Un songe (me devrais-je inquiéter d'un songe?)
Entretient dans mon cœur un chagrin qui le ronge.
Entretient dans mon cœur un chagrin qui le ronge.
Jean Racine, (Athalie, acte II, Scène V.)
Dans la nuit du Samedi 5 avril 2008, je fis un rêve :
Par l’entremise de je ne sais quel contexte, je me retrouvais en compagnie du Grand Bienfaiteur en personne dont la dépouille repose en paix, (du moins je le lui souhaite), a la place du Saint-Sépulcre au beau milieu d’un Beyrouth séculaire et qui en a vu d’autres.
Pour des raisons non éclaircies, une complicité étroite semblait nous unir, et nous nous retrouvâmes en train de deviser amicalement dans le confort feutré de sa limousine blindée, en chemin vers l’hôtel Phoenicia où l’homme était attendu pour l’inauguration d’un quelconque congrès suivi de l’inévitable banquet.
Au beau milieu du trajet, le Premier Ministre intima brusquement à son chauffeur l’ordre de changer de direction.
_ Je suis las de ces corvées fastidieuses - me dit-il – Tiens, je t’emmène déjeuner en tête a tête dans un endroit bien tranquille où nous pourrions deviser de choses et d’autres a notre aise.
Sitôt dit sitôt fait. Quittant les belles avenues de Solidere-sur-mer, la puissante conduite intérieure s’engagea dans de petites ruelles de plus en plus sinueuses jusqu'à l’atteinte d’une modeste zone prolétaire où le chauffeur parqua en habitué, devant une méchante bâtisse a l’aspect triste et lugubre.
De plus en plus intrigué, j’observais le Grand Magnat qui frétillait littéralement de joie en descendant allégrement de sa bagnole rutilante, me faisant prestement signe de dévaler derrière lui un escalier obscur qui serpentait vers un sous-sol où planaient des effluves d’oignon frit, d’hygiène douteuse et de pauvreté opiniâtre.
Une vieille porte vermoulue s’ouvrit sur une vénérable Hajjé en Hijab dont le Grand Homme s’empressa de baiser les deux mains avant de la prendre dans ses bras en de longues effusions d’affection et de tendresse.
A mon tour je fus invité d’entrer et me retrouvais dans une unique pièce aux murs lépreux, meublée misérablement de façon à servir a la fois de cuisine, de salle de séjour et de chambre à coucher pour ses occupants.
Devant mes yeux incrédules, l’un des hommes les plus riches et les plus puissants de la planète, ôta la veste, dénoua la cravate, déboucla la ceinture et s’affala en se déchaussant avec un Ahhhhhh d’extase sur une méchante litière, entouré d’une marmaille bruyante et déguenillée surgie d’on ne sait où, qui lui grimpaient sur le ventre, lui tiraillaient la chemise et lui ébouriffaient les cheveux dans des ébats tumultueux et sonores qui semblaient le porter au comble de la félicité.
Une voix sans nom et sans visage sortie de nulle part vint me chuchoter : Il n’est vraiment en paix que sous le toit paternel !
* * * *
Dimanche soir, j’étais encore sous l’emprise de ce rêve étrange lorsque je constatais la présence (rarissime) de mon fils cadet à la maison.
Saisi d’une impulsion soudaine je décidais de m’ouvrir au fieffé coquin qui cache beaucoup plus qu’il ne montre.
Passant a ses yeux pour un doux coco, (une attitude tout a fait saine chez un gars de 21 ans, et que je préfère de loin a celle qui consiste a voir en l’auteur de ses jours l’incarnation même de Yahvé sur terre), je me risquais de lui relater mon rêve, en l’asticotant comme quoi, lorsqu’on est a sa quatrième année de médecine, on est sensé avoir quand-même glané quelques rudiments de psychologie.
