Thursday, June 23, 2011





Et ne nous laissez pas, succomber à la tentation.
(Pater Noster).

Lorsque Jacques Delors, persuadé de ne pouvoir disposer de la majorité nécessaire pour l’application de sa politique, refusa en 1994 de se porter candidat à la présidence malgré les instances de son parti et les sondages qui le donnaient grand favori, il sonnait indirectement le glas pour toute une lignée d’hommes dont l’ère semblait à jamais révolue.

Vint alors le temps de la médiocrité. Celui des demi-portions et des subornés ; mais aussi de mon intérêt sans cesse déclinant, jusqu'à ce qu’une récente affaire qui relève beaucoup plus des tabloïds à sensation que de politique à proprement parler, ne vienne quelque peu raviver.

Ceci dit, il me faut bien reconnaître que jusque-là, le dénommé Dominique Strauss-Kahn n’existait dans mon data personnel qu’en qualité d’époux de la pulpeuse Anne Sinclair sans plus ; ni moins.

Cependant, et malgré mon dossier qui s’est considérablement étoffé depuis (et possiblement pour cause de cela), le présent billet n’a guère pour intention de ruminer ce que la media internationale a déjà dûment mâché et remâché, mais juste de méditer librement sur la précarité de la condition humaine et de la misère de l’insensé.

Marié à une femme intelligente, désirable, riche, et dévouée, DSK occupait une des positions les plus influentes de la planète lui conférant le pouvoir de renflouer d’un trait de plume toute une nation, ou de l’affamer. Devant lui, un boulevard s’ouvrait avec (parait-il) la présidence de la république au bout. Avec la soixantaine encore alerte et gaillarde, il lui était facilement permis d’aspirer à maints honneurs et satisfactions encore à venir.

Un homme apparemment comblé de tout.

Hélas Dr Jeckyll !

Telle ton ombre, Mr Hyde marche à tes côtés ; et c’est jusque dans la tombe que nous accompagneront, nos démons familiers.

Victime d’une machination diabolique telle que l’affirment nombre de ses compatriotes fidèles à la sempiternelle théorie du complot, ou réellement coupable ? La réponse à cela est désormais l’apanage de la justice des hommes, ou plus exactement de la justice Yankee qui trouva le moyen d’acquitter dans un passé encore proche, la brute homicide qu’est O.J. Simpson, ou de fournir à plusieurs reprises, de risibles échappatoires à un cancrelat pédophile et récidiviste tel Michael Jackson. Mais aussi de proscrire durant des décennies les écrits d’Henry Miller, de forcer Stanley Kubrick et ses semblables à de longs exils volontaires, et de briser la vie à un Roman Polanski pour avoir faibli un soir devant les appas d’une mineure nymphomane.

En outre, il est essentiel d’avoir bien assimilé la mentalité américaine pour surprendre la sourde haine cordiale nourrie par les Etats-uniens envers leurs alliés français, et que l’on retrouve même dans les grandes métropoles cosmopolites telles New York, où le simple terme de French (ou Frog en argot), est passé dans le jargon usuel en tant que litote pour sous-entendre des épithètes telles que : Morgue, pédantisme et mœurs dissolues.

Sous de tels auspices, faut-il être drôlement guignard pour tomber dans la gueule du loup yankee, lorsqu'on est un superbe Frog royal de tout premier choix.

Mais pourrait-on véritablement parler de guigne lorsqu’on s’avère être l’artisan de son propre malheur, et que l’on sait depuis Platon que l’homme est le pire ennemi de lui-même ?

Que la ‘’victime’’ soit une ‘’refugiée politique’’, employée modèle et mère-courage irréprochable comme la présente l’accusation, ou plus vraisemblablement, une refugiée ‘’alimentaire’’ et femme de ménage de son état, qui se met volontiers à genoux ou à quatre pattes pour arrondir ses fins de mois, ne change pas grand-chose au seul aspect qui m’intéresse dans l’affaire, et qui est celui de la chute vertigineuse d’un homme ; foudroyante comme dans une tragédie de Sophocle, atroce comme l’enfer Dostoïevskien et aussi absurde que le sort de Gregor Samsa dans le cauchemar Kafkaïen de ‘’La Métamorphose’’.

Hagard, les traits tirés, fripé et lamentable après une nuit passée en geôle, celui qui était pas plus tard qu’hier un des personnages les plus privilégiés de la planète, défila escorté par les policiers, les mains menottées derrière le dos sous les invectives d’une foule vengeresse ; mais surtout devant sa femme et sa fille qui durent entendre avec lui les termes intolérablement humiliants de l’acte accusatoire qui tombaient tels des couperets de glace : « …/… quelle fut sa surprise (l’agressée) de le voir sortir tout nu de la salle de bains et de l’agresser brutalement…/… dans l’intention de la sodomiser…/… dans l’incapacité de le faire, il l’obligea à pratiquer sur sa personne une fellation …/…des liquides corporels furent retrouvés sur la moquette…/… »

J’en ai encore froid dans le dos.

Mais le pire reste à venir dans une affaire où tous les coups seront permis, et où sera démontré une fois de plus que sous une dérisoire couche de civilisation factice, l’homme demeure un loup pour l’homme.

Revient la question principale : innocent ou coupable ?

Du ‘’viol’’ de la boniche guinéenne, je n’en sais rien ; quoique le passé du personnage, jalonné de précédents plus ou moins similaires ne joue pas en sa faveur.

Par contre, il est une lourde incrimination à laquelle il ne peut échapper : Celle de s’être stupidement TRAHI dans un moment d’égarement ; d’une trahison qui s’est critiquement répercutée sur les siens, son parti politique, et ses responsabilités locales et internationales.

Et ça, c’est impardonnable.

****
Et le vieil homme entra dans un long hiver – Antoine Blondin (Un singe en hiver).


Ibrahim Tyan.