Saturday, January 26, 2008

La fin d'un monde.



Un des spectacles qui me comblait d’émerveillement lorsque j’étais enfant, était celui des camions-arrosoirs jaunes de la municipalité de Beyrouth qui déferlaient le soir et au petit matin de chaque journée d’été, aspergeant de leurs jets puissants la chaussée, balayant dans un nuage blanc de vapeur et d’embrun la poussière des rues, laissant derrière eux la voie fraîche et luisante comme après une première pluie.

Je me souviens encore de ma joie lorsque du bout de la rue, je voyais apparaître le grand véhicule jaune, flanqué de ses larges jets d’eau latéraux semblables aux ailes translucides d’une géante libellule, et de l’odeur enivrante de la pierre et du macadam mouillés qui flottait dans les lieux après son passage.

Une autre source d’enchantement était la petite camionnette-fumigène verte qui passait plusieurs fois par semaine toujours durant les après-midis, répandant un épais nuage de fumée insecticide anti-moustiques qui enveloppait le quartier pendant des instants trop brefs pour l’enfant précoce et imaginatif que j’étais, d’un manteau féerique de brouillard et de mystère.

Souvent un fourgon blanc à cage grillagée de laquelle fusait des jappements violents et des hurlements à la mort, passait dans le quartier ; c’était celui de la fourrière chargé de recueillir les chiens errants sans maître.
Pour moi, c’était jour de fête lorsque le van parquait sous notre balcon, et l’homme en descendait vêtu de son uniforme gris et muni de sa longue canne noire terminée par un lasso.

Aujourd’hui, je ne vois pratiquement plus de chiens errants dans les rues malgré la disparition des véhicules de la fourrière depuis belle lurette.

C’est qu’ils ont étés remplacés au pied levé par des tout jeunes munis d’AK-47 et M-16 à lunette télescopique, qui entre deux sniffées de chnouf, s’exercent à tirer de leur balcon sur tout ce qui bouge ; chiens, chats, rats et même quelques malheureux pigeons dont le destin funeste les emmène picorer dans le sillage de leur ligne de mire.

Faut bien tuer le temps en attendant que le temps de tuer ne vienne ; entretemps on rend service à la communauté.

Vers la fin de l’hiver, les arbres de mon quartier ainsi que ceux de tout Beyrouth (qui était une ville verte avant l’invasion urbaine de la civilisation Wahhabite) étaient consciencieusement taillés et leurs troncs recouverts d’une solution à base de chaux contre les insectes, chenilles, et autres bestioles nuisibles.
Le joli spectacle de ces arbres verts fraîchement élagués, au tronc à moitié peint en blanc qui égayait la ville de leur présence silencieuse mais bienfaisante était la première annonce de la venue du printemps.
Et puisque arbre implique naturellement oiseau, croyez moi que ça gazouillait ferme à la belle saison dans le Beyrouth d’antan.

Un autre objet de curiosité qui intriguait grandement ma nature déjà singulièrement fureteuse et inquisitive était ces nombreuses caisses massives en métal gris frappés du sceau de la république et de l’emblème du cèdre, que je voyais fixées aux murs, parsemant la route qui menait de notre ancienne maison du quartier des Jésuites jusqu’à la cathédrale de Saint-joseph de l’USJ, où mon père entreprit de m’y traîner chaque dimanche sitôt que je fus en mesure de me tenir à la verticale.

Plus tard je compris que c’étaient tout simplement les boites aux lettres des PTT ( ancien ministère de la poste, téléphone et télégraphe) dans lesquelles l’on pouvait glisser en toute confiance son enveloppe timbrée à destination de n’importe quel point du globe et recevoir la réponse à domicile, rapportée par le facteur en uniforme sur sa sempiternelle bicyclette.

Les boites aux lettres ont disparu depuis, les facteurs et les bicyclettes aussi ; mais le Cheikh Amine mon illustre voisin d’antan, qui attendait le bus de l’école sur le trottoir d’en face sous la surveillance d’une vieille bonne, est resté.

Car le meilleur s’en va ; mais reste le pire.
Plutôt que d’en pleurer, mieux vaut en rire.