_ Tu sais Papp’, me répliqua le gredin avec un sourire mi-tendre mi-narquois, il est normal que tu ne puisses trouver la clé de ton rêve tant que tu t’obstines a t’accrocher a tes conceptions Freudiennes dépassées ; cependant l’explication en est des plus simples : Dans ton rêve, Hariri n’est autre que TOI ; et il semble qu’il y a quelque chose qui t’emmerde tellement dans le présent et te panique si fort pour l’avenir que tu regrettes secrètement de ne point pouvoir faire marche-arrière…
Sur ce, son portable carillonna et après un bref échange téléphonique tout en monosyllabes, le grand escogriffe m’allongea une tape affectueuse sur l’épaule et partit en trombe me laissant seul avec mes pensées comme deux ronds de flan.
Moralité, il ne faut jamais sous-estimer le sang nouveau…
N’en déplaise aux arriérés chroniques dont les concepts se limitent à l’obscurantisme moyenâgeux du ‘’jugement de Dieu’’, ou de leurs opposants qui s’affichent en ‘’libéraux’’ alors que leur vision sociopolitique n’atteint même pas les entendements de l’époque d’avant la première révolution industrielle.
...Et le fait d’avoir pu avec un discours fallacieux, berner ignoblement
tout Libanais sincère, assoiffé de réforme et de changement véritables.
Car aussi vrai qu'une longue disette finit par miner la resistance tant physique
que morale de n’importe quel organisme, nombreux sont les Libanais longtemps
desesperés de se voir un jour gerés par un regime fiable, qui tomberent comme
des fruits mûrs dans le panneau du médiocre démagogue populiste, mégalomane et
assoiffé de pouvoir.
Le culte de la personnalité n'ayant jamais été seyant ni payant, qu’en
serait- il si la personnalité en question s'avère etre de surcroit , un aventurier
irresponsable ?
Parce que le cas est classique et que l’histoire rengorge d’exemples
identiques, Le destin irrévocable du ''Tayyar el Watani el Hurr'' est d’exploser
en de petites particules qui vont aller s’evanouir l'une après l'autre dans le
néant de l'oubli.
Déjà les zébrures apparaissent de plus en plus nombreuses dans la muraille orange, l’édifice se lézarde, la déficience du vent bâti sur du vent apparaît au grand jour et avec elle les premières désertions.
C’est l’hallali, la curée, le sauve-qui-peut contagieux, et l’écroulement du rêve de beaucoup d’honnêtes et sincères Libanais.
Et du mien qui tourne au cauchemar.
Ibrahim. Tyan.
…Out, out, brief candle.
Life's but a walking shadow, a poor player
that struts and frets his hour upon the stage,
and then is heard no more. It is a tale
told by an idiot, full of sound and fury,
signifying nothing.
Life's but a walking shadow, a poor player
that struts and frets his hour upon the stage,
and then is heard no more. It is a tale
told by an idiot, full of sound and fury,
signifying nothing.
William Shakespeare, (Macbeth. 5.5.22-27).
* Visitez « Les carnets du Beyrouthin ».
Ibrahim, c'est toujours un plaisir de lire tes billets.
ReplyDeleteBon, ton fils est un gredin, c'est ce que disait mon père de moi,
mais je remarque que tu viens de dépoussiérer un vieux terme pour désigner une auto avec toit: conduite intérieure! Tu nous ramène au temps des Hispano-Suiza et autres luxueuses limousines de la belle époque!
Hahahaha! Bonjour Kheir ; Long time no see
ReplyDeleteTu es un fin lecteur cher ami et tu sais regarder entre les lignes.
Bien qu’elle relève un peu d’un certain snobisme littéraire, l’ancienne expression était comme tu le sais une variation nécessaire pour ne point répéter le même terme dans un seul chapitre.
Ceci dit, j’adore l’esthétique raffinée et délicieusement surannée des anciennes conduites intérieures ; si j’avais de l’argent à jeter par la fenêtre, j’aurais probablement eu parmi ma collection une ancienne Rolls, Daimler-Benz, ou surtout une fantastique Bugatti.
