Monday, January 12, 2009

Entre la poire et le fromage.

































Les lampes de l’épicier Garabed sont allumées.
Le citoyen Arménien n’a jamais pardonné,
que l’on air égorgé son père,
sur la montagne kurde,
mais il t’aime ;
parce que toi aussi tu n’as pas pardonné,
a ceux qui ont marqué de cette tache noire,
le front du peuple Turc.

- Nazim Hikmet.


Attablé en compagnie de ma femme et d’un couple de vieux amis, nous nous laissions délicieusement bercer par l’ambiance feutrée d’un des derniers restaurants authentiques de Beyrouth (sinon le dernier), et dont la carte des vins n’a rien à envier a celles de ses homologues Européens ou autres ; ce qui n’est certes pas le cas de tant de nouvelles gargotes-attrape-nigaud ‘’de luxe’’ d’Achrafieh, Verdun, Gemayzé ou du centre-ville.

Observant avec un émerveillement toujours renouvelé la virtuosité du chef a flamber cérémonieusement au cognac v.s.o.p le filet entier de bœuf Charolais embroché sur une longue lardoire argentée, et de nous le débiter en de succulentes tranches fumantes, croustillantes a l’extérieur et roses au centre comme il se doit, mon regard embrassa l’ensemble de la clientèle distinguée composée en majorité des derniers vestiges de l’ancienne bourgeoisie Beyrouthine et de quelques reliquats de cette classe moyenne aisée que trente années de guerres intestines et de misères sans fin, finirent par faire voler en éclats.

Un calme et une sérénité à peine tempérée par les notes cristallines de Luna Caprese égrenées légèrement et presque en sourdine au piano, régnait sur l’endroit pourtant bondé ; ce qui était fort compréhensible vu l’absence (guère étonnante) des habituels nouveaux riches ou anciens miliciens enrichis, qui se sont naturellement exemptés pour porter leur brouhaha et leur cacophonie vers d’autres lieux répondant mieux a leur culture et préférences.

Le vénérable Médoc aidant, la conversation s’anima et se ramifia pour se concentrer finalement sur le sujet inévitable de Gaza.

_ Dieu me pardonne, affirma la femme de mon ami, mais je pense que les Palestiniens ne paieront jamais assez pour tout le mal qu’ils ont causé au Liban et aux Libanais…

Connaissant le cœur d’or de la Dame, mais aussi la langue dont la connexité avec la jugeote n’est pas toujours des plus parfaites, je m’abstins de tout commentaire, préférant commander une nouvelle bonne bouteille et de boire à sa santé.

Pour préserver certaines amitiés, il faut savoir garder parfois certaines de ses opinions pour soi.

Mais pour aller au bout du raisonnement de mon amie et en admettant l’existence d’un certain Karma que les Palestiniens auraient mérité en conséquence de leur équipée Libanaise ; on serait curieux de savoir le genre de châtiment réservé par cette même justice universelle pour les Libanais qui les ont instigués, épaulés, et s’en sont servis a leurs propres fins, au prix de la ruine d’une nation !

Pas grand-chose je le crains ! puisqu’ils eurent tôt fait de se faire réinscrire a d’autres registres une fois la liste de paie d’Abou Ammar tarie, et de continuer à se pavaner jusqu'à nos jours sur la scène Libanaise en eternels parangons d’intégrité et de vertu patriotique.

Fidèle a une longue tradition de mystification systématique, mais peut-être aussi mués par un obscur complexe d’infériorité vis-à-vis des ‘’frères’’ Arabes qui ont toujours plus ou moins douté de leur ‘’Arabisme’’, cette même cabale nous ressert aujourd’hui l’ancien discours absurde qui réaffirme a bon entendeur que notre pays sera le DERNIER de la nation Arabe à pactiser avec Israël ; ce qui signifie en d’autres termes que lorsque notre tour viendra, il ne nous sera laissé que le triste constat de tous les marchés que nos frangins (notamment le grand frère Syrien) auront conclu avec le cousin Hébreu a notre détriment.