Une image restée à jamais gravée dans ma mémoire d’enfant de moins de cinq ans est celle de la messe solennelle du jour de Noël célébrée en grande pompe à la basilique de Saint-Joseph en présence du président de la république le Cheikh Béchara el Khoury, court et râblé avec son faciès de bouledogue en redingote noire et chapeau haut de forme. Au dehors, le tapis rouge était déroulé et la fanfare alignée au grand complet annonçait l’arrivée de chaque personnalité éminente ou délégation étrangère.

Debout à l’intérieur de l’église à côté de mon père, c’était justement le spectacle de ces délégations étrangères avec leurs officiers fringants en tenue de parade qui me fascinait. Tout là n’était que gants blancs et sabres scintillants, poitrines médaillées, gallons et boutons dorés, panaches et épaulettes rutilants ; et ce monde féerique baignait dans la lumière irréelle distillée à travers les immenses vitraux multicolores et du parfum capiteux de l’encens mêlé à celui des belles femmes.

Une fresque splendide digne du meilleur Visconti.

C’était au temps où le Liban nouvellement indépendant vivait encore à l’heure du mandat Français et selon ses lois, règlements, et principes civiques et urbains

Mais la nature eut vite fait de reprendre ses droits et les bonnes habitudes s’effritèrent les unes après les autres, certes sous l’influence de l’environnement régional, mais aussi et surtout dû à la médiocrité générale des Libanais et de leur manque total de vision et d'éthiques les plus élémentaires.

Devant l’hégémonie Israélo-Américaine, l’influence Syro-Iranienne et la néo-culture Wahhabite qui se disputent aujourd’hui les derniers lambeaux d’un Liban moribond, une pensée que rien ni personne au monde n’aurait jadis pu m’en convaincre s’installe désormais dans ma tête au point de me la faire étaler noir sur blanc aux yeux de tous, sans le moindre embarras ni l’ombre d’une gêne :

Je regrette infiniment le temps béni du mandat Français.

Ibrahim Tyan.

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Sunday, January 20, 2008

Les Faucilles noires d'Aïn-el-Mraïsseh.





Cada uno lleva su cruz.
_ Buenos Dias Sixt’ ;)


Le soleil de Janvier brille à pleins feux au zénith d’un firmament presque douloureux à force de bleu et de clarté. .

Un soleil à faire perpétrer son acte absurde à ‘’l’étranger’’ Meursault ; et le jeune Mauresque de mordre une fois de plus le sable doré de la plage illuminée…

Mais sur la ville, une bise Sibérienne fouette les places et les gens d’un frimas sec et cruel.

A la TV, de vénérables Nestor se souviennent que Beyrouth n’avait plus enduré pareille froidure depuis 1920.

Et comme par hasard, le prix de la tonne de fuel-oil à frisé depuis le début de cet hiver la barre des $ : 800, à laquelle est venue s’ajouter la pénurie chronique en électricité. Et les chaudières et les brûleurs de la plupart des demeures Libanaises demeurèrent éteints, couverts d’un linceul glacial fait de misère et d’oubli que rien ne vient troubler sinon parfois la méchante toux d’un enfant malade.

Profitant d’une petite éclaircie au milieu d’un emploi de temps particulièrement chargé, je me décidais donc de déserter mes lieux de travail en cette radieuse et glaciale matinée de Janvier pour effectuer mon pèlerinage longtemps délaissé vers la Méditerranée d’Aïn-el-Mraïsseh, avec la pleine conscience que les risques de voir mon parcours coïncider avec le passage d’un personnage sur lequel la mort avait déjà en ce jour-là jeté son dévolu, étaient sérieuses, réelles et bien présentes.

Quitter le havre relatif de son environnement immédiat pour s’aventurer dans les rues de sa ville est devenu pour le Beyrouthin une sorte de jeu de roulette Russe, un défi quotidien au destin et une tombola de la mort.

On à beau faire le bravache et afficher un stoïcisme à toute épreuve, la pensée de l’épée de Damoclès suspendue au-dessus de sa tête continue à faire ses ravages silencieux dans les ténèbres de l’inconscient.

Aussi, l’idée d’être détenteur d’un passeport jadis prestigieux et respecté, et qui équivaut aujourd’hui dans la bourse des postes de vérification aux aéroports mondiaux, à la valeur d’un papier hygiénique…utilisé.

