Sunday, March 16, 2008

Sin City.


Et la nuit peu à peu
Et le temps arrêté
Et mon cheval boueux
Et mon corps fatigué
Et la nuit bleu à bleu
Et l'eau d'une fontaine
Et quelques cris de haine

Jacques Brel (La ville s’endormait).

Le glorieux soleil du matin entame son parcours triomphal a travers la splendeur du ciel du levant, effleurant de ses tendres caresses vermeilles mon vieux Beyrouth adoré et son Sanctum Sanctorum désormais profané par les huttes de l’obscurantisme érigées sur ses remparts du Sud, et le bivouac des insensés déshonorant ses frontières du côté de l’Est.

Ô soleil, toi dont la lumière a éclairé ces lieux dans un autrefois dont il ne reste pas de souvenir, puissent les égarés d’aujourd’hui apprendre qu’il n’y aura pas plus de mémoire d’eux pour l’avenir.

Les jours se succèdent aux jours et les nuits aux nuits, et la place qui était encore vibrante dans un passé tout proche voit décliner et se racornir sa vitalité a peine retrouvée, pour renouer avec les nuits sans lune d’antan, et le vent glacial de Mars qui hulule a la mort l’emprise des barbares sur le cœur battant de la ville des villes, du joyau de l’Orient et de la perle de la Méditerranée.

Au loin, la flamme agonisante d’un brasero de fortune vacille silencieusement dans le noir, semblable à la lueur fantomatique d’un feu follet dansant sur la face pétrifiée d’une eau morte.

Phénix un temps ressuscité, Beyrouth reprend à pas somnambulesques le chemin du sépulcre à la lumière blafarde des torches des fanatiques Ostrogoth issus des ténèbres de l’ignorantisme et qui craignent la lumière, ainsi que des reliquats des croisés devenus mercenaires a suivre les chimères désastreuses de leur mestre acéphale, sur les sentiers de la désespérance et de l’absurde.

Gardez-vous des faux prophètes. Ils viennent à vous habillés en brebis, mais en dedans, ils sont des loups rapaces. C'est à leurs fruits que vous les reconnaîtrez ! (Mathieu 7.15-16).

L’aspect inquiétant du fiasco libanais réside surtout dans sa longévité. Non seulement parce qu’elle trahit la gravité du différend qui sépare les Libanais, mais surtout parce qu’elle menace de mener le reste du monde a un désintéressement progressif envers une nation incurablement malade ; ou encore plus cruellement de décider de sa partition, a l’instar des grands requins de la finance qui s’approprient a un prix dérisoire une société en difficulté pour ensuite la démembrer et en revendre avec profit les lambeaux aux plus payants.

Arrivés a ce stade, les Libanais, notamment ceux qui répondent a l’appel de :
يا شعب لبنان ألعظيم
Ou encore a celui de :
يا أكرم ألنّاس وأطهر ألنّاس وأشرف ألنّاس
Découvriront l’inefficacité incantatoire de ces invocations lorsque la sorcellerie se retournera contre les malheureux abusés qui payeront au prix cher pour s’être laissé posséder par les mystifications des imposteurs, mais aussi contre le reste du peuple Libanais sacrifié sur l’autel sanguinaire de la voracité Zoroastrienne, ou celui de l’ambition paranoïaque de la mégalomanie suicidaire.

Aujourd’hui, les causes de l’attitude déconfite affichée par Bernard Kouchner au terme de sa reprise des pourparlers avec les Libanais après la conférence de Saint-Cloud, commencent déjà à être livrées au grand jour.

Des sources sûres rapportent que la nouvelle autorité a l’Elysée, qui fut d’un côté favorablement impressionnée par le rapport de leur émissaire au Liban Jean-Claude Cousseran après ses multiples entretiens avec le Général et le Hizballah, et de l’autre désirant effacer l’image populaire possiblement exagérée d’une certaine connivence d’ordre mercantile qui aurait existé entre Rafic el Hariri et l’autorité Française précédente, dépêcha son ministre des affaires étrangères au Liban avec un message explicite spécifiant clairement que la France serait favorable pour l’élection de Michel Aoun pour la présidence, et la ferme promesse d’exercer tout son pouvoir au sein de l’Union Européenne pour la réhabilitation de l’image du Hizb, dans le cadre d’une solution globale et radicale de la crise Libanaise.

Quel fut l’embarras, que dis-je : le désarroi le plus complet des Français, lorsqu’ils s’aperçurent que la violente contestation qui étouffa leur initiative dans l’œuf vint des rangs de l’opposition Libanaise et non de la majorité gouvernante comme a l'attendu !

_ …toi aussi Brutus ? Alors que meure César !

Suite a sa mésaventure Libanaise, la politique de détente et de rapprochement entamée par la France vis-à-vis du régime Syrien, mua en une froideur totale, voire hostile…

Malgré les affirmations rassurantes de quelques analystes optimistes, les éléments de la guerre civile s’amassent dans le ciel Libanais comme des rapaces au-dessus d’une charogne.

De la haine et la discorde divisant un peuple aux émotions primaires chauffées a blanc, jusqu’à l’écroulement des institutions nationales dont la présidence de la république, la chambre des députés paralysée et un gouvernement amoindri et impuissant ne sont pas les moindres, en passant par les livraisons massives d’armes qui continuent a parvenir de tous les côtés a tous les partis antagonistes du Liban.

Et pourtant ces éminents rêve-bleuîtes affirment qu’une condition nécessaire pour l’embrasement de la guerre civile demeure l’appui d’une ou plusieurs puissances étrangères ; chose qui n’est pas disponible jusqu'à ce moment.