Paradoxalement, c’est le cratère ouvert de Gaza dont l’horreur et la sauvagerie prirent au dépourvu ceux qui s’y attendaient et le souhaitaient le plus, qui vient aujourd’hui bouleverser de fond en comble toutes les données régionales et même au delà.

Quelle que soit l’issue de la bataille, le rayonnement maléfique du charnier de Gaza, pièce Iranienne maitresse, se fait déjà sentir en les prémices d’un violent schisme Sunnite/Sunnite qui vient s’ajouter aux innombrables dissidences locales d’ordre politique et religieux, ainsi qu’une cassure de plus en plus profonde entre les populations Arabes et leurs autorités gouvernantes.

Une vision géopolitique et géostratégique épurée ramène forcement ce massacre sauvage a son cadre initial qui est celui du conflit régional central entre le Sunnisme formaliste et le raz-de-marée Chiite Khomeyniste et djihadiste qui a su tirer parti de la médiocrité des régimes Arabes dits ‘’modérés’’ pour s’approprier de leur commandité traditionnelle sur la cause Palestinienne.

D’où les alignements aberrants desdits régimes et leur comportement erratique dans le cadre d’une situation surréaliste où nous assistons au soutien des mouvements pro-Khomeynistes par le noyau dur du Sunnisme formaliste que sont les ‘’Frères Musulmans’’, tandis que l’extrême ultracisme Sunnite d’‘’Al Qaeda’’ se détourne ostensiblement du génocide de ses coreligionnaires de Gaza pour se perdre dans les méandres de Bombay après avoir mis l’Iraq a feu et a sang.

En avançant brusquement Gaza sur l’échiquier dans une manœuvre apparemment suicidaire, l’Iranien amorça un coup stratégique impitoyable et consommé qui fait peu de cas des vies palestiniennes (tout comme des vies Libanaises en 2006) ; qu’elle soit sacrifiée ou non, la pièce en elle-même lui est de moindre importance puisqu’il demeure avantagé dans les deux possibilités.

J’irais même jusqu'à supposer que les conséquences incalculables d’une Gaza écrasée par les ‘’Sahayina’h’’ au terme d’une lutte Homérique, lui seraient encore plus propices que l’éclat d’une Gaza ‘’victorieuse’’.

L’histoire pullule d’exemples de cadavres qui se sont avérés infiniment plus dangereux dans la mort que de leur vivant.

* * * *

Des bribes d’une conversation discrète qui me parvinrent d’une table voisine m’apprirent que ça discutait ferme des élections législatives prochaines et y décelais avec un amusement approbateur, une hostilité prononcée pour les forces du front qui se fait appeler ‘’l’opposition’’, notamment pour notre général Alcazar national.

En allumant à la bougie de cire d’abeille sur son bougeoir en argent le noble Cohiba que m’offrit mon ami, je me laissais aller l’espace de quelques instants délicieux a une contemplation bercée par la magnifique combinaison aromatique des veloutes bleues mêlées a ceux du cognac vénérable et du café corsé.

Alors que tout dans ma formation, ma culture et mes convictions me destinait à réagir favorablement avec les thèmes affichés par le mouvement du 14 Mars - pensais-je - pour quelle raison sont-ils devenus pour moi (et demeurent plus que jamais) : ‘’La clique du 14 Brumaire’’ ?

A cela, mon très cher et très regretté Nazim Hikmet m’a répondu a travers deux petites lignes magistrales tirées d’un poème où il est question de faux révolutionnaires :

…j’ai adoré les chants,
j’ai méprisé les hommes…

Ibrahim Tyan.

Thursday, January 1, 2009

Le cadeau de Noël de l'oncle Volodia*.



Entre le dramatique message téléphonique (et télévisé) de S.E annonçant a la nation a partir de Moscou, SON ‘’succès’’ dans les pourparlers en vue de doter l’armée de l’air Libanaise de Chasseurs modernes Mig29, et l’absurde balourdise de ses allusions appuyées sur l’Orthodoxie partagée entre S.E. et la sainte Russie, il ne restait qu’un petit effort d’imagination a faire pour se figurer l’espérance que nourrit sa très pieuse excellence de réinvestir les retombées de cet événement pour son propre compte (ou celui de son vioque), dans les prochaines législatives qui s’annoncent féroces dans l’enclave Chrétienne du Metn.