Etre devenu une sorte de paria international, pour une raison semblable à celle qui fit de tout homme qui voit le jour, un coupable marqué au front du sceau du ‘’péché originel’’…

ولك يا ابراهيم ليش بتضلّك حامل السلّم بالعرض؟

C’est ainsi que certains de mes bons amis, sincèrement inquiets de me voir me faire autant de mauvais sang pour rien, m’adressent.

Sans mettre aucunement en cause leur sincérité ou leur attachement à leur terre natale, je réponds invariablement par la réplique magistrale adressée par Richard Widmark, en différend majeur avec Laurence Harvey dans une scène du super navet Hollywoodien de John Wayne, ‘’The Alamo’’ :

_ ‘’Let it go Will… You are what you are, and I am what I am - And we both can’t help it.’’

Un hommage de plus au grand Luis Buñuel qui affirmait que dans chaque navet, il y a toujours quelques instants de merveilleux.

* * * *

Depuis la vaste arnaque qui le vit passer du statut de place publique et historique à celui de propriété privée d’une seule famille Libanaise (et quelques milliardaires Bédouins), la traversée du centre-ville de Beyrouth est devenue pour mes nerfs une épreuve à la limite du supportable.

Mais ayant aujourd’hui décidé de ne point laisser le souvenir du Grand Martyr qui repose désormais dans les entrailles de sa terre usurpée me troubler la sérénité, je m’efforçais de penser à quelque chose de plus rigolo ; en l’occurrence à « l’initiative Arabe » accourue à notre secours après ‘’l’échec’’ de ses précédentes Française et Américaine. .

Hahahahahahahahahahaah !

C’est plus fort que moi ; mais comment oublier leur mutisme gêné au conseil de sécurité lorsque le Liban croulait sous le feu Israélien en 2006 ;
ou la lâcheté et l’hypocrisie de leurs émissaires venus nous ‘’soutenir’’ pour quelques heures le 7 Août de la même année, et leur seul souci de déguerpir au triple galop avant l’écoulement de l’ultimatum que l’état Hébreu leur avait fixé à 6 PM tapantes du même jour.

Qu’attendre de l’Egypte qui continue à ignorer ce qui se passe sur ses frontières immédiates ; des carnages de Gaza et du désastre du Darfour ?
Ou des Wahhabites et autres Emirats en carton-pâte qui servirent de base de départ à l'armada Américano-Sioniste pour l’annihilation de l’Iraq, et qui demeurèrent par la suite aveugles, sourds et muets devant le spectacle d’un million d’Iraquiens froidement massacrés ?
Alors يا اسياد, on ambitionne maintenant de résoudre la crise du Liban ?

Rien que ça ?

حيّاك الله يا خوي و مشكور يا شهم
بسّ قبل ما تساعدني ت خلّص من خازوقي
بلّش بالاْول شيل اللي فايت بطيزك


* * * *

Aïn-el-Mraïsseh est en plein remue-ménage ces jours-ci, les bancs de pierre ont étés (temporairement j’espère) enlevés pour faciliter les travaux de renouvellement du carrelage dont la large chaussée en avait grand besoin.

Moins heureuse était la nouvelle balustrade massive en aluminium brillant dans le plus pur style des chaînes de fast-food Américains, qui borde maintenant la côte, lui conférant des airs de Disneyland-sur-Méditerranée.

Mais c’est le spectacle extraordinaire des nouveaux réverbères adhérant directement à cette balustrade face à la mer et qui partent d’Aïn-el-Mraïsseh jusqu’à Ramlet-el-Baïda qui me laissa pantois.

Une forêt métallique faite de poteaux noirs et massifs terminés par de longues lames recourbées semblables à la faux d'Azraël l'ange de la mort, se déroule à perte de vue devant mes yeux incrédules.

Tels notre aéroport international (jadis un des plus élégants au monde) que des ânes analphabètes transformèrent en un sinistre et coûteux mausolée en granite froid et asphyxiant, les lames noires des faucilles de la néo-culture Wahhabite du New Hariristan écorchent désormais la face radieuse et ancestrale de la Méditerranée d’Aïn-el-Mraïsseh.