C’est mal connaître le régime Baassiste de notre ‘’sœur ainée’’, et les manifestations de bonne volonté fallacieuses de l’état plus totalitaire que jamais des Ayatollah.

En vérité, c’est la PEUR de retoucher a une entreprise dont ils gardent encore les stigmates horribles sur leurs esprits, leurs biens et leur chair qui constitue le dernier barrage entre les Libanais et les flots dévastateurs du déluge.

Tiendra-t-il ?

Ibrahim Tyan.

* Visitez « Les carnets du Beyrouthin ».

12 comments:

  1. La partion, on en parlait déjà en 1976, le Liban a été divisé, fragmenté pendant les quinze ans de guerre mais officiellement, est demeuré uni.

    Si le Liban a survécu et survivra peut-être, c'est parce que ses voisins et les puissances internationales et régionales ne sont pas d'accord quoi en faire.

    La fin de la guerre et l'accord de Taef n'avaient pas été décidé par les libanais, c'était une décision internationale qui avait placé le Liban sous mandat syrien. Une décision similaire a mis fin à l'occupation syrienne 15 ans après.

    Le pouvoir de décision des libanais est nul depuis des lustres parce que nous n'avons jamais été une nation, nous ne sommes que des drogmans, des aubergistes, et des mercenaires, prêts à se vendre au plus offrant.

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  2. ‘’Une nation d’aubergistes’’

    Comme c’est bien trouvé mon cher Kheir, et tu pourrais ajouter sans problème : ‘’Une nation d’entremetteurs’’

    On dit :’’A force d’invoquer le diable, un jour il viendra…et vous le regretterez’’. Ainsi le sujet de la partition du Liban que tout le monde semble rejeter ; et pourtant on en parle constamment depuis 30 ans.

    Il faut avouer que les deux champions de la partition ( Joumblatt & Geagea ) sont toujours des figures de proue sur la scène politique Libanaise.

    Je suis d’accord sur le fait que le Liban est aujourd’hui plus que jamais le jouet des puissances étrangères, ceci dû principalement à la faiblesse de caractère du Libanais et de son mercantilisme exacerbé.

    Voila pourquoi les livraisons massives d’armes a tous les partis antagonistes au Liban me paniquent.

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  3. Ouf, ça faisait trop longtemps que je ne te lisais pas régulièrement. Suis là, maintenant. Cet a-m je comble tout mon retard.
    Je te bisoute FORTISSIMO,

    Sixt'

    P.P. : Y'a personne pour lui filer un coup au Geagea...?

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  4. Et moi de même chère Sixt’ : Smic, Smac, Smoc :))))))))))))))

    Geagea ne perd rien à attendre ; entretemps la traque continue derrière une bête infiniment plus dangereuse.
    Le truc est de respecter l’ordre des priorités.

    Encore un grand Smac ;)
    Ibrahim.

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  5. le Liban, victime ou auteur et responsable de ses propres malheurs...?? Cette guerre qui, quand elle semble avoir pris fin, couve sous les cendres...
    Je vous invite à lire le dernier livre de Darina al Joundi & Mohamed Kacimi "Le jour où Nina Simone a cessé de chanter". Difficile de vivre en femme libre dans un pays où la violence devient maîtresse.

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  6. @ Chris
    J’ai déjà lu le livre sauvage et désespéré de Nadia el Jundi qui comporte des passages d’une fureur catharsistique sublime.

    Merci sincèrement quand-même pour me l’avoir recommandé et que je recommande à mon tour à tous ceux qui aiment leurs huitres et leur vérité toutes crues.
    Pas un bouquin pour les rêve-bleuîtes ni les culs-bénits.

    Quant au Liban…
    J’en désespère.

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  7. Joyeuses Pâques Ibrahim, j'ai trouvé des enregistements intéressants sur le site de l'AUB

    http://ddc.aub.edu.lb/projects/cames/interviews/index.html

    L'histoire contemporaine du Liban racontée par Raymond Eddé en 1970est édifiante.

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  8. Il manque .html au lien que je viens de mentionner

    http://ddc.aub.edu.lb/projects/cames/interviews/index.html

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  9. Joyeuses Paques cher Ami Ibrahim. Meilleurs voeux également à tous les lecteurs de ce blog.

    PS : Je ne peux qu'adhérer à cette analyse que je trouve très pertinente ( jugement émis en toute humilité ).

    " Tiendra t'il ? "
    Il tiendra tant que les Marionnettistes que nous connaissons tous, en faisant tourner leurs mains ( ou leurs dollars ) de gauche à droite et de droite à gauche, s'en tiendront à nous faire danser gentillement.

    Le jour ou nous aurons trop dansé est à redouter. Car pour les amuser, nous nous mettrons alors à nous flinguer.

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  10. @ Kheireddine.

    Merci cher Kheir pour tes aimables vœux, et surtout pour la formidable interview édifiante a bien des côtés du regretté Raymond Eddé dont la clairvoyance et l’intégrité légendaires nous manquent cruellement dans notre Liban d’aujourd’hui.

    Il est un terme en anglais pour qualifier un personnage dont les attributs le rendent impropre a l’adaptation avec un certain milieu : un ‘’MISFIT’’.

    Le ‘’Amid’’ l’était dans son propre pays.
    Et ce fut bien dommage pour nous tous.

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  11. @ Romanos

    Et joyeuses Pâques à toi aussi cher ami.
    Quoique les traces du formidable parcours laissées sur terre par l’homme venu de Nazareth s’estompent chaque année un peu plus englouties par les lames de l’intolérance, la haine, la cupidité, le fanatisme et la mondialisation.

    Ô stupidité humaine !
    Dieu garde le Liban.

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