Ce fut au cours d'un bel après-midi radieux et Printanier de l'année de grâce 1975, que les premiers obus déchirèrent la sérénité Dominicale des faubourgs de la région Beyrouthine et Chrétienne d'Achrafieh, inaugurant du même pas la pratique sinistre et encore inconnue au pays du cèdre, du pilonnage aveugle des zones résidentielles à des fins purement terroristes.
En ce Dimanche-là, je me trouvais dans la vieille maison paternelle située au cœur de cette région coutumièrement rutilante de vie et de couleurs, et que la guerre changea en moins de rien, en une longue file de ruines désertes qui divisait en deux, un Beyrouth désemparé de se retrouver livré du jour au lendemain aux pires sévices de l'absurdité humaine.
Aujourd'hui encore, je garde dans les oreilles le chuintement sourd laissé au passage du premier projectile qui alla s'écraser devant mes yeux incrédules au beau milieu de la chaussée, sitôt suivi par un second qui percuta en plein la toiture au-dessus de ma tête dans une détonation assourdissante.
Et si les bonnes vieilles briques tinrent vaillamment le coup, il n'en fut pas de même pour le stuc ornemental aux plafonds qui s'effondra de toute part dans un vacarme de fin du monde, remplissant la maison d'une épaisse nuée poudreuse de laquelle j'émergeais à moitié groggy, et plus blanc que la conscience du regretté Rachid Effendi qui se prélasse à l'heure qu'il est dans les vastes lupanars d'Allah, en compagnie de son pote Abou-Ammar qui pointa tout irradié au Polonium Hébreu.
Mais pour en revenir à notre sujet, ce ne fut que plus tard que je me rendis compte de ma veine (!) pour n'avoir eu affaire ce jour-là, qu'à des obus de mortier léger de calibre 37mm, pesant à peine1.5 Kg per unit... une babiole quoi !
Ayant comblé par la suite cette navrante lacune dans mon éducation, je devins rapidement maître en l'art de discerner instantanément le vrombissement feutré d'un obus de mortier, du sifflement mélodieux d'un projectile de canon de campagne, ou encore du miaulement rageur d'une roquette Katioucha ; mais toute cette data partit en fumée le jour où je découvris que l'obus qui aura ma peau sera celui que je n'entendrais jamais venir !
Cependant, il est des réminiscences que je conserve farouchement et que je me suis férocement interdit d'oublier ; à commencer par le fait que les premiers obus dont il est question tout le long de ce texte, furent tirés par nos frères Palestiniens appartenant au mouvement politique et militaire ''As-Saika'', créé de toute pièce et contrôlé par nos autres frères Syriens...
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Profitant d'ne accalmie relative advenue en fin de cette journée insensée, je pus enfin fumer une cigarette adossé au rebord de la grande fenêtre de ma chambre jonchée de livres, albums, disques et autres foutaises culturelles éparpillés parmi les monceaux de gravats et de verre brisé.
Et la clarté blafarde du néon des réverbères conférait un aspect étrangement fantomal à une Rue de Damas déserte à perte de vue, alors qu'au lointain, sur le trottoir faisant le coin avec l'avenue Bechara-El-Khoury, un arbre touché de plein fouet achevait de se consumer silencieusement dans les dernières lueurs du soleil mourant.
Ibrahim TYAN.
Tuesday, March 22, 2016
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