Trois images accompagnent ce texte.

Dans l’image (1), il n’est pas nécessaire au lecteur d’être un paysagiste qualifié pour mesurer l’ampleur du désastre.

Dans l’image (2), la célèbre ‘’Promenade des Anglais’’ à Nice sur la côte d’azur est une preuve éloquente que simplicité fait beauté.
Remarquez l'emplacement judicieux loin de la côte des réverbères, et la balustrade réduite à son expression la plus simple dans le but d'entraver le moins possible la vue dégagée sur la mer.

Dans l’image (3) on voit la sinistre faux se profiler en premier plan devant la bâtisse kitch du restaurant élevé sur les ruines de l’ancien café d’Aïn-el-Mraïsseh, où nous dégustâmes durant cet été, mon vieil ami BeO et moi, des Rougets frits ma foi assez surprenants, lors de son dernier passage au Liban.

Durant cette joyeuse entrevue, BeO me surprit agréablement en me faisant cadeau du CD de la superbe version d’Herbert Von Karajan du Requiem (Diabolique) de Mozart, qu’il avait eu la délicatesse (rareté chez BeO) de me rapporter de Paris.

A mon tour je lui remis une copie du manuscrit encore non publié de ‘’l’Ange déchu de la rue de Phénicie’’ pour qu’il le lise à ses moments perdus.

Le soir même, BeO me contacta :

_ Pas mal ton truc, me dit-il – cependant le point le plus important dans ton récit demeure non éclairci…

Je sentais venir la giclée d’humour féroce dont j’étais si familier ; et elle vint.

_ Finalement l’as-tu bel et bien baisé(e), OUI ou NON ?

Ibrahim Tyan.

* * * *

BeO, qui but jusqu’à la lie à la splendeur disparue de la Métropole du Levant et s’est ensoleillé le cœur et le corps à l’or bleu de la Mère Ancestrale, vient de résumer aujourd’hui toute l’affaire en ces quelques lignes magistrales:


Il est l'un des rares dont l'amitié s'est bonifiée avec l'âge
Beyrouth était notre paradis et notre seul point d'ancrage
Royaume de nos frasques et de nos équipées sauvages
Au souvenir desquelles se poursuit encore notre mirage
Hédoniste que rien n'arrêtera, ni le temps, ni ses ravages.
Inutile d'expliquer le culte qu'avec toi, cher ami, je partage
Mare Nostrum gardera à jamais le secret de notre passage.

BeO


Ces vers dont l'auteur honora ''lettres du Liban'' en date du lundi 21 janvier 2008, sont reproduites avec émotion et fierté sur ce blog, en hommage à l'excellence, la sincérité et l'amitié.


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Tuesday, January 1, 2008

La bonne année.





Les images qui illustrent cet article sont tirées de deux chefs-d’œuvre du cinéma moderne représentant des visions aussi lucides que différentes de deux aspects parmi les facettes multiples, incroyablement riches et complexes du subconscient.

_ La sublimation et le merveilleux, vus par Terry Gilliam dans ‘’Brazil’’ - 1985

_ L’inhibition et l’infernal vus par David Lynch dans ‘’Mulholland Drive’’ - 2001



Dans le sens commun, l’inconscient est tout ce qui n’est pas conscient. Le Maréchal de France Jacques de la Palice, (qui serait encore en vie s’il n’était hélas mort), en aurait dit autant.

Cependant, l’avènement du père Sigmund à l’esprit peu enclin pour ce genre de badinerie, ajouta aux sens déjà existants pour ce terme, une signification nouvelle aussi extraordinaire que troublante.

En simplifiant les choses, l’inconscient revu par Freud serait une sorte de tiroir secret, logé aux tréfonds de l’être, qui regroupe toutes les énergies ou tensions, qui ne peuvent apparaître à la surface lorsqu’elles vont à l'encontre des mœurs et des conventions imposées par la société.

Mais les parois de ce tiroir n’étant point infiniment extensibles, son bourrage jusqu’à saturation entraînerait des troubles plus ou moins graves de la personnalité, dont la névrose constitue une des formes les plus répandues.