Là Ibrahim tu exprimes des goûts raffinés proches de ceux de feu Camille Chamoun, qui ne se déplaçait qu'en Rolls Royce, Bentley et autres luxueuses autos. À propos, j'avais vu Camille Chamoun au volant d'une Jaguar XJ au feu rouge de l'intersection de Corniche Mazraa et de la rue Verdun...c'est au début de 1975, juste avant le désastre...
ReplyDelete@ Kheir.
ReplyDeleteC’est sans doute l’influence culturelle de ses anciens patrons Britanniques…
Peu après 1975, son excellence devint mon voisin immédiat au quartier de Sioufi a Achrafieh où je ne passais que les week-ends; le reste de la semaine je vivais a Beyrouth-Ouest où je travaillais.
j’ai donc souvent eu le ‘’privilège’’ de le voir et d’avoir un brin de causette avec lui, vu l’amitié qui le liait avec feu mon père.
Comme tous les vieillards, à chaque fois qu’on se rencontrait, il commençait toujours par me poser la même question : Pourquoi t’es pas encore marié ?
Tôt le matin, je le voyais en short et maillot de corps a bretelles a l’entrée de son immeuble, en train de laver au tuyau-arrosoir deux superbes chiens de chasse ‘’pointers’’ sous l’œil vigilant de quelques gorilles ‘’Ahrar’’.
Je ne l’aimais pas, mais en comparaison au ramassis d’ordures qu’on a aujourd'hui, il fait figure d’immaculée conception.
Et nous qui étions les voisins de Karamazov eh Karameh et qui paraissait comme une sainte-nitouche par rapport aux chefs de guerre des années 80 et qui sont toujours actifs dans la vie politique...
ReplyDeleteAujourd’hui, Omar Effendi essaie de prendre des poses et des attitudes qui rappellent son frangin ; mais la différence est celle qui existe entre le coq et l’âne.
ReplyDeleteQuand je vois des photos officielles d'Omar Effendi sur le site de Dalati et Nohra, j'ai l'impression qu'il sort tout droit des années cinquante et qu'il sent la naphtaline!
ReplyDeleteEn parlant de photos, passe donc si tu as le temps pour rigoler sur la toute petite ‘’animation’’ que j’ai ajoutée hier au beau milieu du texte de mon avant-dernier post, “Le nouveau peuple errant’’
ReplyDeleteAh! je viens de remarquer le fessier imposant plein de cellulite de la bonne femme.
ReplyDeleteJ'ai horreur de certains libanais incultes qui singent les occidentaux. Ça sent immédiatement le toc. Un jour, j'étais au supermarché libanais Adonis de Montréal, j'ai vu un homme d'un certain age au nez proéminent appeler sa femme sur son portable, il lui avait demandé: 'Chérrrie, tu veux du Baba Ghannouj?', j'allais lui lancer: t'2oborneh ya ghannouj, ma bt'3aref tehké a3rabé ba2a!
Un autre jour dans un magasin 'tout à un dollar', une hajjé voilée avait lancé à sa fille: hurry up!...ou plutôt Herri ab!
" Moralité, il ne faut jamais sous-estimer le sang nouveau… "
ReplyDeleteC'est de ça qu'il s'agit !
Mais allez l'expliquer au libanais moyen, qui pour un petit cadeau par ci, un petit travail par là ; qui pour une promesse souvent non tenue vend son ame au diable et réélit chaque année depuis 40 ans les memes 128 salopards ...
Avant d'apporter du sang nouveau, il faudrait faire couler le sang ancien ! ( si vous voyez ce que je veux dire ... ).
Et puis quel intéret au sang nouveau, s'il a été élevé au lait de ces 128 salopards au sang avarié ?
Beau Billet Ibrahim.
Keep up the good word !