l'aile pro américaine, geagea et joumblatt de la majorité.

    Ils étaient cause de la continuation d'une guerre et jouent aujourd'hui le rôle de faiseurs de guerre, impliquant le Liban, la Syrie, Israël et l'Iran.

    On aurait du sauvegarder le Liban en libanisant les problèmes...

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  6. @ Araadon

    En 1970, et malgré la différence considérable en âge et en science, une amitié très profonde me liait avec feu Maitre Fouad Rizk, juriste exceptionnel, ex ministre de la justice au temps de Fouad Chehab et co-fondateur du PPS avec Kamal Joumblatt, avant que la brouille politique ne vienne l’éloigner de ce dernier lorsqu’il découvrit, preuves à l’appui, que le ‘’nobles’’ causes que chantait à qui veut l'entendre le Gourou de Moukhtara, masquaient d’autres intentions pas si nobles que ça !

    Bref, Me. Rizk me disait : tous les dirigeants du Liban, depuis son indépendance, [ exception faite pour Fouad Chehab ] , l’ont gouverné avec la ferme conviction qu’il s’agissait là d’une ENTITÉ PROVISOIRE vouée tôt ou tard à la disparition.

    D’où leur souci d’en soutirer le maximum avant que cela ne cesse.

    Rien de plus.

    Allah Yerhamak ya Fouad, un de mes maîtres de pensée.

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  7. Hello Frenchy,

    Dommage pour le commentaire perdu !!! Blame it on Cyberia ? !
    J’aurais bien aimé le lire.

    Pour en revenir à nos moutons ( …de Panurge comme le dirait M-J, saluez-la de ma part) car je ne dirais jamais assez que tous ces pantins ne pèsent rien sans le PEUPLE qui les suit comme lesdits moutons. J’en ai parlé très explicitement dans mon article précédent : « L’infâme désunion ». RIEN ne peut s’opposer à la volonté du peuple, si peuple il y a, bien entendu…mais le pauvre peuple Libanais, volontairement mal éduqué et mal renseigné dès le début, à mal mué en un peuple sourd, aveugle et ÉTEINT.

    Mais qui n’a pas son pareil pour s’entre tuer et s’auto détruire.

    Vous citez Geagea et Joumblatt, comme étant ‘’l’aile Américaine’’ de la majorité, ce qui n’est que vérité. Mais vous pouvez y ajouter sans le moindre risque d’erreur Sanioura et Saad, car l’aile Saoudienne agit avec la carte blanche des USA. L’histoire des faucons et des colombes au sein de la majorité relève du plus pur scenario sans plus.

    J’ai écrit il y a pas mal de temps un article intitulé « passation de pouvoirs » qui pourrait y jeter une petite lumière si jamais vous avez le temps…
    http://lettresduliban.blogspot.com/2007/04/passation-de-pouvoirs.html

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  8. Me Rizk avait raison, Fouad Chéhab a été le seul à avoir cru au Liban, il doit se retourner dans sa tombe. Heureusement pour lui, il est mort en 1973, avant de voir la calamité qui s'est abattue sur notre pays. Paix à son âme.

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  9. @ Kheir

    Mais il prévoyait déjà ce qui allait advenir au Liban. Il l’a maintes fois répété devant ses amis et proches, et il en souffrait.

    Donc je doute fort qu’il soit parti la paix dans l’âme.

    C’est la coalition tripartite Chrétienne de Chamoun/Gemayel/Eddé qui lui a saboté tout son travail.

    Ça vous rappelle quelqu’un d’actuel ?

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  10. C'est vrai, Ibrahim, ce qu'on appelait le Helf...il est dommage qu' Eddé en faisait partie. Je pense que Raymond Eddé était honnête mais naïf. Il était le seul député à ne pas approuver les accords du Caire, et il a été toujours respecté à Beyrouth Ouest.

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  11. Rien à redire sur l’intégrité de Raymond Eddé, l’homme de ce côté-là était irréprochable. Mais question réalisme politique, il était plutôt comme la Pompadour, prisonnier de sa bulle dorée.

    Un passage au café d’Aaïn-el-Mraïsseh et une collation de ‘’Fatteh’’ avec les pignons dorés au Samné déversés sur le ‘’Laban’’ prise à 4H DU Mat’ chez Abou Adnan à ‘’Horch Beyrouth’’ lui auraient mieux ouvert les yeux sur la réalité qui l’entoure, plutôt que le thé Suranné chez les Trad et les Sursok.

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  12. hello

    j'aurais une question

    vous préférez un lien vers lettres du liban et le beyrouthin?

    je croyais que le blog était transféré la bas

    Anyway, a propos de corruption et de la guerre qui se prépare, j'ai écris les 2 dernières notes à ce sujet.

    La guerre est décidée et le Liban en sera assassiné

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