Avec les vicissitudes de la vie moderne, la névrose est devenue une affection courante ; cependant, le cas d’un peuple entier ravagé par ce mal demeure une inusité presque sans précédent dans les annales de l’histoire moderne.

Tel est le cas des Libanais d’aujourd’hui qui certes continuent à manger, boire, baiser et aller chaque jour au boulot comme cela se fait partout ailleurs, mais dans un état second qui les apparente beaucoup plus à ces Zombies chers à George Romero, plutôt qu’à des êtres vivants mus par l’intelligence, la volonté et l’espoir.

On le serait devenu à moins, et je ne connais point de race existante qui aurait résisté plus que les Libanais aux forces considérables qui se sont liguées contre eux, dans le seul but de les annihiler.

Hier encore, je raillais férocement ceux qui soutenaient la théorie du ‘’complot’’, rejetant l’entièreté du blâme sur la tête des Libanais eux-mêmes ; mais aujourd’hui, force m’est de constater que le Liban est bel et bien victime d’une machination Israélo-Américaine implacable à laquelle est venue se superposer une complicité Arabe conduite par les Wahhabites, toute en fourberie enrobée des meilleures intentions du monde.

A un degré moindre (uniquement au niveau des moyens, mais non des intentions) un dessein Syro-Iranien effectue simultanément son travail de sape sur les fondements mêmes de la nation ; et si les visées Syriennes concernant le Liban sont claires et bien définies, celles de l’Iran demeurent en grande partie occultes et autrement plus sinistres.

Depuis 2005, tout avait été fait pour créer un fossé incommensurable entre les Libanais et si aujourd’hui le problème (bien réel) de la coexistence pacifique entre Chrétiens et Musulmans est soulevé, peu sont conscients du désastre véritable résidant dans le schisme exacerbé jusqu’au paroxysme entre les Musulmans Sunnites et Chiites.

En vérité, PERSONNE ne veut d’un Liban tel que toi et moi, cher lecteur Libanais authentique et sincère le souhaitons.

Un Liban de rêve dont les clochers et les minarets s’accolent en une somptueuse symphonie de culture à mille facettes ; une terre d’abondance de tolérance et de paix où il fait bon vivre et mourir.

Pfffft ! Une utopie faite de candeur, de naïveté et d’illusions perdues…

Pour commencer, JAMAIS Israël ne permettrait à un concurrent si redoutable de voir le jour. De même que les ‘’frères’’ Arabes dont un Liban pareil constituerait un démenti formel et une menace directe pour leurs régimes de pacotille basés sur l’ignorance, le totalitarisme et l’intolérance intellective et religieuse.

Les seigneurs Wahhabites ont juré depuis belle lurette l’Islamisation du Liban, et sont prêts pour cela à accorder aux Etats-Unis toutes les concessions possibles et imaginables en vue de leur aide dans l’accomplissement de ce dessein. De leur côté, les sieurs Hachémites œuvrent inlassablement pour que le Liban paie en même temps sa facture et la leur, dans le cadre de la note générale de frais qu’engendrerait une solution finale à la crise du Moyen-Orient.
Les Syriens veulent tout bonnement se l’annexer ; quant aux Israéliens, la mainmise sur les précieuses réserves en eau du Liban notamment celles du Litani, demeurent leur objectif principal, avec la partition et la désagrégation du reste du pays dans un second temps.

Quant aux grandes puissances Occidentales, ce sont là de fidèles amis et d’inconditionnels alliés à l’état Hébreu et au Sionisme mondial.

Que les connards et les connardes de chez nous se vrillent définitivement cette vérité dans l’épaisseur de leur cortex cérébral s’ils en sont capables !!!

Aujourd’hui les Chrétiens Libanais affligés d’un psychopathe dangereux au casier judiciaire accablant, rongé par la rancœur et le désir de vengeance, et d’un ramassis de crapules abjectes qui les ont mille fois vendus au plus payant, ainsi que d’une autorité religieuse aussi inconsciente que criminelle, vivent leurs jours les plus désespérés, dans la peur et l’incertitude pour leur avenir dans un pays qu’ils s’étaient autrefois bâtis pour leur servir de havre de paix et de sécurité au milieu d’un océan Islamique hostile et intolérant.
Leur seul espoir réside désormais en le Don Quixote idéaliste et fougueux mais hélas, avec nulle ombre d’un seul Sancho Panza dévoué à ses côtés.