Loin d’être loufoque ou futile, ce genre de discours adressé à l’intention d’une masse inculte et superficielle qui a toujours défini ses choix politiques en fonction de ses impulsions primaires a toutes les chances de s’avérer utile et payant.

Pour ceux qui doutent de ce fait, il suffit de se remémorer de quelle manière les libanais dilapidèrent criminellement un capital magnifique constitué par un élan de solidarité nationale sans précédent, appuyé par une conjonction internationale des plus propices qui leur servit gracieusement sur un plateau d'argent, la délivrance inespérée de l’odieux joug Syrien au moment même où de guerre lasse, ils en étaient venus à s’y résigner comme d’une fatalité inexorable.

Mais avec le premier souffle de liberté retrouvée ressurgirent les eternels incubes et succubes familiers aux Libanais ; et les revoilà reflués en moins de rien aux tréfonds de la Géhenne de laquelle ils n’auraient jamais dû sortir.

Si les passions, la fureur, la rancune, l’intolérance, le délire fanatique et tous les états d’âme élémentaires affectent négativement la clairvoyance et le jugement en toute chose, qu’en serait-il de la politique où la sagacité, la prévision et le calcul froid et efficient sont loi ? D’où la sévère myopie politique des Libanais, doublée d’une hypermétropie grave qui les rend aussi inaptes à évaluer les données engendrées par le monde extérieur que celles résultant de leurs problèmes intérieurs.

A ces misères vient s’ajouter une amnésie historique totale avec l’incapacité de tirer la moindre leçon des erreurs passées ; depuis le temps où les Chrétiens Libanais (Maronites en majorité) crurent pouvoir dominer leurs concitoyens non Chrétiens en se servant de la couverture Française, et de la riposte des Musulmans (Sunnites) qui s’allièrent tour a tour a la Syrie, puis avec L’Egypte Nassérienne dans le même but, pour tomber enfin tels des poussins grillés dans la gueule de Yasser Arafat.
Les Chrétiens réagirent en se jetant dans le giron d’Israël (un suicide), et les Sunnites en renforçant leurs liens avec l’Arabie Saoudite, tandis que les Chiites tissaient doucement et en sourdine les premiers fils conducteurs avec l’Iran Khomeyniste...

Mais tout cela n’aurait été que de l’histoire ancienne s’il ne s’était perpétué jusqu'à nos jours, plus virulent et ignoble que jamais.

Les causes véritables du mal Libanais réside dans une absence totale de VALEURS HUMAINES qui se traduit par un manque tragique en HOMMES DE VALEUR.

Sinon comment expliquer les fanfaronnades de son excellence qui prend les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages (Ô Michel Audiard), en assenant aux Libanais la nouvelle de la dotation de leur armée d’un joujou aussi encombrant qu’inutile ?

Conçu comme un appareil d’« air superiority », (pour employer ici la terminologie de l’USAF) , le Mig29 est un super-intercepteur de la quatrième génération, essentiellement défensif, avec des moyens d’appui tactique et d’attaque du sol limités a inexistants (dépendant de ses différentes versions), et qui ne peut donner pleine mesure de ses exceptionnelles capacités d’interception qu’en coopération étroite avec un système de défense ultramoderne et hautement technologique dont il constitue le fer de lance, et qui va des installations terrestres, radars et moyens de communication sophistiqués jusqu’aux satellites militaires de surveillance et avions d’alerte rapide Awacs.

