Sunday, December 14, 2008

La paix d'Aïn-el-Mraïsseh.


Une des dernières photos du splendide horizon dégagé d’Aïn-el-Mraïsseh avant l’invasion de la balustrade Disneyland et des Faucilles noires de la ‘’culture de la vie’’.

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Ceux qui connaissent Dr. Strangelove, le chef-d’œuvre cinématographique de Stanley Kubrick, s’en souviennent sans doute des cruciales dernières minutes lorsque la bombe H chevauchée par le Major ‘’Kong’’ de l’US Air Force percute le sol Russe déclenchant du même coup l’infernale Machine Soviétique de la fin des temps.

Je n’oublierais jamais l’horrible sensation d’irrémissible qui me prit a la gorge devant le ballet apocalyptique des champignons nucléaires qui se succédaient a l’écran en un ralenti silencieux et démoniaque, dans une imparable réaction en chaîne ponctuée par la sirupeuse mélodie nostalgique de ‘’we’ll meet again’’.

C’était en 1964.

A cette époque-là, la guerre froide battait son plein, et la hantise de l’holocauste nucléaire pesait sur l’inconscient de chaque habitant de la planète.

Avec presque un demi-siècle d’intervalle, je retrouvais la même pénible impression lorsque les pneumatiques de l’appareil présidentiel Syrien venu embarquer Michel Naïm Aoun vers une destinée qui n’a de connu que la destination géographique, touchèrent la piste d’atterrissage à l’aéroport de Beyrouth.

La mort dans l’âme, j’observais la délirante chorégraphie Baassiste montée a l’échelle nationale, cornaquer le ‘’pèlerinage’’ du général marron jusqu’au sépulcre de Saint Maron, et le déluge sans précédent d’honneurs qui lui fut déversé, et dont le point culminant advint a la Mosquée Damasquine d'Al Oumawi avec le Mufti de la nation ceignant notre corbeau national tel un nouveau Saladin de l’Abaya (manteau) des Omeyades, dans la plus pure tradition du renard de La Fontaine, a moins qu’il ne s’agisse là d’un écervelé dindon bien dodu qu’on se doit de bien engraisser en vue de la broche…ou de la farce.

Qu’un mégalo irresponsable choisisse sa voie est son affaire ; mais qu’il entraîne dans son sillage une tranche majeure de Chrétiens mystifiés, sans parler du reste des Libanais en est une autre…

Ces Libanais dont le tiers au bas mot ne reconnait aujourd’hui d’autorité que celle de l’absolutisme suprême du Faquih, lui vouant une obédience fanatique et inconditionnelle, allant jusqu'à l’accomplissement d’un Harakiri collectif si une Fatwa de sa Sainteté Ali Husseini Khămene’i l’exige, adviendrait-elle suite a une révélation qui lui aurait été dévoilée au cours d’un songe d’une nuit d’été Persane.

De l’autre versant se profilent les ânes bâtés du 14 Brumaire, qui ont sacrifié la prodigieuse aubaine d’une conjonction à l’échelle planétaire qui ne pointe que de siècle en siècle sur l’autel de leur médiocrité, font le triste bilan d’un état désagrégé et exsangue malgré tous les panneaux bêtifiants exécutés à prix d’or par les Andy Warhol du Dimanche, les tonnes de pétitions bidon partis alimenter les braseros de la garde du Grand Sérail, les moyens médiatiques mercenaires et éventés, et moult procession a fleurs, calicots, banderoles, ballons ou cierges bénis, en mémoire de ceux qui sont tombés ou de ceux qui sont destinés a l’être.

Ave Marikka, Morituri Te Salutant

Ou de la pitoyable utopie (ou fumisterie) d’une ‘’table de dialogue national’’ ; inutile ersatz d’un parlement marginalisé et d’une nation vidée de sa substance.

Ceci dit, j’avoue ne pas trop saisir le fond du différend entre les Libanais des deux ‘’camps’’, surtout lorsque certains de leurs ‘’théoriciens’’ ramènent cette dissension a des niveaux ‘’culturels’’ (culture de la vie contre culture de la mort) !!??

Qu’on le veuille ou non, entre l’Iran (sauvage et obscurantiste) et l’Arabie Saoudite (sage et modérée) les analogies sont beaucoup plus fondamentales que les dissemblances puisque tous deux sont Musulmans, riches et pétroliers, et que leurs deux ‘’cultures’’ proscrivent a l’unisson la fine fleur de la pensée humaine, a commencer par Darwin, Marx et Freud, a la tête d’une longue liste dont le plus récent ajout se trouve n’être autre que l’illustre Mickey Mouse.

Heureusement que le savoir universel semble n’avoir pas été complètement banni de sous nos cieux puisque la ligne de conduite de nos ‘’dirigeants’’ dévoile une admiration indubitable pour la pensée de Carl Schmidt ; sinon comment expliquer la réduction de notre constitution et l’ensemble de nos lois aux dédales des archives poussiéreuses, définitivement remplacées par un chapelet continu de résolutions décrétées « Exceptionnellement et pour une seule fois » !

عيش كتير بتشوف كتير ... و بتضحك أكتر

A la lumière des événements drastiques qui agitent la scène mondiale actuelle, a commencer par le désastre économique dont personne n’a encore pu en mesurer avec exactitude l’étendue ni les conséquences, une nouvelle dynamique internationale engendrée par la force même du changement s’est presque spontanément créée avec des effets politiques immédiats notamment l’effondrement de la théorie des axes qui fit autorité au cours de la précédente décennie.

Ne pouvant échapper a ce nouvel état de choses, les axes Syro-Iranien et Egypto-Saoudien sont déjà en perte de vitesse sur notre scène régionale, au grand dam de nos‘’leaders’’ locaux dont les attributs couvrent tous les paramètres situés entre l’ânerie élémentaire et l’amoralité vicelarde.

Déduirons-nous pour autant une fin proche au calvaire Libanais ?

Point du tout hélas ; bien au contraire !

Cependant, il serait intéressant de noter rien que pour la constatation, qu’identiquement aux marchés Libanais ouverts sans restriction aux fournisseurs locaux et internationaux sans l’ombre d’une surveillance, la scène politique Libanaise demeure a son tour un terrain tout aussi favorable pour l’écoulement de toute ‘’marchandise idéologique’’ invendable partout ailleurs parce qu’avariée ou périmée.

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Un incroyable ciel de fin d’après-midi de Décembre couvrait Aïn-el-Mraïsseh d’un intense bleu translucide comme une immense coupole d’un introuvable cristal.

A l’horizon, la symphonie silencieuse de pourpre et de lumière déployait majestueusement ses premières mesures au-dessus de la sérénité mystique d’une Méditerranée irréelle.

Bien emmitouflé dans mon anorak, je dégustais par petites gorgées de bien-être le merveilleux contraste entre le froid coupant de Décembre et la merveilleuse luminosité à faire pâlir d’envie un flamboyant Juillet.

Mentalement je fis place sur mon banc de pierre à mon vieil ami Bachir que j’aurais aimé avoir prés de moi en ces instants magiques, face a Mare Nostrum dans toute sa splendeur, pour discuter avec lui de cette Marginalité Glorieuse de l’intellectuel face a la barbarie et la terreur, le despotisme et l'imposture...


Ibrahim Tyan.