Moins apparente mais tout aussi cruelle est la crise intérieure des Sunnites qui se voient relégués au banc des ‘’Oumalas’’ (collabos) Sionistes ; paradoxe suprême pour ceux qui de toujours ont tété le Nationalisme Arabe et le Djihad contre l’oppresseur Occidental avec le lait de leurs mères.
Aujourd’hui, ils se retrouvent déclassés dans leur propre domaine par leurs frères ennemis Chiites, qui récoltent les lauriers de la victoire sur Israël et l’adulation des masses Arabes ; et cela leur est intolérable.
Mais l’euphorie du pouvoir brigué aux Maronites est trop enivrante, alors ils s’en accommodent avec leur Cheikh dyslexique, endossent ‘’l’Abaya’’ Wahhabite, lèchent à contrecœur le cul yankee et se remettent à Allah, espérant secrètement d’avoir fait le bon choix…

En bref, ajoutons que l’inquiétude Chiite n’est pas moins grande car le fait de s’être mis sur le dos la totalité du monde Occidental ainsi que la presque totalité des régimes Arabes, mais surtout de la majorité Sunnite dans leur propre pays, ajoutés à la haine éternelle de l’état Hébreu et de leur dépendance complète d’un régime Syrien fourbe et retors qui constitue désormais leur seul cordon ombilical avec l’Iran ; tout cela contre le gain local d’une alliance avec le Général Orange, n’a pour eux rien de rassurant.

Nous ne relaterons finalement l’état de la petite communauté Druze transformée en une balle de Ping-pong par les oscillations vertigineuses de son Baron Féodal, que pour son indéniable effet comique.

Le libanais à trop vu, trop entendu et trop enduré pendant trop longtemps pour que sa raison et son bon sens pourtant légendaires demeurent inaffectés.

Aujourd’hui se profile devant lui la perspective d’un état totalitaire et archaïque, ou celui de la domination d’une mafia d’argent qui achèverait de lui sucer la moelle ; sinon le spectre hideux de la guerre civile à défaut des deux.

Entretemps, les vestiges des biens de la nation continuent à être distribués verticalement et non horizontalement comme il se doit, jusqu’à atteinte de la statistique incroyable qui indique qu’aujourd’hui 10% de la population accaparent 90% de la richesse nationale.

Et le nombre des pains dans leur paquet continue à diminuer.
Et la sécurité médicale ne fonctionne plus.
Et la caisse de la sécurité sociale est au bord de la faillite.
Et les prix des denrées essentielles à augmenté de 50%.
Et le réseau routier est dans un état catastrophique.
Et l’eau potable du robinet n’existe pas dans un pays qui forme avec la Turquie les deux plus importantes réserves d’eau de la région.
Et l’électricité que nous n’avons toujours pas, malgré le drainage incessant de MILLIARDS de Dollars de la poche du contribuable en vue de lui réinsuffler un semblant de vie.
Et l’absence de tout semblant d’ordre, de sécurité ou d’autorité judiciaire sérieuse.
Et la pauvreté sordide qui mord aujourd’hui à pleine dents la majorité de la population.

Et je pourrais continuer à énumérer nos malheurs jusqu’à l'aube de demain...

Trop de choses sont refoulées dans l’inconscient des Libanais.
Trop de souffrance, de douleur, de frustration, de déception, de répression, de rage, d’horreur, et de haine.

Trop de mensonges, de tromperie, d’aberration, d’arnaque et d’injustice.

Et comme l’accumulation des éléments finit par créer un état complètement nouveau, j’observe avec effroi le changement fondamental qui s'effectue et ne présage rien de bon, et qui affecte (à commencer par l’auteur de ces lignes) la nature même de ce bon peuple Libanais qui se métamorphose lentement mais sûrement en une sorte de monstruosité Kafkaïenne que je ne reconnais presque plus.

Maladie ou mutation ?

Deux perspectives qui me semblent plus effrayantes l’une que l’autre.

Sur ce, je vous souhaite la bonne année à tous.

Ibrahim Tyan.

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