Qu’a donc a faire l’armée Libanaise dont la rôle n’excédera jamais celui d’une FSI amplifiée, d’engins aussi compliqués et a l’entretien onéreux, qui requièrent un minimum de personnel et d’installations dont le coût et les frais excèdent le budget de défense nationale, et qui ne correspondent que très imparfaitement a ses besoins d’appui tactique dont l’absence s’est faite cruellement sentir a Nahr-el-Bared ; surtout lorsqu’il existe tant dans les arsenaux Russes que dans ceux de maints autres pays, des appareils plus ‘’modestes’’, mais taillés exactement a la mesures de nos besoins et dont voici deux modèles rien que pour l’exemple :



A cela vient s’ajouter l’absence inexplicable de la moindre réaction Américaine (et de l’étonnant mutisme Israélien) concernant cette démarche, ainsi que la rumeur insinuant que la facture de cette transaction remontant a quelque $ : 300.000.000 sera prise en charge par nos frères Wahhabites (de plus en plus bizarre !) alors que la version ‘’officielle’’ qui nous sert son excellence stipule que ces appareils nous seront offerts en ‘’cadeau’’ par une Russie qui selon ma connaissance n’a pas d’argent a jeter par la fenêtre, surtout par les temps qui courent…

Serions nous devant une nouvelle opération triangulaire similaire a celle de l’Iran/Contra (1986), ou d’une machination mafieuse avec les habituelles primes, commissions et pots-de-vin adjacents ?

Il demeure que si le mystère et les ambigüités qui entourent cette affaire prêtent à toutes les conjectures, l’intérêt de l’armée, (a plus forte raison de la nation), ne semble pas avoir été pris en grande considération.

Toujours selon les sources de son excellence, la Russie (décidément d’humeur magnanime ces jours-ci) serait favorable a sa requête pour doter notre armée de terre de chars de combat T90, ce qui aurait été une excellente chose si des sources présidentielles n’avaient pas déjà révélé quelques semaines auparavant l’accord établi entre notre président et la chancelière Allemande A.Merkel pour la dotation de notre armée de chars Allemands de type ‘’Léopard’’ !!!

C’est à ce moment-là que l’oncle Sam décida de mettre à son tour ses grands pieds dans le plat pour annoncer d’un ton sans réplique que l’armée Libanaise sera fournie en chars Américains M-60. !!!!!!

Passons outre l’imbroglio politico-stratégique qui accompagne ces extravagances contradictoires pour nous borner à quelques petits détails techniques essentiels :

Si le t-90 Russe est une splendide machine de combat et que le Léopard Allemand ne l’est pas à un degré beaucoup moindre malgré son appartenance à une génération antérieure, le M-60 Américain n’est guère une option de choix.

Israël en fit l’amère expérience lors de la guerre de Kippour en 1973 lorsque ce char formait le gros de ses forces blindées.

Outre ses ‘’défauts de naissance’’ qui consistent en une consommation exagérée en carburant et une relative imprécision de tir, son comportement au combat révéla un moteur sujet a de pannes fréquentes et un blindage insuffisant surtout au niveau de la tourelle, d’où le sobriquet de ‘’cercueil sur chenilles’’ qui lui fut discerné par les tankistes de Tsahal.

La guerre terminée, les Israéliens qui avaient encore des centaines de ce char sur les bras durent les remanier de fond en comble pour leur conférer un niveau opérationnel a la limite de l’acceptable.



Entre les différences, les velléités, la confusion, l’amateurisme, les combines et l’arnaque, je crains fort que la remise sur pied tant espérée de nos forces armées nationales ne soit partie d’un très mauvais pied.

Entretemps ‘’Lettres du Liban’’ propose a ceux a qui le sujet intéresse de revoir un article intitulé « L’armée Libanaise et les leçons de Nahr-el-Bared », publié sur ce blog en date du 11 Aout 2007.

Depuis, l’opinion de ‘’Lettres du Liban’’ à ce sujet n’a pas changé d’un iota.

* * * *

Assis sur mon banc de pierre, je méditais sur le petit coin de paradis qu’est ce Liban peuplé en majorité de quadrupèdes inutiles, et que l’histoire et les circonstances ont situé entre trois entités dont deux qui lui ont juré sa perte, alors que la troisième qui l’aime passionnément revient inlassablement lui lécher les blessures avec toute la langueur, la tendresse, et l’indulgence infinie de l’éternité.



Ibrahim Tyan.

* Volodia: Diminutif Russe pour, Vladimir.